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Maxime Hébert-Lévesque

MASHTEUIATSH – Le Centre collégial de transfert technologique (CCTT) en fourrure nordique affilié avec le Cégep de Saint-Félicien et le Centre d’études collégiales de Chibougamau, Écofaune Boréale, analyse présentement une synergie possible entre les industries agroalimentaire et textile.

« Notre équipe chez Écofaune travaille sur des projets avec deux abattoirs situés dans la région de la Mauricie et la MRC de Coaticook. L’objectif est de donner une valeur ajoutée à la carcasse des bêtes en réutilisant leur peau pour en faire du cuir. Au Québec, près de huit millions de veaux, de bovins, d’agneaux et autres gibiers transigent par les abattoirs annuellement. Mis à part quelques exceptions, l’ensemble des peaux sont redirigées vers des centres d’enfouissement ou des incinérateurs. Une situation qui n’est pas optimale dans un contexte où le développement durable, les circuits courts et les pratiques écologiques sont prônés partout dans l’industrie », explique Louis Gagné, coordonnateur de la CCTT Écofaune Boréale.

En plus du gaspillage, la destruction des peaux occasionne un coût significatif pour les centres de transformation. Ce montant destiné au traitement des déchets organiques serait refilé à l’intermédiaire immédiat dans la chaine de valeur de la viande et se traduirait par une augmentation du coût de la protéine animale pour le consommateur. « D’un côté, on paye pour détruire des revenus potentiels et de l’autre, on importe de l’international à gros prix une matière textile à forte empreinte carbone. Cela n’a pas de sens au niveau écologique et économique.

Moins chimique et plus rentable

La mission d’Écofaune Boréale pour ce dossier précis est de développer des modèles d’affaires rentables dans la réutilisation des peaux ainsi qu’améliorer les processus de tannages. La création d’innovation est un mandat du ministère de l’Économie et de l’Innovation (MEI) qui supporte financièrement une partie des opérations de la CCTT.

« Au-delà de créer des vases communicants entre les transformateurs et les abattoirs afin d’optimiser la passation des rebuts organiques d’une industrie à l’autre, il faut revoir le processus de tannage. En effet, la fabrication du cuir est exigeante pour l’environnement. On utilise une matière chimique, le chrome III, pour le passage d’une peau putrescible en cuir imputrescible. Cela génère une quantité non négligeable d’eaux usées qui doivent être traitées avant d’être rejeté. Notre équipe s’évertue donc à développer de nouveaux procédés de fabrication qui n’utiliseraient pas le chrome et qui seraient écologiquement plus responsables. Une tâche qui n’est pas simple puisqu’il faut que le cuir produit par notre technique ait les mêmes propriétés mécaniques que le cuir traditionnel. Sinon, il ne sera pas compétitif. Nous travaillons en étroite collaboration avec des intervenants de l’industrie de la mode et du design qui ont l’habitude de traiter avec ce type de matériel. Ce sont ces gens qui nous diront si nos résultats sont bons ou non », précise M. Gagné.

Le coordonnateur ne cache pas que sans innovation technique au niveau du tannage, la plus-value du produit serait moins perceptible. « Il est certain que notre cuir doit avoir une couleur unique, un cachet. Le produit doit combiner à la fois écologie, rentabilité et élément distinctif. C’est essentiel d’arriver avec quelque chose à fort potentiel commercial afin de relancer l’industrie du tannage au Canada. »

Composé avec l’acceptabilité sociale

L’ensemble de la population comprennent et acceptent de manière conditionnelle l’industrie du cuir et de la fourrure. Mis à part auprès de quelques groupes radicaux provenant de l’extrême gauche, l’acceptabilité sociale est quelque chose d’atteignable. « L’idée de récupérer les peaux provenant du secteur agroalimentaire ne signifie pas encourager l’abattage de plus d’animaux, mais d’optimiser au maximum la ressource disponible. Chez Écofaune Boréale, nous avons dressé une liste de six points qui doivent être respectés afin de justifier notre industrie à une époque où la durabilité, l’acceptation et l’écologie sont au cœur des priorités. »

Les six conditions

Selon Louis Gagné en règle générale, le cuir passe mieux en termes d’acceptabilité sociale que la fourrure. D’ailleurs, la vision d’Écofaune Boréale a légèrement été modifiée considérant la popularité décroissante pour la fourrure. « Nous espérons toujours devenir le plus beau centre de recherche canadien sur la fourrure et le cuir, mais nous insistons beaucoup sur le cuir. Une étude réalisée en France révélait que le secteur du cuir employait 25 000 travailleurs et que le secteur de la fourrure était pratiquement inexistant. Il semble y avoir plus d’opportunité économique pour la peau que le duvet. Quoi qu’il en soit, notre équipe à évaluer qu’un projet dans cette industrie à plus de chance de fonctionner si elle répond à six conditions. »

Aspect d’économie circulaire

Un projet a le souci d’optimiser une ressource au maximum. Comme l’exemple de maillage avec l’industrie agroalimentaire.

Utiliser des procédés écologiques

Un cuir produit sans chrome avec des procédés novateurs et peu polluants. D’ailleurs, M. Gagné précise que les Pays-Bas auraient développé de nouvelles techniques de tannage écoresponsable. Des échantillons devraient être envoyés au scientifique d’Écofaune Boréale.

Respect des cultures et traditions écoresponsables

Si la fourrure vendue provient du savoir-faire des peuples millénaires en respect à leur coutume et tradition. Toutefois, ce n’est pas toutes les coutumes et traditions qui sont écologiquement responsables. Il faut encourager les bonnes pratiques.

La production locale

Si le produit vendu favorise notre indépendance au marché internationale. Dernièrement, l’équipe d’Écofaune Boréale a visité l’une des plus grandes filatures de laine en Amérique du Nord, Filature Lemieux en Beauce. Ceux-ci utilisaient auparavant uniquement de la laine québécoise pour le filage, aujourd’hui 100 % de la laine provient de l’extérieur. Selon M. Gagné, si les frontières venaient à fermer, nous ne serions pas en mesure de nous autosuffire.

Adaptation du secteur agroalimentaire

Les animaux utilisés pour le cuir ou la fourrure ne proviennent pas de fermes de 15 000 têtes comme l’on peut observer aux États-Unis. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) avance qu’une réduction de 85 % de notre consommation de viande devrait être faite pour éviter la catastrophe écologique. L’industrie du cuir doit prendre acte des données scientifiques et travailler dans l’optimisation de l’utilisation de la ressource.

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