Saguenay – L’année 2023 sera plus difficile pour l’économie du Saguenay–Lac-Saint-Jean, selon les plus récentes prévisions économiques publiées par Desjardins. La situation régionale s’apparente toutefois à celle du Québec.
Les données présentées par l’institution financière permettent de constater que la forte croissance observée en 2021 et en 2022 s’atténuera au cours des prochaines années. En 2023, le rythme de croissance du produit intérieur brut (PIB) nominal dans la région devrait passer de 9,6 % à 1,5 %. Il sera donc un peu plus faible que celui du Québec, estimé à 2,7 %. La situation devrait toutefois s’améliorer en 2024 avec 4,5 % pour la région et 3,1 % pour la province.
« Il faut savoir que le PIB nominal prend en compte l’inflation. En 2021, la croissance de 10,8 % dans la région s’explique par le rebond post-pandémie. Toutefois, en 2022, c’est beaucoup l’inflation qui vient gonfler les chiffres. Dès que l’inflation descend, ça explique en grande partie la baisse du PIB nominal », précise Maëlle Boulais-Préseault, économiste chez Desjardins.
En termes réels, les données sont disponibles seulement pour l’ensemble du Québec et la coopérative prévoit une croissance assez proche de zéro pour la province. « On parle de - 0,2 % pour l’année 2023. Dans nos prévisions, nous avons deux trimestres négatifs et un nul. »
Choc atténué
Selon Mme Boulais-Préseault, le fait qu’il y avait beaucoup de postes vacants dans la région contribue à atténuer le choc économique. « On ne verra pas autant de pertes d’emplois et de hausse du taux de chômage qu’on ne l’a vu lors de récessions passées. On parle beaucoup de récession courte et modérée, donc ça ne sera pas ce qu’on a vu en 2020 ou en 2008 », explique-t-elle. Dans l’ensemble, l’emploi, qui avait connu une bonne progression de 1,7 % en 2022, devrait d’ailleurs continuer à croître modérément (1,1 %) au Saguenay–Lac-Saint-Jean en 2023. Les prévisions prévoient toutefois une baisse de 0,3 % en 2024. Le taux de chômage augmenterait toutefois légèrement (3,8 % en 2022 à 3,9 % en 2023), tout en demeurant largement sous la moyenne historique régionale.
Par ailleurs, les intentions d’investissement dans la région ont atteint un sommet historique en 2022 avec 2,4 G$. Plusieurs de ces projets d’investissements sont encore en cours ou doivent commencer en 2023. Desjardins évoque notamment l’usine de billettes d’aluminium de Rio Tinto à Alma (240 M$), la construction de la ligne à haute tension entre La Dorée et Saint-Félicien par Hydro-Québec (entre 20 et 40 M$), le nouveau bâtiment du Centre des technologies des énergies renouvelables et du rendement énergétique du Cégep de Jonquière (17 M$), le prolongement de l’autoroute Alma-La Baie, l’agrandissement de l’hôpital de Chicoutimi, etc. « On ne s’attend pas à une baisse importante à ce niveau-là. Il y a encore beaucoup d’investissements de prévus, donc encore une fois, ça va atténuer les effets de la crise », affirme l’économiste.
Un frein pour l’immobilier
Les hausses successives de taux d’intérêt en 2022 ont freiné la frénésie qui s’était emparée du marché immobilier. L’effet s’est fait particulièrement sentir du côté du marché de la revente, avec une baisse de 29 % du nombre de transactions en 2022 au Saguenay–Lac-Saint-Jean.
Le prix de vente moyen a toutefois grimpé de plus de 10, 8 % dans l’ensemble de la région et de 11 % dans la région métropolitaine de recensement (RMR) de Saguenay. Desjardins prévoit que l’essoufflement sur le marché de la revente se poursuivra cette année, avec une diminution de 25 % des transactions et une réduction du prix moyen des propriétés d’environ 4 %. Les ventes devraient reprendre en 2024, avec une croissance anticipée de 10,9 %.
Toujours en lien avec les hausses de taux, les mises en chantier ont également chuté de 6,8 %. Maëlle Boulais-Préseault prévoit que ce ralentissement devrait se poursuivre en 2023, alors que les taux hypothécaires demeureront élevés tout au long de l’année. Puisque le taux d’inoccupation est actuellement faible (0,8 %), on pourrait tout de même voir le développement de nouveaux projets immobiliers.
« Nous ne prévoyons pas d’autre hausse de taux en 2023. Nous pensons que nous avons atteint un plafond et que ça va diminuer au début de 2024. Encore une fois, c’est susceptible de changer selon ce qui se passe et l’incertitude par rapport marché du travail », indique Mme Boulais-Préseault.
Pénurie de main-d’oeuvre
L’économiste rappelle que la pénurie de main-d’oeuvre est encore très présente au Saguenay–Lac-Saint-Jean. En date du troisième trimestre de 2022, il restait encore 6 300 postes à combler, ce qui représente 5,8 % des emplois de la région. Pour le dernier trimestre de 2022, ce chiffre était passé à 4 900. « C’est une baisse importante par rapport au trimestre précédent, mais ça reste élevé par rapport à l’historique. »
Maëlle Boulais-Préseault souligne également que le vieillissement de la population est plus visible dans la région que dans le reste du Québec (population plus âgée que la moyenne du Québec). Cela fait en sorte que le bassin de travailleurs se fait de plus en plus petit. Elle estime qu’il faut y porter une attention particulière, parce que ce défi va prendre plus d’importance à plus long terme. Le nombre d’immigrants internationaux n’est actuellement pas suffisant pour compenser la baisse démographique prévue à compter de 2027.
Au chapitre des opportunités, Desjardins cible le secteur des minéraux critiques et stratégiques, dont les projets d’Arianne Phosphate et de First Phosphate. « Il y a beaucoup de potentiel avec ces projets-là », mentionne Boulais-Préseault. Les perspectives sont également intéressantes dans le domaine de la production et de la transformation d’aluminium en raison de la position stratégique du Saguenay–Lac-Saint-Jean dans ces activités. Les prix devraient diminuer à la suite du sommet de 2022, mais ils devraient demeurer assez élevés pour que l’industrie en bénéficie.
Selon Desjardins, il faut d’ailleurs prendre en compte que si l’incertitude demeure cette année, 2024 devrait se présenter sous de meilleurs augures. « Le meilleur est à venir. En 2024, on devrait aller vers un retour vers la normale pré-pandémique », conclut Maëlle Boulais-Préseault.