SAGUENAY – Depuis les 4 dernières années, le nombre de travailleurs agricoles temporaires en provenance majoritairement du Guatemala et du Mexique, qui viennent prêter main forte aux producteurs du Saguenay–Lac-Saint-Jean entre les mois d’avril et octobre, connaît une augmentation fulgurante.
Pierre-Luc Gaudreault, directeur régional du Centre d’emploi agricole (CEA), également responsable des Ressources humaines au sein de cet organisme faisant partie de l’Union des producteurs agricoles (UPA), estime que ce contingent regroupe présentement environ un millier de travailleurs saisonniers. En 2019, ceux-ci étaient tout au plus une cinquantaine. En 2021, ils étaient déjà 500. Le nombre de 1000 a été atteint en 2022.
Les statistiques sont à ce point à la hausse que des producteurs agricoles apprennent l’espagnol pour être en mesure de mieux communiquer avec leur personnel, notamment en ce qui concerne la santé et la sécurité. « Pour 2023, on peut parler d’une stabilisation mais, à mon avis, ce chiffre continuera d’augmenter. Notre industrie agricole a besoin de bras, d’où l’importance de continuer à bien accueillir ces renforts en provenance de l’étranger », affirme M. Gaudreault.
La pénurie de main d’œuvre affecte durement l’industrie agricole. Selon le directeur du CEA, le pire resterait d’ailleurs encore à venir dans ce secteur où le manque de travailleurs est une réalité rendue encore plus aigüe en raison de l’effort physique quotidien exigé par ce type de labeur.
Faire appel à des travailleurs étrangers coûte cher. « Oui, il faut tenir compte notamment de l’augmentation du salaire minimum, précise Pierre-Luc Gaudreault. Mais, il faut aussi savoir qu’un producteur doit débourser entre 3000 $ et 5000 $ en frais d’administration et d’accueil pour chaque travailleur saisonnier qu’il embauche. Il a aussi l’obligation légale de défrayer une partie des coûts reliés au logement. Pour l’ensemble de l’industrie régionale, cela représente, à chaque saison, une somme d’environ 380 000 $ par mois ».
Le défi des départs à la retraite
Les départs à la retraite, de plus en plus nombreux depuis les dernières années dans tous les secteurs de l’économie québécoise, affectent particulièrement l’industrie agricole régionale.
« C’est une réalité très présente en agriculture et même un défi, observe Pierre-Luc Gaudreault. Le transfert d’entreprise est une opération extrêmement complexe. De plus, le coût des fermes laitières est en constante augmentation. Devenir propriétaire d’une telle affaire n’est pas à la portée de tous les jeunes. Autre élément à considérer : pour s’assurer d’un revenu décent dans ce domaine, il faut être propriétaire d’un cheptel comptant entre 60 et 80 vaches alors qu’il faut débourser plusieurs millions de dollars pour en acquérir un regroupant seulement une quarantaine de bêtes. Enfin, la machinerie coûte cher. En résumé, en agriculture, trouver des acheteurs, des repreneurs, c’est beaucoup plus complexe que de devenir propriétaire d’un restaurant ».
Évolution rapide de l’industrie
L’agriculture a énormément évolué depuis les 40 dernières années, insiste Pierre-Luc Gaudreault. « Les opérations sont les même qu’autrefois, c’est la façon de les mener à bien qui a changé. Des gens pensent encore que travailler dans une ferme est une activité archaïque. Pourtant, la réalité est complètement différente d’il y a 50 ans. Nous ne sommes pas encore rendus à l’intelligence artificielle, même si la robotisation est présente et que les pratiques s’en trouvent améliorées. Cela dit, on aura toujours besoin d’une intervention humaine pour réparer les machines et s’occuper de l’étable, d’où l’enjeu majeur de la formation, notamment en matière de santé et de sécurité avec la présence de plus en plus nombreuse sur notre sol de travailleurs étrangers ».
Les fermes familiales sont moins présentes que par le passé, conclut Pierre-Luc Gaudreault. « Les familles comptent désormais moins d’enfants, le relève s’en trouve donc affectée. Les jeunes issus de ce milieu sont davantage attirés aujourd’hui par d’autres métiers ou des professions qui leur assureront une qualité de vie faisant une grande place à la famille. Le souci de profiter de l’existence avant la retraite est davantage présent dans le milieu agricole que par le passé. L’industrie doit s’adapter, revoir certaines pratiques pour répondre aux attentes des jeunes qui ne veulent pas brûler la chandelle par les deux bouts ».