N.D.L.R. Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : Les mines, portes ouvertes vers le nord publié dans notre édition du mois de janvier.
SAGUENAY – Léopold Tremblay exerce le métier de prospecteur depuis plus de 20 ans. Pour celui qui vient de fêter ses 80 ans, il s’agit d’une véritable passion qui lui a valu plusieurs succès et qu’il compte poursuivre encore longtemps.
M. Tremblay a commencé à faire de la prospection quelques années avant de prendre sa retraite de son poste de technicien en chimie industrielle au Centre de recherche et développement d’Arvida (CRDA) de Rio Tinto. Il a d’abord fait équipe avec son neveu, Charles Boivin, mais depuis 10 ans, il travaille avec Marcel St-Laurent. "C’est vraiment notre loisir. Un loisir qui prend beaucoup de notre temps, mais qui donne des résultats intéressants. Pour nous, c’est un plaisir extraordinaire de partir en forêt pour trouver des choses", affirme-t-il.
M. Tremblay compte plusieurs découvertes importantes à son actif. C’est d'ailleurs son coéquipier et lui qui ont déniché le dépôt de Bégin, qu’ils ont vendu à First Phosphate. "Nous l’avons découvert en travaillant sur un autre projet de cuivre-nickel. Il s’agissait d’une zone à phosphate dans laquelle nous avons obtenu des valeurs exceptionnelles. Les résultats de forages de First Phosphate ont confirmé ça. Les deux premières roches, c’est Marcel et moi qui les avons trouvées. […] Pour nous, ce serait un véritable accomplissement si First Phosphate créait une mine sur ce site", raconte Léopold Tremblay.
Amant de la nature
Pour M. Tremblay, le prospecteur est avant tout un amant de la nature, qui adore se rendre en forêt et qui s’intéresse également à la géologie. "Nous ne sommes pas des géologues, mais nous avons une bonne formation. […] Nous connaissons quand même les types de roches principaux. Nous avons mis beaucoup de travail en information, nous avons suivi des cours, etc.", explique-t-il.
La prospection nécessite souvent du travail en amont . "On peut partir à l’aveuglette. On peut aller à la pêche et trouver un bel affleurement rouillé. C’est souvent la rouille qui est l’indicateur principal, parce qu’elle va généralement contenir le cuivre, le nickel ou même le phosphate. […] Mais habituellement, si on veut avoir des résultats, il faut mettre du temps en recherche", souligne Léopold Tremblay.
Recherches
Le prospecteur explique qu’il existe de nombreuses données géologiques et minières fournies par le ministère des Ressources naturelles et des Forêts (MRNF) ou présentes dans des archives publiques. L’information peut aussi provenir d’autres utilisateurs du territoire, comme des plaisanciers ou les entreprises forestières.
C'est ainsi que MM. Tremblay et St-Laurent ont mis en lumière à Larouche un indice de cuivre-cobalt-nickel. Ils ont déniché des documents de 1929 mentionnant la découverte de cet indice, avant d'aller confirmer sur le terrain. "Il y a tellement de renseignements dans les archives. Il faut juste prendre le temps d’y fouiller. La propriété du Lac du Curé, c’est aussi le ministère qui avait trouvé un petit quelque chose. Nous y sommes allés Marcel et moi, et c’était extraordinaire finalement. Nous l'avons vendu à la SOQUEM."
"Un peu fous"
Le métier est exigeant physiquement, puisqu’il demande généralement de se déplacer dans la forêt sur de longues distances. "Au fond, il faut être un peu fous pour se lever à 5 h du matin, partir pour 5 h 30 en voiture, faire 150 km pour aller voir les affleurements rocheux et revenir à la maison le soir !", blague Léopold Tremblay.
L’octogénaire a toutefois vécu plusieurs belles aventures grâce à la prospection. Entre autres, la découverte du dépôt du Lac à l’Orignal, qui appartient maintenant à First Phosphate, représente un souvenir marquant. "J’étais monté sur les monts Valin avec mon neveu, Charles Boivin, parce que j’avais vu un document de géologues dans le site du ministère. En débarquant de notre camion, paf ! De chaque côté, nous étions dans le phosphore, quelque chose d’extraordinaire ! Nous avons marché sur 300 pieds et c’était un affleurement très riche en phosphore", rapporte M. Tremblay.
Un processus
Lorsqu’ils découvrent un affleurement intéressant, les prospecteurs exercent un premier jugement. Ils prélèvent des échantillons qu’ils feront analyser par des laboratoires. Dans ce domaine, ils ont un bon soutien de la Table régionale de concertation minière (TRCM), qui prend parfois en charge l’étape des analyses quand cela est considéré pertinent. "Il y a une trentaine de prospecteurs dans la région. C’est un soutien très important que la TRCM nous offre", fait valoir M. Tremblay.
En général, son collègue et lui se fient à leur premier jugement pour acquérir des claims à leur retour à la maison. Après avoir obtenu plus d’informations et démontré l’intérêt de la propriété, il s’agit ensuite de trouver une compagnie qui désire l’acheter. "Le prospecteur, ce n’est pas le développeur. Ça prend des millions de dollars d’investissements pour réaliser un projet", précise Léopold Tremblay.
La relève
Il espère que le savoir-faire des prospecteurs continuera de se transmettre. Dans la région, l’Association des prospecteurs du Saguenay–Lac-Saint-Jean a pour mission de soutenir les prospecteurs dans leurs démarches de terrain et propose différentes activités. La TRCM offre également des formations d’initiation à la prospection. "C’est sûr que Marcel et moi, nous aimons bien ça amener quelqu’un avec nous de temps en temps", affirme-t-il.
Léopold Tremblay rappelle que les prospecteurs sont un maillon important de la chaîne minière. "Nous faisons travailler du monde. Par exemple, à Lac à l’Orignal, nous avions trouvé quelques roches. Ensuite, ça a fait travailler des foreurs, des géologues, des gens qui ont complété le boulot que nous avions fait. […] C’est beaucoup de retombées. C’est une fierté", conclut-il.