SAGUENAY - Rio Tinto a confirmé ce matin un investissement de 1,4G$ pour la construction de 96 nouvelles cuves AP60 au Complexe Jonquière. La construction sera lancée au cours des prochaines semaines et la mise en opération est prévue au premier semestre de 2026.

Ces nouvelles cuves viennent s'ajouter au 38 existantes. Elles produiront environ 160 000 tonnes d'aluminium annuellement, faisant grimper la production annuelle de l'usine AP60 d'Arvida à 220 000 tonnes. « Cet investissement est le plus important réalisé par Rio Tinto pour sa division aluminium depuis une décennie », a indiqué Jakob Stausholm, directeur général de Rio Tinto. Il s'agit également du premier ajout de production en occident depuis 10 ans.  

Réduction des émissions de GES

L'implantation des cuves AP60, combinée à la fermeture progressive des polluantes cuves précuites du Centre d'électrolyse Ouest du Complexe Jonquière, devrait permettre la diminution de 50 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) sur le site. En effet, la technologie AP60 est la technologie actuellement utilisée la plus performante à ce niveau, avec sept fois moins d'émissions de GES que la moyenne de l'industrie. Les émissions de particules fines seront réduites de 90 %.

« Cela s'inscrit ans notre stratégie visant à décarboniser nos chaînes de valeur et à nous développer dans les matériaux essentiels à la transition énergétique. Notre technologie AP60 a déjà fait ses preuves et produit l'un des aluminiums les plus faibles en carbone au monde, grâce à l'expertise de notre main-d'œuvre hautement qualifiée et à l'accès à une énergie hydroélectrique renouvelable », a expliqué M. Stausholm.

Emplois

Le projet entraînera la création de 1000 emplois durant la période de construction, alors qu'une centaine de postes permanents seront liés à l'opération des 96 nouvelles cuves. Une centaine de travailleurs opèrent actuellement les 38 cuves du Complexe Jonquière. La fermeture des précuites, qui s'amorcerait au milieu de l'année 2024, affectera environ 350 emplois. Toutefois, le directeur exécutif des opérations Atlantique pour Rio Tinto, Sébastien Ross, rappelle qu'il y a plusieurs autres projets en cours avec le centre de recyclage et celui de billettes qui créeront aussi de l'emploi. « Il y a Elysis qui s'en vient aussi. Idéalement, on ne veut pas faire de mise à pied. Moi, je ne vois pas ça comme un enjeu », a-t-il assuré. Rappelons que Rio Tinto soutient 4000 emplois directs dans la région, en plus de 2000 emplois indirects. 

Le président du Syndicat national des employés de l'aluminium d'Arvida (SNEAA), Donat Pearson, s'est pour sa part réjoui de l'annonce, sur laquelle le syndicat travaille depuis de nombreuses années. « Les précuites s'en vont vers une fin, mais il y a quand même un futur très intéressant pour tous nos travailleurs au Saguenay-Lac-Saint-Jean. L'avenir va se construire aussi avec l'entreprise. [...] Il y a de nombreux efforts et de nombreux sacrifices qui ont été faits par les travailleurs au cours des dernières années », a-t-il rappelé, émettant le souhait que ce ne soit pas la dernière usine annoncée dans la région. 

Prêt du gouvernement

Par ailleurs, le gouvernement du Québec confirme la conclusion d'un accord de principe avec Rio Tinto pour l'attribution d'une aide financière maximale de 150 millions de dollars qui permettra de soutenir l'implantation des 96 cuves. Le Premier ministre du Québec, François Legault, a précisé qu'il s'agit d'un prêt pardonnable sur les 10 prochaines années « en fonction du nombre d'emplois et des dépenses réalisées par l'entreprise au Québec ». Les conditions exactes sont à être finalisées.

Selon le ministre de l'Économie, de l'Innovation et de l'Énergie, Pierre Fitzgibbon, ce prêt viendrait compenser en partie la hausse du tarif d'électricité de Rio Tinto auprès d'Hydro-Québec à compter de 2025. « Rio Tinto a un contrat avec Hydro-Québec pour 350 MW, dont le prix est fixé jusqu'en 2025 et qui se reconduit jusqu'en 2045. Ce que nous avons négocié avec Rio Tinto, c'est que cette tarification sera au tarif L, soit le tarif industriel pour toutes les entreprises du Québec. Nous avons donc réussi à augmenter cette tarification pour la rendre équivalente aux autres industries », a-t-il précisé.

Un pas de plus vers ELYSIS

Pour le Premier ministre du Québec, il s'agit d'une première étape. « J'espère être ici dans quelques mois pour vous annoncer la deuxième», a-t-il déclaré. MM. Legault et Fitzgibbon ont d'ailleurs assuré que les discussions avec Rio Tinto pour l'implantation de la technologie Elysis dans les installations de l'entreprise au Saguenay-Lac-Saint-Jean sont très avancées. Cette technologie sans émission de GES permettrait « de faire du Québec le premier endroit au monde pour avoir de l'aluminium vert », estime M. Legault.

Il considère qu'il s'agit d'une formidable opportunité pour le Québec, puisque la demande pour cet aluminium devrait s'accroître et prendre une place importante à l'échelle mondiale dans l'objectif de décarboner l'économie. 

Réactions positives

Pour l'occasion, de nombreuses personnalités politiques étaient présentes et ont fait part de leur joie et de leur fierté de voir les 96 cuves AP60 se concrétiser. Le député de Jonquière, Yannick Gagnon, a souligné que « notre histoire est intiment liée à l'aluminium et à Rio Tinto. La belle annonce d'aujourd'hui montre encore la volonté de l'entreprise de continuer à investir dans la grande expertise des gens de chez nous pour demeurer un fleuron mondial, tout en prenant un virage environnemental important que je me dois de souligner. »

La députée de Chicoutimi et ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, s'est dite convaincue que cette annonce ouvre la voie à d'autres investissements significatifs dans le futur. Elle a tenu a souligné l'expertise développée au Saguenay-Lac-Saint-Jean en matière d'aluminium.

Démantèlement des précuites

Mentionnons que, même si le démantèlement des salles de cuves précuites commencera l'an prochain, trois salles de cuves sur les six existantes pourraient poursuivre leurs activités au-delà du 31 décembre 2025, date limite des autorisations environnementales actuelles. Cela représente environ la moitié des 812 cuves précuites du Centre d'électrolyse Ouest. Des discussions sont en cours à ce sujet avec le gouvernement québécois.