Selon David Goulet, directeur du service économique de l'APCHQ, la reprise s'annonce progressive après une des pires années pour les mises en chantier depuis 1955. " On a observé une accélération en fin d'année 2024 avec la diminution des taux d'intérêt, mais on demeure en deçà des niveaux de 2021-2022 ", explique-t-il. Pour atteindre les objectifs de construction fixés pour 2030, l'économiste souligne qu'il faudrait multiplier le niveau actuel des mises en chantier par quatre dès cette année, ce qui représente un défi de taille compte tenu des contraintes actuelles.
L'APCHQ estime que la majorité des nouvelles constructions seront des logements locatifs, notamment en raison du vieillissement de la population et d'un accès à la propriété de plus en plus difficile pour les jeunes ménages. " Les gens restent locataires plus longtemps et l'industrie doit s'adapter à cette réalité ", ajoute M. Goulet.
Saguenay : un cas particulier
La RMR de Saguenay s'est distinguée en 2023 par une augmentation marquée des mises en chantier, contrairement à la tendance provinciale. Cette hausse est attribuable à la construction de plus de 500 logements locatifs, un chiffre bien au-delà des standards historiques de la région. " On a vu une poussée dans le multilogement, mais il est probable qu'on revienne progressivement à une centaine de nouvelles unités par année d'ici 2026 ", prévoit M. Goulet.
Toutefois, Saguenay pourrait faire face à un ralentissement à long terme. Le profil démographique y est en mutation avec une diminution du nombre de ménages, une tendance unique parmi les RMR du Québec. " Si la population diminue, la demande pour de nouveaux logements pourrait s'essouffler ", précise l'expert.
Retirer la TVQ
Le marché résidentiel doit également composer avec des enjeux de main-d'œuvre et de productivité. Selon M. Goulet, la productivité dans le secteur a diminué de 12 % depuis 2017. " Un chantier qui nécessitait 100 travailleurs en requiert aujourd'hui 112 ", souligne-t-il. Des efforts sont nécessaires pour attirer davantage de travailleurs, notamment parmi les femmes et les Autochtones, sous-représentés dans l'industrie.
Par ailleurs, l'augmentation des coûts de construction et de financement freine de nombreux projets. Bien que l'exemption de la TPS sur les immeubles locatifs neufs ait apporté un souffle, l'APCHQ milite pour que le Québec emboîte le pas à l'Ontario en annulant la TVQ sur ces projets. Une étude de l'association estime que cette taxe entraîne une augmentation de 160$ du loyer mensuel minimal pour qu'un projet soit viable.
Restructuration du marché ?
Face à ces défis, l'industrie se tourne vers des solutions comme la préfabrication, qui pourrait favoriser la productivité. De plus, plusieurs municipalités ont emboité le pas dans la densification urbaine pour maximiser les infrastructures existantes, alors que les coûts d'entretien des réseaux d'eau et de transport s'alourdissent.
" Le marché s'adapte, mais les mesures actuelles ne suffisent pas à combler le retard accumulé ", conclut M. Goulet. " Sans interventions plus marquées, il sera difficile de renverser la tendance et de répondre adéquatement aux besoins en habitation partout sur le territoire. "