Auteur

Karine Boivin Forcier

N.D.L.R. Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : «La main-d’œuvre, une ressource inestimable» publié dans notre édition du mois d’août.

SAGUENAY – En cette période de pénurie de main-d’œuvre, le repreneuriat, soit la reprise ou le rachat d’une entreprise existante, pourrait bien constituer une option intéressante afin de favoriser la rétention des employés clés.

Selon Éric Dufour, associé et vice-président régional, leader national en transfert d’entreprise chez RCGT, les PME sont de plus en plus nombreuses à réfléchir à cette avenue. « La pénurie de main-d’œuvre crée un stress. Il y a un roulement important dans les PME actuellement. Les employeurs ne veulent pas perdre leurs ressources clés, qui portent une partie de leurs valeurs et de leur ADN. Il y a donc une tendance de regarder les possibilités pour faire entrer ces employés dans l’actionnariat », explique-t-il.

Le repreneuriat devient ainsi une mesure de rétention intéressante. « C’est une marque de confiance envers les travailleurs. On leur dit qu’ils sont les bonnes personnes pour prendre la succession. C’est rassurant pour l’équipe et les clients, ils connaissent déjà les futurs dirigeants », indique Pierre Graff, président et directeur général du Regroupement des jeunes chambres de commerce du Québec (RJCCQ), qui a lancé le Mouvement Repreneuriat en 2021.

Éric Dufour estime qu’en général, 90 % des employés qui sont approchés pour devenir actionnaires sont intéressés. « Ils veulent toutefois en savoir plus. Souvent, les gens ne sont pas au fait exactement de ce que ça implique. C’est là que nous, en tant qu’experts, nous intervenons. Nous pouvons les rencontrer, évaluer leurs profils et répondre à leurs questions. »

Une nécessité

L’idée du repreneuriat interne est d’autant plus séduisante que plusieurs gens d’affaires prévoient céder leur entreprise au cours des années à venir. Ce nombre a augmenté de façon exponentielle suivant la pandémie, affirme M. Graff. « Il y aura environ 37 000 entreprises à reprendre au Québec dans les deux prochaines années », précise-t-il.

Ce seraient ainsi 5,6 % de toutes les entreprises québécoises qui risqueraient de fermer leurs portes d’ici la fin de l’année, faute de repreneurs. « Dans les prochaines années, on estime que ça représente 2 200 fermetures potentielles. » Le recrutement de la relève au sein des ressources d’une organisation incarne donc une solution de choix pour éviter la fermeture de ces PME. Toutefois, même un entrepreneur qui n’est pas à l’aube de sa retraite pourrait envisager de vendre une partie des actions à ses employés clés afin d’aller chercher de la profondeur.

Réduire le risque

Cette formule permet aux nouveaux actionnaires de réduire le risque en partageant les parts avec d’autres. « Aujourd’hui, on dit toujours que ça prend trois ressources pour remplacer le baby-boomer entrepreneur. Les affaires, ça nécessite de plus en plus de compétences. Les gens vont être plus ouverts qu’avant à avoir des partenaires. Ils veulent maintenir une qualité de vie. Un groupe de repreneurs garantit aussi un partage collectif de l’intelligence et du pouvoir de décision », fait remarquer M. Dufour. Le processus est également rassurant pour l’employé qui l’entame, puisqu’il peut s’intégrer progressivement à l’actionnariat, tout en conservant son emploi.

Essentiel accompagnement

Pierre Graff et Éric Dufour sont unanimes sur la nécessité d’être bien accompagné et outillé pour entamer un processus de relève, qu’il soit interne ou externe. « Ça demande une bonne préparation, avec des spécialistes. Nous, nous venons aider l’entreprise à préparer ce processus. Tout est dans la planification. Nous allons prévoir la transition en regardant toutes les facettes de l’organisation pour ensuite recommander un plan de relève et d’intégration à l’actionnariat », mentionne M. Dufour.

En effet, la PME qui s’engage dans une telle démarche devra adapter ses façons de faire, modifier sa manière de communiquer et sa gouvernance. Le dirigeant doit se préparer à laisser du pouvoir aux nouveaux actionnaires. « La plupart du temps, lorsque le contexte est favorable, on va y aller par étape. Cela va garantir, à l’intérieur de 24 mois, de pouvoir faire un premier geste concret », note le spécialiste.

Éric Dufour rappelle aussi l’importance de bien cibler les repreneurs. Les experts pourront valider les compétences et les forces des individus, tout en vérifiant que les différents profils sont complémentaires. « Nous sommes là pour nous assurer qu’ils n’oublient pas les angles morts. Nous travaillons avec eux pour gérer les risques de leur démarche, nous assurer qu’ils n’omettent pas d’étapes tout en maintenant un certain rythme de transition », conclut-il.

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