Voici la Une de notre édition papier du mois de juin.
SAGUENAY – Il faut le dire, l’élagage et l’abattage d’arbres sont des domaines où très peu de femmes sont actives à l’échelle du Québec. Pamela Picard a choisi en pleine connaissance de cause cette carrière non traditionnelle, considérée comme dangereuse, qui demande force physique et endurance. Elle vient d’ailleurs de joindre l’équipe d’élagueurs d’Arbre et Cie, y ajoutant une belle touche de diversité féminine.
La jeune recrue, qui a récemment complété un diplôme en arboriculture et élagage au Centre de formation professionnelle de Fierbourg, sera la seule femme dans la région et une des seules au Québec à exercer ce difficile métier. Mais elle sait parfaitement à quoi s’attendre. « Mon père était élagueur et m’emmenait souvent avec lui pour le voir travailler. J’ai toujours aimé grimper aux arbres. […] À l’âge de 10 ou 11 ans, il m’a installé le harnais pour que je puisse grimper avec. Mais à l’époque, je n’étais pas vraiment consciente que ça pouvait être un vrai métier », confie-t-elle. Mentionnons que la nouvelle diplômée s’installe dans la région avec son fiancé, qui débutera une formation au Cégep d’Alma l’automne prochain.
La petite séduction
Le copropriétaire d’Arbre et Cie, Charles Marchand, souligne avoir également embauché un élagueur d’expérience provenant du Royaume-Uni, dont la conjointe, une avocate originaire du Lac-Saint-Jean, a choisi de revenir dans sa région natale. Un autre travailleur devrait se joindre à l’équipe de neuf personnes dès cet automne. L’entrepreneur est évidemment très heureux d’ajouter à son personnel ces deux ressources au profil original et qui ajoutent de la diversité à son organisation, particulièrement dans un contexte où ces travailleurs sont une denrée rare. L’homme est particulièrement touché du fait que ce sont eux qui ont choisi son entreprise.
« Ils nous ont choisis et on est très fiers. Quand on les a rencontrés, c’était un peu la petite séduction, les mensonges en moins », image-t-il. Paméla Picard confirme. « Quand j’ai vu le site Internet, je l’ai trouvé intéressant. Je sens que l’entreprise a de belles valeurs. C’est très important pour moi d’avoir du plaisir au travail et les employés ont l’air vraiment cool. Je suis une fille qui fait un job de bras. Mais je n’ai pas senti de barrière parce que je suis une fille, quand je les ai rencontrés. C’était une de mes craintes, même quand je me suis inscrite au DEP. Quand j’ai fait mes stages, j’ai donné mon deux cent pour cent la première semaine pour prouver aux gars que j’étais aussi capable qu’eux. Là, je n’ai pas senti le besoin de prouver quelque chose », lance-t-elle.
La sécurité, une solution RH
Aux dires de Charles Marchand, le métier d’élagueur nécessite des qualités particulières et des connaissances pour ceux et celles qui le pratiquent. « Un élagueur, c’est avant tout un cordiste, spécialiste des arbres. Il doit être en forme, robuste et surtout très prudent. […] Sans compter qu’il doit avoir une excellente connaissance des arbres, de leurs parasites et de leurs maladies », confie l’homme d’affaires. Dans un contexte où la recherche de main-d’œuvre est devenue le problème numéro un des entreprises nord-américaines, les gestionnaires d’Arbre et Cie ont décidé d’investir dans un équipement qui facilite grandement le travail des RH, tout en diminuant de beaucoup les risques : une nacelle-araignée.
Il s’agit d’un investissement d’environ 100 000 $ dans un équipement compact et performant qui permet de transporter deux élagueurs en toute sécurité jusqu’à une hauteur de près de vingt-cinq mètres et à dix mètres de la tige. Ce dispositif, qui peut être contrôlé à distance, aura un impact non négligeable sur le recrutement et la rétention du personnel, selon l’entrepreneur. « Ça va nous aider à recruter et à devenir moins fragiles au chapitre de la rétention des employés. D’ailleurs, on a commencé à modifier notre approche et notre marque employeur. Il faut devenir plus attractif pour supporter notre croissance », lance-t-il.
Arbre et Cie maîtrise l’arboriculture
L’élagage et l’abattage des arbres sont les parties les plus visibles de l’arboriculture, une discipline qui exige de vastes connaissances et une grande expérience. Le domaine exige l’étude de la physiologie végétale (concernant la façon dont les arbres réagissent à leur environnement) ainsi que les différentes techniques d’entretien. L’arboriculteur a donc comme principale activité les différents soins aux arbres tels que la taille ou les traitements phytosanitaires (résistance aux ravageurs et aux agents pathogènes). Il peut aussi faire des travaux de sélection.
Les techniciens d’Arbre et Cie maîtrisent parfaitement tous les secrets de l’industrie, selon Nathalie Bergeron (directrice financière) et Charles Marchand (directeur général et développement des affaires), les copropriétaires de l’entreprise. « Un élagueur doit avoir une grande connaissance des variétés d’arbres et des maladies et parasites qui peuvent les affecter. Il doit être en mesure de poser un diagnostic sur la santé d’un sujet (arbre). Les membres de notre équipe maîtrisent très bien ces aspects aussi », explique le DG.
Une pandémie appelée tordeuse…
Les ravages de la tordeuse des bourgeons de l’épinette et du sapin ont grandement fait la manchette au cours des dernières années. Les textes sur le sujet traitent en grande majorité de cette problématique en regard des pertes énormes qu’elle fait subir à l’industrie forestière. On parle très peu des ravages que la larve de ce lépidoptère fait subir aux arbres des terrains privés, notamment dans les secteurs privés et publics de villégiature.
Cet enjeu occupe beaucoup les membres de l’équipe d’Arbre et Cie par les temps qui courent, selon les deux entrepreneurs. Il faut souligner que cette invasion cyclique est actuellement dans sa phase la plus intense des dernières années.
« Actuellement, on est beaucoup sollicités pour les problèmes de tordeuse en villégiature qui sont énormes. On a le plus haut taux d’infestation à vie. […] Particulièrement au Lac Kénogami, où il y a beaucoup d’épinettes sur les terrains. C’est une pandémie comparable à la COVID-19, mais pour les forêts », image Charles Marchand. « Les gens ont acheté ces terrains beaucoup pour la beauté des arbres. Souvent, ils ne veulent pas les couper, mais il faut insister. Quand l’arbre est attaqué à moitié, il est fini. En gardant les arbres malades, ils créent un écosystème idéal pour d’autres parasites, dont la fourmi charpentière, qui profite de la faiblesse de ces sujets pour les envahir », insiste-t-il.
La solution, les espèces nobles
« Nous, on propose aux gens de pratiquer un abattage intelligent en protégeant les essences moins fragiles. Lorsque les arbres malades sont abattus, il faut reboiser rapidement. La meilleure solution, c’est de replanter, avec des espèces nobles, comme l’érable, le cèdre ou le pin rouge, qui poussent rapidement et sont peu ou pas affectées par les maladies ou les parasites. En faisant un abattage et un reboisage stratégique, tout en protégeant les sujets qui sont déjà au sol, les gens vont redonner de la valeur à leur propriété », assure-t-il.