SAGUENAY - Le milieu du cinéma saguenéen est en plein essor, avec l'apparition de plusieurs boîtes de production indépendantes au cours des dernières années. Malgré cette effervescence, plusieurs enjeux demeurent pour les entreprises régionales évoluant dans ce secteur. 

Stéphanie Gagné, productrice et propriétaire des Films de La Baie, qui œuvre dans le domaine depuis 20 ans, révèle qu'à l'époque, la région comptait environ deux boîtes de production indépendantes. Elles sont maintenant plus d'une dizaine, un essor favorisé, selon Mme Gagné, par l'avènement du Bureau du cinéma de Saguenay. "Que le Bureau du cinéma prenne vie, prenne sa place dans le développement des artistes de la région, c'est super positif", assure-t-elle.

Louis Moulin, réalisateur et responsable du développement de projets chez Saint-Fortunat Films, constate également le dynamisme actuel du milieu cinématographique régional. "Il y a un beau bassin de réalisateurs, de scénaristes, de gens qui veulent faire du cinéma. En ce moment, il y a une effervescence qui renaît, entre autres avec des initiatives comme le Fonds du cinéma court du Bureau du cinéma", estime-t-il.

Des productions régionales rayonnent d'ailleurs au Québec et à l'étranger. Notamment, le documentaire La folle traversée de Philippe des Films de La Baie a obtenu une mention Coup de cœur au Festival What a trip ! de Montpellier en France. Il a également été présenté en Louisiane et à Terre-Neuve. Le premier court métrage de Saint-Fortunat Films, Chien de Sang, réalisé par Louis Moulin, s'est rendu au Festival de Cannes dans le Short Film Corner et a été sélectionné au festival Les Percéïdes en Gaspésie et au Off-Courts de Trouville en France. "Nos films voyagent et font rayonner la région", signale Mme Gagné.

Le nerf de la guerre

Cette implication du Bureau du cinéma est essentielle au développement de la filière dans la région, selon les intervenants. Elle apporte notamment une source de fonds supplémentaire. "Le nerf de la guerre en production vidéo, c'est le budget. Ce qui est difficile pour exécuter une idée, c'est d'aller chercher le financement", souligne Stéphanie Gagné.

Louis Moulin abonde en ce sens. Saint-Fortunat Films, qui existe depuis une dizaine d'années, réalise principalement de la production vidéo commerciale, mais a élargi son cercle vers les créations originales il y a environ trois ans. "Le volet commercial, c'est ce qui nous permet de vivre. C'est très rare en région que tu peux vivre uniquement du cinéma. Nous n'avons pas le choix d'avoir un volet commercial pour générer un revenu. Et ça nous permet de travailler très proche de notre domaine", affirme-t-il. 

En matière de budget, le fait d'évoluer en région peut toutefois devenir un atout pour les entreprises. "C'est un avantage, parce que quand on recherche du financement pour un projet, on fait face à un plus petit bassin. La compétition est plus restreinte. Évidemment, les bourses sont un peu moins élevées, mais ça reste des montants importants", indique Louis Moulin.

Main-d'œuvre : un enjeu

L'un des gros défis de la production vidéo dans la région demeure la main-d'œuvre. Avec les programmes de formation en Arts et technologies des médias du Cégep de Jonquière, il ne manque pas de travailleurs potentiels. L'enjeu se trouve plutôt dans la capacité à conserver cette expertise au Saguenay-Lac-Saint-Jean.

"Oui, c'est dynamique, mais on ne peut pas vivre de ça, ou on complète avec la vidéo commerciale comme nous. Ça fait que souvent, si les gens veulent se construire une grosse expérience, ils vont aller à l'extérieur. Par exemple, pour les preneurs de son, nous avons peu de personnes formées et qualifiées parce que les besoins ne sont pas constants pour ça", dévoile M. Moulin. 

Selon Stéphanie Gagné, il y a tout de même énormément de travailleurs compétents dans tous les domaines dans la région. Toutefois, la professionnalisation demeure un défi. "Il n'y a pas de formation pour devenir producteur ici. Souvent, en région, on apprend sur le tas. L'inis, le centre de formation professionnelle en audiovisuel, donne des cours une fois par semaine à Montréal, mais il n'y a rien d'offert à distance. On ne peut pas s'éduquer également par rapport aux grands centres. C'est un enjeu", fait-elle valoir.

De l'entraide

Selon les deux acteurs du milieu cinématographique, l'une des forces des producteurs de la région est l'entraide et la collaboration. "Souvent, même si j'ai mon équipe aux Films de La Baie, ça va m'arriver de faire une collaboration avec la gang de chez Saint-Fortunat, de demander de l'aide à Canopée, et vice-versa. Même si nous sommes des boîtes indépendantes, nous collaborons. Cette synergie entre producteurs est très importante et c'est un plus pour la région", explique Stéphanie Gagné. 

"Tout le monde veut se donner un coup de main. Si on monte un projet, c'est sûr qu'il va y avoir des gens motivés à participer", renchérit Louis Moulin. Ce dernier considère également que l'accès à des lieux de tournage diversifiés et à des paysages incroyables permet au Saguenay-Lac-Saint-Jean de se démarquer.