SAINT-NAZAIRE – L’entreprise de création marketing La Boîte à Pigistes n’a ni pages Facebook, Instagram et elle n’investit pas le moindre centime en publicité. Pourtant, les Bleuets sont exposés à ses réalisations dès qu’ils franchissent les portes d’une épicerie.
Plusieurs producteurs, transformateurs et distributeurs importants de l’industrie agroalimentaire au Saguenay–Lac-Saint-Jean, au Québec et même en Europe doivent à la Boite à Pigistes leur image de marque et leur concept expérientiel en boutique. Sans le savoir, le consommateur moyen est régulièrement exposé au travail de cette PME hors du commun. Afin de répondre à la demande, l’entreprise de création n’emploie aucun employé, ne dispose d’aucune tour à bureaux et ne fait aucune promotion de ses services.
« L’agilité, voilà le secret, explique Janick Brassard seul salarié de la Boite à Pigistes. J’ai débuté ma carrière dans l’industrie du marketing, il y a près de 20 ans. À l’époque, j’étais basé à Québec et j’ai fait mes premières armes pour le compte d’un important promoteur immobilier qui avait pour projet de revitaliser le quartier Saint-Roch de la Capitale-Nationale. L’une de mes tâches a été d’habiller une rue sur deux kilomètres de long de façon qu’elle soit attrayante pour des investisseurs. À l’époque, mon employeur désirait attirer des entreprises comme Hugo Boss à ouvrir boutique dans le quartier. Je me suis donc fait la main sur la création de plusieurs concepts de magasins, restaurants et autres commerces. Cela a été très formateur et cela a fonctionné puisqu’aujourd’hui Saint-Roch n’est plus le quartier ouvrier d’autrefois. Ce portfolio en main, j’ai été recruté par des agences de marketing à Québec où j’y aie passé quatre ans. Toutefois, le monde culinaire me manquait et la vie en région également. Il y a dix ans, j’ai laissé Québec derrière moi et je suis revenu à Saint-Nazaire avec des idées plein la tête et la ferme intention de travailler à mon compte. Je voulais ma liberté. »
100 % agroalimentaire
À son retour au Lac-Saint-Jean, l’entrepreneur découvre un paysage agroalimentaire changeant. Des initiatives propulsées, entre autres, par la Table agroalimentaire du Saguenay–Lac-Saint-Jean, démocratisaient l’accès aux produits locaux. « À l’université, je m’étais spécialisé dans la photographie culinaire. C’est un domaine très particulier. Les gens ne réalisent pas à quel point il y a du travail derrière la photo d’un hamburger. On peut passer de nombreuses heures à maquiller une assiette, à placer des grains de riz à la pince à cils et à ajuster l’éclairage. Souvent, le truc qu’on prend en photo n’est plus comestible tant il a été modifié pour le rendre appétissant. L’industrie alimentaire est l’industrie de l’impulsivité. Le consommateur qui rentre en épicerie a faim et il va choisir un produit qui va lui donner l’eau à la bouche. Lorsqu’on travaille sur une image de marque pour un chocolatier, une bleuetière, un producteur d’agneau ou autres, il faut garder ça en tête […] En revenant au Lac-Saint-Jean, j’ai réalisé le visuel et l’identité marketing de la Zone Boréale. Un contrat qui m’a permis de me faire un nom dans l’écosystème agroalimentaire de la région. Depuis, je me dévoue exclusivement à ce secteur économique », explique l’entrepreneur créatif qui ajoute que ses clients privilégiés demeurent les PME.
« J’adore travailler avec des producteurs de petites envergures. Ils me laissent carte blanche et j’arrive toujours à les déstabiliser en proposant quelque chose de différent. Nous les accompagnons de A à Z et pas juste au niveau de la commercialisation. Nous travaillons étroitement avec la Société du réseau Économusée pour développer des concepts de parcours et de marketing expérientiel. Il est valorisant de prendre part activement au développement de notre secteur agroalimentaire. »
Une entreprise sans employé
Installé dans une extension de sa résidence principale, Janick Brassard est un créatif solitaire. Selon l’entrepreneur, le télétravail est synonyme de liberté. « Je n’ai pas d’employé, tout le monde est à forfait. Je monte des équipes sur mesure selon les spécificités du mandat que j’obtiens. Ce n’est pas de la sous-traitance puisque je garde toujours la fonction de directeur artistique sur chaque projet. J’orchestre le tout à partir de chez moi via des applications Internet. Il y a plusieurs clients avec qui j’ai réalisé l’ensemble de leurs gammes de produits et avec qui j’ai travaillé durant des années et que je n’ai jamais rencontrés dans la vraie vie. Pas de local commercial à louer, pas d’employé, signifie également, pas de gestion de ressources humaines et pas de frontière concernant la clientèle et la main-d’œuvre. Je m’évite ainsi tout ce que j’aime moins du métier d’entrepreneur […] Au fil du temps, je me suis monté une banque de pigistes auxquels je reconnais de grandes compétences et qualités. Des spécialistes de toutes sortes : dessinateurs, photographes, cinéastes, designer, programmeur informatique, stylistes, etc. Parmi ceux-ci, il y a du monde de la région, mais de partout également. » M. Brassard précise qu’être indépendant lui permet d’obtenir de l’ouvrage de clients qui offrent les mêmes services que lui. « On ne me considère pas comme une firme concurrente. Des agences m’engagent en sous-traitance pour des demandes précises de leur client agroalimentaire. »
Bouche-à-oreille
« Je suis débordé et répondre à l’affirmative tous les contrats qu’on me propose signifierait embaucher du personnel et devenir un patron, ce que je ne veux pas. Je préfère travailler avec moins de clients, mais développer une relation sur le long terme avec eux. En agroalimentaire, le marketing c’est récurrentiel. C’est-à-dire qu’une fois l’image de marque livrée, l’entreprise va pouvoir s’en servir pendant quelques années, mais pas éternellement. Inévitablement, il faudra rafraichir les graphiques, les messages et l’apparence du produit. Bref, faire évoluer la marque dans le temps. Pour ces raisons, le bouche-à-oreille est ma stratégie de communication la plus efficace et, le plus beau, elle ne me coûte rien ! »
Il n’y pas que les clients qui vantent le travail de La Boite à Pigistes, l’industrie souligne également le talent du Jeannois. D’ailleurs, les jurys de l’édition 2019 des Prix GAÏA, qui vise à récompenser l’originalité des acteurs de l’industrie alimentaire pour leurs efforts en termes de design graphique et de conditionnement d’emballage dans la mise en marché de leurs produits, ont décerné quatre prix à La Boite à Pigistes pour son travail avec La Chocolaterie des Pères Trappistes et l’ont nommé parmi les grands gagnants.