SAGUENAY – Le Groupe Industriel AMI (GI AMI) a récemment signé une entente de cinq ans avec la division aluminium de Rio Tinto (RT) pour le développement d’une technologie de soudure en espace clos, à l’aide de la robotique. L’entreprise du Parc industriel de Jonquière testera son bras soudeur robotisé d’ici la fin du printemps 2021 dans les immenses fours rotatifs (gazogène) de l’Usine de fluorure du Complexe de production d’alumine de Vaudreuil.
Cet équipement révolutionnaire évitera, à terme, que les employés de RT passent de longues heures dans des endroits où le niveau de risque pour leur santé-sécurité est élevé. GI AMI a d’ailleurs profité d’une aide provenant du Fonds AP-60 et du support de l’équipe du Développement économique régional Québec (DER) de Rio Tinto pour lancer ce projet novateur. Martin Lépine, le président de Groupe Industriel AMI, est très emballé par ce projet technologique. « C’est très emballant pour notre équipe. On aura besoin d’au moins trois ans de développement pour en arriver à l’autonomie de ce j’appelle notre cellule robotique de soudage. […] Rio Tinto nous supporte largement dans ce projet et ils sont patients. Ce sont des partenaires au vrai sens du terme. Ils se préoccupent même des gains potentiels de ce projet pour notre entreprise », confie Martin Lépine.
Concrètement, la cellule robotique de soudage (CRDS) est un dispositif complexe, constitué d’éléments mécaniques, électroniques et robotiques. Elle utilise les dernières avancées en matière d’intelligence artificielle pour acquérir et gérer des données dans le but d’effectuer, ultimement, un travail autonome et très précis de coupe et de soudage pour effectuer la réparation ou le remplacement de sections de la paroi interne d’un immense cylindre rotatif. Celui-ci constitue la pièce maîtresse d’un gazogène. Ce travail, habituellement réalisé par des soudeurs expérimentés, se fait dans des conditions difficiles et avec une précision aléatoire, malgré l’habileté et l’expérience des travailleurs impliqués.
Un bras manipulateur performant
Comme GI AMI possédait déjà une expertise dans le développement d’un bras manipulateur de boulette pour l’entretien d’équipement de broyage de Rio Tinto, la table avait été mise pour la CRDS. Soulignons que cette histoire à succès a permis à la multinationale d’économiser quelque 1,2 M$ en coûts et en durée d’intervention, tout en diminuant grandement les risques pour les employés dédiés à cette tâche difficile. D’ailleurs, le bras manipulateur a été remarqué par des clients potentiels du secteur des mines, selon Martin Lépine, qui est persuadé que cet équipement spécialisé aura une belle carrière, notamment dans l’industrie de la transformation des minéraux.
Une maquette pour convaincre
Dans le cas spécifique des gazogènes, le défi était de taille pour Groupe Industriel AMI. Outre l’objectif d’éliminer les risques humains dans le travail d’entretien récurrent de cet équipement, la dimension de celui-ci, l’espace disponible pour manipuler le volumineux cylindre rotatif, et la complexité du travail à effectuer constituaient un ensemble de contraintes de taille pour l’équipe. Au départ, le moyen proposé à Rio Tinto, soit la cellule robotique de soudage, était séduisante sur papier, mais, au-delà des esquisses et des plans, il fallait trouver une manière concrète de vendre le concept. La solution présentée par les experts de GI AMI pour convaincre leurs vis-à-vis de RT de l’intérêt de leur innovation a été la création d’une maquette du site du gazogène et de la CRDS installée à l’intérieur. Constituée de différents matériaux et comprenant des éléments fabriqués avec une imprimante 3D, elle inclut la reproduction des énormes étriers mobiles prévus pour déplacer les sections du cylindre, qui devront être réparées ou remplacées. De quoi convaincre les plus sceptiques de la pertinence de la technologie et de la méthode des plus originales proposée, selon Martin Lépine.
L’homme tiens par ailleurs à souligner que, outre l’expertise à l’interne, quelques entreprises régionales participent au développement de ce projet, dont Groupe SEP, qui sont des experts en procédure de soudage, particulièrement dans les milieux et contextes difficiles. Du côté de l’intelligence artificielle, le GI AMI s’est assuré d’être accompagné par le Centre de robotique et de vision industrielles (CRVI), le Centre collégial de transfert de technologie du Cégep de Lévis-Lauzon.
Devenir des équipementiers de maintenance
SAGUENAY – Martin Lépine connaît bien le monde des équipementiers régionaux, ces entreprises qui conçoivent et fabriquent des solutions de production pour les industriels du monde entier, dont le Saguenay–Lac-Saint Jean est fort bien pourvu. Même s’il considère que Groupe Industriel AMI (GI AMI) fait partie de ce groupe de grappes industrielles d’élite, il confie que son organisation se distingue sensiblement du lot, alors qu’une de ses divisions cherche à être reconnue à titre d’équipementier de maintenance.
Il faut croire que cette approche donne des résultats, alors qu’au cours des prochains mois, l’entreprise en forte croissance vise à augmenter d’une quarantaine d’employés ses quelque 200 ressources actuelles. « Nous, on conçoit et on fabrique des outils pour entretenir les équipements de production. Auparavant, on était une entreprise offrant beaucoup des services de maintenance. C’est un changement de paradigme, aujourd’hui on est en train de devenir des équipementiers en maintenance, notamment avec le développement des technologies du 4.0 », lance Martin Lépine.
Intelligence industrielle
Pour l’homme d’affaires, la cellule robotique de soudage est un bon exemple de la façon dont GI AMI peut tirer profit des technologies 4.0. C’est ce qu’il qualifie d’intelligence industrielle, soit le fait d’utiliser les applications numériques et des dispositifs (Numériseur – Radiographie 3D – caméra haute-résolution) pour acquérir de l’information qui se transformera ultimement en outil d’intervention.
« Ensemble, ces technologies permettent de lire l’usure des équipements pour assurer la prévisibilité et augmenter la fiabilité des équipements de production. […] Plusieurs membres de l’équipe sont en train d’apprendre ces technologies à grande vitesse », assure-t-il.
Une approche audacieuse en RH
Au-delà des projets technologiques, Groupe Industriel AMI est reconnue pour offrir trois divisions, soit Polymac Maintenance, AMIMAC Fabrication et AMI Mécanique, auprès d’une importante clientèle à l’échelle du Québec. Dans un contexte de croissance soutenue qui prévaut depuis plusieurs années chez GI AMI, Martin Lépine a dû s’assurer de mettre en place des mesures performantes de recrutement, mais surtout de rétention de personnel. Il y a quelques années, il a pris le taureau par les cornes et a engagé son équipe dans une profonde réflexion pour améliorer l’accueil et l’intégration des RH, qu’il qualifie de talons d’Achille des entrepreneurs actuels en matière de main-d’œuvre.
« Au début des années 1990, les entrepreneurs commençaient à prendre conscience de l’importance de la santé-sécurité au travail (SST). Aujourd’hui, une usine qui n’est pas bien organisée en SST, c’est impensable. Actuellement, au niveau de l’accueil des ressources humaines, on revit le même scénario. On commence à peine à se soucier des problèmes d’accueil et d’intégration des RH dans nos équipes, qui sont souvent à l’origine d’un important roulement de personnel, dans bien des entreprises », lance l’homme d’affaires, qui a même créé dans son groupe une division spécifique à cet enjeu, Le Recruteur Industriel, qui offrira sous peu des services-conseils et des outils à ce chapitre.
Un contrat de vie pour le recrutement à l’étranger
Par ailleurs, Martin Lépine explique qu’au niveau du recrutement de travailleurs à l’international, le défi est démultiplié, notamment à cause des différences culturelles. « C’est important d’aller recruter à l’international. Beaucoup d’entreprises et d’organisations le font, mais ils ne voient pas les dégâts arriver », lance-t-il en parlant de l’adaptation des travailleurs de l’étranger à la société québécoise, mais surtout régionale. Il poursuit : « J’ai décidé un bon matin d’écrire un contrat de vie que je fais signer à tous les nouveaux candidats de l’étranger. Je veux qu’ils sachent quelles sont nos valeurs et dans quelle culture ils arrivent ».
Le document, qui s’intitule Petit guide pour être bien (et bien accueilli) au Québec, décrit notamment les codes culturels qui nous définissent ainsi que les différents comportements attendus des recrues dans le contexte du travail et des relations interpersonnelles. Il touche à des sujets très sensibles aussi, particulièrement les limites de la pratique religieuse, les relations égalitaires hommes-femmes, la consommation d’alcool et de drogues, ainsi que l’hygiène personnelle. Bien entendu, Martin Lépine est bien conscient que ce document n’a aucune valeur légale, mais il assure qu’il s’agit davantage d’un engagement moral et que cette approche originale est bien accueillie et fonctionne très bien.