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Karine Boivin Forcier

QUÉBEC – Les réactions positives fusent de toutes part à la suite du dévoilement de la Stratégie nationale de la main-d’œuvre (SNMO) 2018-2023 dévoilée hier [22-05-2018] par le gouvernement du Québec. Cette stratégie prévoit des investissements de plus de 1,3 milliard de dollars. Informe Affaires a regroupé les positions des principales parties prenantes touchées par cet enjeu, dont la FCCQ, la FTQ, la CSN, le CPQ et la FCEI, dans cet article.

Le gouvernement du Québec désire que, grâce aux quelque 47 mesures présentées hier, plus de personnes occupent un emploi et qu’un environnement favorable à l’obtention des compétences que requiert la transformation rapide de l’économie soit créé. Ces mesures s’articulent donc autour de quatre grandes orientations, soit avoir une meilleure connaissance des besoins actuels et futurs du marché et les diffuser (77,9 M$); avoir suffisamment de travailleurs (802 M$, dont 324,1 M$ pour améliorer l’attraction; la sélection et l’intégration en emploi des personnes immigrantes); améliorer la flexibilité et l’agilité dans le développement des compétences (394,7 M$); ainsi qu’adapter les milieux de travail (63,1 M$).

« Notre plus grand défi est devenu la rareté de main-d'œuvre. Pour continuer sur la voie de la prospérité, nous devons nous assurer que les milliers d'emplois disponibles, aujourd'hui et au cours des prochaines années, soient pourvus. Afin de relever ce défi, nous devons mieux arrimer la formation aux besoins de nos entreprises, retenir les travailleuses et les travailleurs plus âgés, accélérer l'automatisation des procédés et miser sur l'immigration. Pour bâtir un nouveau Québec à la hauteur de nos ambitions, toujours plus prospère, instruit, équitable, vert et mobile, nous avons besoin de tous les talents », a déclaré le premier ministre, Philippe Couillard.

À point nommé

Selon la Fédération des chambres de commerce du Québec (FCCQ), la SNMO arrive « à point nommé » et est nécessaire devant l’ampleur du défi qui arrive pour le Québec. « Cette Stratégie et les moyens qu'elle entend déployer peuvent et doivent contribuer à notre enrichissement collectif. Il faut des actions concrètes, livrées avec conviction et fermeté, autrement le Québec se dirige inéluctablement vers une croissance plus faible », a commenté le président-directeur général de la FCCQ, Stéphane Forget.

La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), affirme pour sa part que, selon les plus récentes données de la FCEI, la pénurie de main-d'œuvre arrive en tête de liste des facteurs identifiés par les PME du Québec comme limites en termes de vente ou d'augmentation de la production (42 %). Au 4e trimestre de 2017, il y avait d'ailleurs plus de 94 000 postes vacants dans les PME du Québec, un record.

Le Conseil du patronat (CPQ) abonde également dans le même sens. « Les enjeux reliés aux besoins de main-d'œuvre dans toutes les régions du Québec et dans tous les secteurs ne sont plus à démontrer. Il y avait urgence d'agir et tous sont concernés face aux défis qui se présentent », a commenté Yves-Thomas Dorval, président-directeur général du CPQ.

Mesures bienvenues

La FCCQ fait remarquer que plusieurs mesures présentes dans la stratégie étaient réclamées par les entreprises et nécessaires, ce à quoi font notamment écho la FCEI, le CPQ et la Fédération des jeunes chambres de commerce du Québec. À ce titre, la FCCQ souligne notamment l’objectif de rehausser le taux d’activité des travailleurs expérimentés, la volonté d’améliorer la flexibilité et l’agilité dans le développement des compétences ainsi que la question de l’immigration.

Dans ce dernier domaine, la FCCQ se dit convaincue que la croissance économique du Québec, et particulièrement de ses régions, passe par l’apport des travailleurs issus de l’immigration. « Au cours des 15 prochaines années, la pénurie de main-d'œuvre constituera un des principaux goulots d'étranglement de notre croissance économique, particulièrement en région. La solution à ce problème sera plurielle : retenir sur le marché les travailleurs d'expérience, favoriser la mobilité géographique et professionnelle des travailleurs, mais également, miser davantage sur une main-d'œuvre venue d'ailleurs. […] Cela signifie en accueillir un plus grand nombre, en retenir plus au Québec et les intégrer mieux, en meilleure adéquation avec les besoins du marché du travail. Nous pouvons, nous devons faire mieux », a indiqué M. Forget.

La Fédération canadienne de l’entreprise indépendante (FCEI), abonde dans le même sens que la FCCQ. Elle se réjouit particulièrement des mesures visant à faciliter l’accès des employeurs au recrutement international et à élaborer une stratégie de rétention des travailleurs étrangers temporaires, de même que celles portant sur la mise en place d’un système de déclaration d’intérêt pour la sélection des personnes immigrantes.

La FCEI considère également d’un bon œil la bonification de certains crédits d’impôt pour encourager le maintien en emploi, la mise en œuvre, sous forme de projets pilotes, des initiatives novatrices répondant aux enjeux du marché du travail régional et l’accès aux programmes de formation pour les travailleurs saisonniers. « La Stratégie nationale sur la main-d'œuvre permet d'intégrer plusieurs solutions dans un tout cohérent et efficace impliquant tous les ministères concernés. Nous suivrons de près la réalisation de ces actions, qui sont essentielles pour l'avenir du Québec ainsi que pour le succès et la croissance de nos PME », a affirmé Martine Hébert, M. Sc. Écon., vice-présidente principale et porte-parole nationale à la FCEI.

Formation

Les organisations syndicales réagissent aussi positivement à l’annonce de la SNMO. « Le plan du gouvernement est ambitieux et correspond aux demandes des partenaires du marché du travail qui ont contribué à élaborer cette stratégie. En assouplissant certains programmes où il y a une rareté de main-d'œuvre, le gouvernement se donne une chance de réussir, en espérant cependant que l'annonce d'aujourd'hui ne soit pas juste un exercice de relations publiques », a déclaré le président de la FTQ, Daniel Boyer.

La FTQ considère en effet de bon augure le fait qu’on permette aux cégeps et commissions scolaires d'adapter leurs programmes selon les besoins en main-d'œuvre - et non seulement sur le nombre d'élèves inscrits - et d'ouvrir aux futurs travailleurs et travailleuses des stages rémunérés en entreprise. « Il faut être capable d'adapter les formations là où il y a une rareté de main-d'œuvre. Cette souplesse ne peut être que bénéfique pour les futurs travailleurs et travailleuses. Cette stratégie doit aussi permettre à la main-d'œuvre actuellement en emploi d'acquérir les compétences des emplois de demain », a mentionné M. Boyer.

Une opinion partagée par la Fédération des cégeps, qui affirme que les cégeps attendaient depuis longtemps la souplesse annoncée dans la SNMO. Elle se dit aussi satisfaite des mesures valorisant la formation qualifiante offerte dans le réseau collégial auprès des individus et des entreprises. La CSN a également loué les efforts déployés en matière d’accès à la formation continue. Mentionnons que la Fédération des cégeps a aussi souligné la stratégie de rétention des étudiants étrangers et est totalement en accord avec la mesure visant à diplômer davantage d'étudiantes et d'étudiants en soins infirmiers, à travers une analyse des compétences pertinentes requises et une révision des programmes d'études collégiales et universitaires, comme le propose la stratégie. Elle rappelle à cet égard que les infirmières formées au cégep répondent à un besoin criant dans un contexte de rareté de la main-d'œuvre.

Consultations

L'élaboration de la Stratégie s'est appuyée sur une démarche de concertation de l'ensemble des acteurs gouvernementaux concernés et des partenaires du marché du travail, notamment lors du Rendez-vous national sur la main-d'œuvre de février 2017, sur des consultations régionales tenues en 2016 et en 2017 ainsi que sur des échanges avec le comité de pilotage et de suivi composé des dirigeants des associations patronales et syndicales. Cet aspect de concertation a été souligné par plusieurs organisations à la suite de la publication de la SNMO.

« L'annonce d'aujourd'hui est le fruit des travaux sur lesquels se sont penchés les différents acteurs du marché du travail qui étaient réunis pour le rendez-vous national. Cet événement était d'ailleurs une bonne initiative, puisqu'il a conduit à l'élaboration de cette stratégie qui offre une vision globale de l'enjeu de la rareté de la main-d'œuvre et des solutions qui permettront d'agir efficacement pour y faire face. La poursuite du dialogue social sera un gage de succès pour assurer la mise en place de la stratégie », a notamment souligné le président de la CSN, Jacques Létourneau.

Bémols

La FCCQ considère que la Stratégie aurait pu aller plus loin pour soutenir les entreprises. « Pour créer de la richesse, les entreprises ont besoin d'employés en nombre suffisant, dont les savoirs, savoir-faire et savoir-être correspondent aux besoins de l'économie du XXIe siècle. Voici posés les deux défis du Québec en matière de main-d'œuvre : la démographie et les compétences », souligne Stéphane Forget.

Selon la CSN et la FTQ, la question de l’adaptation des milieux de travail aux réalités de la conciliation famille-travail-études a été oubliée. « Attirer, recruter et retenir la main-d'œuvre de demain mérite que cette orientation de la stratégie nationale soit plus convaincante. Les enjeux de l'organisation du travail seront prioritaires dans les prochaines années et tout le monde devra y répondre, tant les syndicats que les employeurs. Là-dessus, la stratégie manque son coup », a conclut le président de la CSN.

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