SAGUENAY–LAC-SAINT-JEAN – Sous-traitance industrielle Québec (STIQ) est un OBNL dont 70 % des 380 membres proviennent de l’industrie manufacturière. Tous les ans, ils produisent un rapport sur le secteur manufacturier, Le baromètre industriel québécois, et en dégagent les grandes lignes.
Pour l’édition 2020, on s’attend à des résultats forts différents de ceux de 2019, principalement à cause de la pandémie de COVID-19 et des mesures prises pour freiner sa propagation. Précision avec Richard Blanchet, président-directeur général de STIQ. Dans son dernier rapport, le STIQ affirmait que le secteur manufacturier du Québec avait bien terminé l’année 2019, stimulé, entre autres, par une situation économique assez favorable au Québec. Rappelons que le produit intérieur brut (PIB) de la province avait connu une augmentation de 2,8 % et une croissance de 3,6 % pour le secteur manufacturier. L’OBNL conclut alors dans son rapport que les entreprises qui tirent le mieux leur épingle du jeu sont celles qui investissent dans la formation des employés, de nouveaux équipements, la recherche et le développement et les technologies de l’information.
L’année 2020, sans la pandémie que nous vivons depuis le mois de mars dernier, aurait été l’une où l’on aurait pu observer une augmentation des dépenses, entre autres, dans le secteur des R&D et des nouvelles technologies. Sans grande surprise, l’arrêt soudain de l’économie au printemps est venu bouleverser le cours des choses, à tel point que le ministre des Finances, Éric Girard, prévoit dans son Portrait de la situation économique et financière de juin une contraction du PIB réel du Québec de 6,5 %. Devant cette nouvelle réalité, le constat pour le secteur manufacturier est que les éléments qui étaient en croissances en 2019 pourraient être stagnants pour 2020 et que les éléments en perte de vitesse en 2019 continueraient de l’être en 2020.
Un essoufflement qui persiste
En 2019, le STIQ observait déjà un essoufflement au niveau de la croissance. En 2018, 63 % des entreprises manufacturières avaient augmenté leur chiffre d’affaires de 5 % et en 2019, on révélait que seulement 60 % avaient connu une augmentation du même pourcentage. Donc un léger recul de ce côté et on indiquait du même coup que 13 % des répondants au sondage du STIQ avaient mentionné avoir perdu 5 % de leur chiffre d’affaires sur une période d’un an contre 9 % pour l’année 2018. L’OBNL expliquait cette diminution de la croissance, entre autres, par la stagnation des exportations. Pour 2020, la situation ne promet pas d’être mauvaise partout, mais il ne faut pas se faire d’illusion. « La situation est très différente pour chaque secteur. Si le gouvernement met en exécution ses grands projets d’infrastructures, de transports et d’habitations, il y a aura plusieurs entreprises qui seront en bonne position dans les prochains mois. Toutefois, pour les firmes dans le secteur aéronautique, ça risque d’être difficile. Les compagnies aériennes sont sur le tarmac, alors moins d’avions se vendent et, par conséquent, moins de pièces s’achètent », explique Richard Blanchet, PDG de STIQ.
La main-d’œuvre demeure problématique
Le secteur manufacturier, comme plusieurs autres pans industriels de notre économie, se trouve en situation de plein-emploi, le taux de chômage en 2019 pour ce domaine d’activité étant de 3,3 %. En d’autres mots, il n’est pas difficile de s’y trouver du travail. « C’est d’ailleurs un paradoxe : il y a plusieurs bons emplois spécialisés offerts dans ce secteur et les taux de placement y sont excellents. Pourtant, les admissions dans les écoles de formation sont continuellement en baisse ». La rareté de la main-d’œuvre est donc un enjeu majeur qui serait peut-être aggravé par les mesures d’atténuation des effets de la crise, comme la PCU, mise en place par le gouvernement fédéral.
« Nos membres pensent qu’une fois les programmes d’aide terminés, on devrait voir un retour de la main-d’œuvre non qualifiée sur le marché du travail ». M. Blanchet précise que la crise n’aura pas eu que des effets négatifs, mais qu’elle aura aussi permis de faire évoluer les mentalités. (…) « La vision du travail de 8 h à 17 h, cinq jours par semaine et au même poste va changer. Dans les débuts, le télétravail va sûrement augmenter les attentes des travailleurs et faire suer un peu les employeurs, ce ne sont pas tous les postes qui peuvent être dématérialisés, mais je pense que sur le long terme, il sera gagnant d’être plus flexible ».
Un virage qui se prendra moins vite
Dans Le baromètre industriel québécois 2020, on mentionne que le virage numérique apporte une multitude de bénéfices comme l’accroissement de la productivité, la réduction des coûts d’exploitation et l’amélioration de la capacité d’innover. D’ailleurs, l’innovation est souvent l’un des facteurs qui permet aux entreprises d’attirer une nouvelle clientèle ou encore d’augmenter leurs ventes hors Québec. « Je pense qu’avec la dernière pandémie, la majorité des entreprises auront compris l’importance d’investir dans les nouvelles technologies ».
Toutefois, l’implantation d’une technologie doit toujours répondre à un besoin. « Quand ta firme perd 60 % de son carnet de commandes et que ta préoccupation, c’est de contrôler au maximum les sorties d’argent pour survivre jusqu’au mois suivant, même si les technologies peuvent te sauver, ce n’est pas ta priorité. Nous avons entendu des commentaires, durant la crise, comme quoi nos PME manquaient parfois de créativité. Innover par la technologie demande souvent beaucoup de liquidités et, durant les mesures de confinement, les flux trésoreries de l’ensemble des PME ont été mises à rude épreuve ». Il faut donc s’attendre à un virage numérique, mais ce dernier se fera au ralenti. « En date du 25 août, personne n’est revenu comme avant la crise ».