Ce n’est jamais une bonne nouvelle quand un quotidien fortement ancré dans son milieu annonce qu’il a l’intention de mettre un terme définitif à son édition imprimée de fin de semaine, pour se consacrer uniquement à sa plateforme numérique.
C’est pourtant ce que vient de décréter Le Quotidien, en même temps que ses cinq autres collègues du Québec et de l’Ontario qui font partie, comme lui, des Coops de l’information (Le Droit d’Ottawa, Le Soleil de Québec, La Tribune de Sherbrooke, Le Nouvelliste de Trois-Rivières, la Voix de l’Est de Granby). Cette décision sera effective au mois de décembre 2023.La grande presse écrite québécoise est fortement ébranlée depuis les dernières années et rien n’indique que la crise est sur le point de se résorber. En fait, elle semble plutôt s’amplifier. En effet, le 7 janvier dernier, les directions du Journal de Québec et de Montréal ont également mis fin à leurs éditions imprimées du dimanche.
Survivants et prospères
À la base, le problème principal qui confronte la presse écrite est connu ; il n’est pas dû uniquement à une baisse de son lectorat mais à la présence des géants du Web (GAFA). Ceux-ci relaient sur la toile l’information récoltée à grands frais par la presse écrite sans dédommager financièrement ses propriétaires. Les médias électroniques paient aussi le prix de ce détournement. Obligée de composer avec des coûts de production en croissance, les journaux n’ont plus la capacité financière pour garantir les services qui ont fait leur réputation. Ils doivent réduire leurs coûts de façon drastique. Comment expliquer que, dans un contexte si peu favorable, de rares journaux encore imprimés de façon traditionnelle parviennent à survivre et à prospérer en s’appuyant sur leur édition numérique, tandis que d’autres, faisant pourtant partie de grands groupes de presse et pouvant, par définition, faire appel à un éventail important de ressources pour assurer leur développement, déclarent forfait ? La réponse réside peut-être dans la capacité des survivants à cibler parfaitement le type d’information qu’ils désirent véhiculer pour la répartir ensuite entre le papier et le virtuel de façon à éveiller, chaque fois, l’intérêt simultané des lecteurs et des internautes.
Une affaire de dosage et de contenu
Prenez, par exemple, le journal mensuel que vous tenez présentement entre les mains… Certes, la sensation que procure le papier sur lequel Informe Affaires est imprimée est agréable. Mais, si vous êtes fidèle à cette publication éditée sans interruption depuis les 14 dernières années, c’est sans aucun doute parce que son contenu diversifié, qui colle à la réalité économique de la région, répond à vos attentes. Ce contenu s’appuie sur une plateforme numérique dynamique couvrant, sur une base quotidienne et en continu, l’actualité de la micro et de la moyenne entreprise avec une attention particulière pour la grande industrie. Laissons parler les statistiques : en 2016, les 12 éditions mensuelles d’Informe Affaires ont totalisé 368 pages ; ce nombre a augmenté graduellement pour atteindre 528 en 2022, ce qui représente progression de 43 % . Le revenu publicitaire moyen par page a progressé, quant à lui, de 16 %. L’éditeur, Maxime Tremblay, attribue cette performance à un dosage précis entre l’information présentée en temps réel sur la plateforme numérique et l’édition imprimée publiée chaque mois.
Pour que la roue continue de tourner
Le papier aura toujours sa place dans la façon de livrer l’information. Il ne s’agit pas de réinventer la roue, simplement de faire en sorte qu’elle tourne mieux en l’adaptant aux situations spécifiques et aux besoins des sociétés dans lesquels l’actualité évolue.
Surnommé à juste titre « La Bête » dans le milieu de l’information, le Web doit être nourri chaque jour sans discontinuer, car il est insatiable. L’imprimé, c’est le plat de résistance que le lecteur a tout le loisir de déguster selon son rythme. Il peut ainsi mieux digérer l’information et en tirer les leçons qui s’imposent. « La Bête » ne sera jamais domptée, elle sera toujours affamée. Rien ne dit, toutefois, que la situation qu’elle a créée ne peut pas être apprivoisée.