Guy Bouchard
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Guy Bouchard

SAGUENAY - Le bureau saguenéen de la multinationale SEFAR, qui conçoit et fabrique des médias filtrants pour les procédés industriels, est un des trois principaux partenaires qui sont en attente de la certification de Santé Canada concernant la mise en marché du 1er masque N95, entièrement lavable, de fabrication 100 % québécoise. Si cela s’avère, SEFAR, M.I. Intégration et Dorma Filtration seront en première ligne pour fabriquer des centaines de milliers de masques N95, au cours des prochains mois. Une aventure d’innovation collaborative initiée dans le cadre d’une crise historique.

Yves Tremblay, directeur général de SEFAR au Saguenay, explique que ce produit aux caractéristiques uniques au monde, permettra à son utilisateur un confort et une sécurité sans commune mesure avec le N95 actuellement utilisé par des millions de citoyens et d’intervenants du domaine de la santé à l’échelle du Canada. Sans compter qu’en étant réutilisable, son déploiement générera des économies substantielles, notamment pour le trésor public. Par surcroît, son utilisation à grande échelle permettra de réduire l’empreinte sur l’environnement de produits semblables, qui sont pour la plupart jetables.

Précisons que la membrane filtrante constitue l’apport principal de SEFAR dans le projet. Les deux partenaires de l’entreprise saguenéenne doivent assurer la production des autres parties du masque, qui doit répondre à des règles et caractéristiques très sévères. À terme, si d’ici quelques semaines Santé Canada juge l’ensemble de l’œuvre conforme à ses exigences, c’est Dorma Filtration qui sera responsable de la mise en marché de ce masque unique, produit grâce à cette approche collaborative inespérée. Pour Yves Tremblay n’eut été la grande ouverture d’esprit de ses vis-à-vis, mais aussi de l’utilisation des imprimantes 3D pour accélérer le processus de conception, le projet serait probablement encore à l’étape des palabres.

Le filtre made in SEFAR

De son côté, le Directeur innovation Minéraux de l’entreprise, Luc Parent, gestionnaire de ce projet, explique que la contribution de SEFAR se situe au niveau du dispositif de filtration du masque et du joint d’étanchéité qui l’accompagne. Ils constituent pour l’utilisateur deux des principaux éléments liés à la sécurité du produit fini. Insérée dans un cadre de plastique carré (la cassette) la membrane filtrante est constituée de deux matériaux, soit un polymère non tissé, comme support, sur laquelle est appliquée un mince film, constituée de Téflon.

Cet amalgame, qui a l’apparence d’une toile de vinyle, est un intrant déjà utilisé par certains clients de SEFAR pour d’autres usages. Le produit est ensuite coupé et plié en accordéon, pour ensuite être inséré dans la cassette. Ce pliage, imaginé par SEFAR, permet d’augmenter considérablement la surface filtrante, tout en permettant d’introduire celle-ci dans un espace réduit. Autre avantage non négligeable, le filtre laisse ainsi passer beaucoup plus d’air que le N95 conventionnel, ce qui augmente sensiblement le confort de son utilisateur. « C’est important que le masque soit confortable, sinon les gens ne le porteront pas », assure Luc Parent, qui confirme que le dispositif a été soumis aux tests de performance les plus exigeants en plus de subir avec succès l’épreuve de plus de 160 passages dans un lave-vaisselle domestique, sans subir de dommages notables.

Les défis de la certification

Luc Parent précise d’ailleurs que le dispositif de filtration a subi trois tests d’évaluation d’efficacité incontournables et spécifiques aux filtres N95, notamment en regard du blocage de particules ultrafines (moins de 3 microns) pour lequel il a dépassé la norme N95 en filtrant 99 % de celles-ci. Il a également performé au chapitre des projections de gouttelettes sous pression de type aérosol (produites lors d’éternuement ou de toux). Enfin, il a été testé avec brio pour sa respirabilité en regard de débits d’air constant et cyclique, simulant la respiration des utilisateurs.

Impliqués pour les bonnes raisons

Yves Tremblay est littéralement emballé par l’aboutissement de ce projet novateur qu’il qualifie « d’aventure collaborative avec des gens d’origines et secteurs d’activités confondus ». Pour lui, il s’agit véritablement d’un appel à la solidarité qui a été lancé au début de la pandémie, par l’équipe d’Emmanuel Bergeron, directeur du bureau de Développement économique régional (DER) de Rio Tinto, qui cherche des moyens d’aider la communauté régionale et québécoise à travers son réseau d’experts et de fournisseurs de la multinationale.

S’en suit une discussion avec les gens de SEFAR, mais également avec de nombreux autres partenaires potentiels à l’échelle du Québec. Une sorte d’appel à s’impliquer pro bono, qui a porté fruit. L’homme confirme d’ailleurs que ce mouvement constructif et très productif, sans véritable chef de file, a généré le lancement d’une dizaine d’autres projets semblables qui vont éventuellement aussi aboutir à des innovations aux bénéfices de la population.

« Il n’y avait pas vraiment de chef d’orchestre, mais plutôt une volonté commune d’arriver à une solution collégiale, à un problème commun », assure Yves Tremblay. L’équipe s’arrête rapidement sur l’idée de créer et produire un masque N95 réutilisable. Soulignons qu’outre la mise au service de son vaste réseau, le DER a fourni 10 000 $ à SEFAR pour la conception et le design de la cassette.

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