N.D.L.R. Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : La forêt, porteuse d'avenir publié dans notre édition du mois d'avril.

 

ROBERVAL – Alliance Forêt Boréale, qui représente les communautés forestières du Saguenay–Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord, revoit son approche afin de se positionner comme une collaboratrice en matière d’enjeux forestiers. 

« Nous avons toujours été vus comme des gens qui représentaient l’industrie forestière, mais ça n’a jamais été le cas. Nous voulons corriger ce message. Nous représentons les communautés forestières du Saguenay–Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord, soit 65 municipalités. Le conseil d’administration d’Alliance Forêt Boréale est constitué seulement d’élus des deux régions. C’est vraiment une entité politique », explique le président de l’organisme et préfet de la MRC Domaine-du-Roy, Yanick Baillargeon. 

Ce dernier indique que les représentants d’Alliance Forêt Boréale (AFB) veulent s’assurer d’être vus comme des collaborateurs. « Nous souhaitons aider nos ministères et nos gouvernements à comprendre les réalités de nos communautés forestières. Nous ne voulons pas être en mode revendication. Nous désirons proposer des solutions, devenir des partenaires et être entendus. C’est important de bâtir des liens de confiance en ce sens », affirme-t-il. 

Communautés forestières

L’industrie forestière représente un apport économique important pour plusieurs communautés. Au Saguenay–Lac-Saint-Jean (SLSJ) seulement, elle crée 16 000 emplois directs, indirects et induits. La Côte-Nord en compte 3 400. Plus de 274 entreprises du SLSJ travaillent dans le domaine forestier. « Juste en salaires pour le SLSJ, ça correspond à 900 M$. Avec la Côte-Nord, on frôle le milliard. » Des chiffres qui parlent d’eux-mêmes, estime Yanick Baillargeon. 

Par ailleurs, des 65 communautés représentées par AFB, 34 dépendent exclusivement de l’économie forestière. « Quand on dit économie forestière, ce n’est pas seulement l’industrie. Ça inclut aussi la chasse, la pêche, le VTT, la motoneige, les ZECS, les pourvoiries, les baux de villégiature et l’accessibilité à la forêt », précise M. Baillargeon. 

Celui-ci souhaite trouver des solutions pour en arriver à un équilibre entre protection de l’environnement et développement économique qui permettrait aux communautés qu’il représente de continuer à exister. « S’il n’y a plus d’économie forestière, il y en a plusieurs qui vont disparaître. […] Nous voulons nous assurer que notre économie perdure. On parle notamment d’accessibilité à la matière ligneuse, de réinvestissements en sylviculture, de protection de la biodiversité », indique le président d’AFB. 

Pas de mur-à-mur

Selon Yanick Baillargeon, l’enjeu forestier est tellement large qu’on ne peut pas le faire en mur-à-mur. Ce qui s’applique en Gaspésie ne s’applique pas forcément au Saguenay–Lac-Saint-Jean et vice-versa. « C’est important d’avoir le pouls du terrain et d’être ancré avec les gens qui y vivent », croit-il. 

Pour les membres d’AFB, le régime forestier en place, qui aura 10 ans cette année, est l’une des principales problématiques actuelles. « Il n’est pas flexible. Quand on met des contraintes dedans, il ne s’adapte pas. Il faut que quand on ajoute des exigences, on soit capables de le moduler pour que chacun y trouve son compte. Ça prend une réforme. » 

L’organisme désire aussi plus de décentralisation dans la gestion des forêts. Il croit que cette approche permettrait de mieux tenir compte des réalités propres à chaque région. « Nous devons avoir accès à des gens qui décident en région, ce que nous n’avons pas en ce moment. Les décisions se prennent à Québec et ils n’ont pas les pieds sur le terrain pour comprendre la réalité des gens. 

Changements climatiques

Par ailleurs, les changements climatiques vont transformer la forêt, ce qui fait qu’elle ne sera pas la même dans 30 ou 50 ans. AFB considère que le régime devrait pouvoir s’adapter à ces transformations futures. “Nous ne faisons pas que du prélèvement. Nous aménageons ce territoire. Nous voulons rendre la forêt plus résiliente et pérenne”, mentionne le président d’AFB. 

M. Baillargeon donne l’exemple de l’épidémie de tordeuse de bourgeons de l’épinette. Il rappelle que les arbres morts en raison de ce parasite doivent être récoltés dans des temps précis pour éviter qu’il pourrisse en forêt en émettant du dioxyde de carbone. “Actuellement, nous n’avons pas cette facilité et cette rapidité d’intervention. Le régime est tellement lourd et complexe que ce n’est pas possible.”

Yanick Baillargeon rappelle que la forêt peut jouer un rôle important en matière de changements climatiques, parce qu’elle séquestre du carbone sous forme de bois. Actuellement, le Québec utilise 0,9 % de sa possibilité forestière disponible par an. L’industrie ne retournant pas dans un territoire de coupe avant 60 à 70 ans, la ressource a le temps de se renouveler. “Selon la manière dont on aménage la forêt, on peut la rendre encore plus performante comme outil de lutte aux changements climatiques”, assure-t-il.

Caribou forestier

En lien avec le dossier du caribou forestier, les représentants d’AFB ont réussi à recréer le lien de communication avec le gouvernement. L’organisme est en relation avec les ministères concernés par ce dossier. “Nous avons un lien de communication constant avec eux. […] Nous parlons avec beaucoup de monde et nous avons des gens qui produisent des documents, donc c’était important que nous soyons à la table de discussions. Nous voulons travailler à trouver des solutions et un équilibre”, souligne M. Baillargeon.

Celui-ci croit que le plan caribou prévu pour juin va dicter ce que le gouvernement du Québec attend de son économie forestière. “Selon la façon dont ils vont présenter la stratégie et comment ils vont l’appliquer, ça va en dire long”, conclut-il.