N.D.L.R. Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : Le secteur forestier en changement, publié dans notre édition du mois d'avril.
ROBERVAL – Le Forestier en chef, Louis Pelletier, réaffirme l’importance d’agir rapidement pour adapter les pratiques forestières pour assurer la pérennité de la forêt face aux changements climatiques. Sa recommandation de l’automne dernier a obtenu une oreille attentive, puisque la ministre des Ressources naturelles et des Forêts a lancé des tables régionales de réflexion sur l’avenir de cette ressource, dont le rapport devrait être connu en juin.
M. Pelletier se réjouit des démarches effectuées par la ministre. « C’est important de le faire par région, parce qu’il n’y a pas une forêt qui est pareille partout au Québec. Dans chaque région, il n’y a pas le même historique d’aménagement forestier, d’utilisation industrielle des bois, de sylviculture, d’enjeux écologiques », souligne-t-il.
L’équipe du Forestier en chef a bâti un modèle pour la prise en compte des changements climatiques et de leur influence sur l’évolution de la forêt. Un projet pilote réalisé dans la région a permis de constater que, dans le scénario climatique extrême (augmentation de la température moyenne annuelle de 3,8 à 7,1 °C de 2071 à 2100), la présence de la forêt n’est tout simplement pas assurée, même sans intervention humaine. Celui le plus probable laisse entrevoir la possibilité de mitiger plusieurs des effets négatifs à condition de repenser grandement la manière d’aménager nos forêts.
« Ça nous permet de découvrir aussi quels éléments de sylviculture ont peut travailler pour améliorer la résilience de nos forêts dans le futur. Nous voyons, en fonction des pratiques sylvicoles d’aujourd’hui, comment évolue la forêt de demain dans le climat de demain », révèle Louis Pelletier.
Solutions possibles
Selon le Forestier en chef, les bases de l’aménagement forestier, qui comprend notamment la récolte de bois, l’exécution de travaux sylvicoles ainsi que la construction et l’entretien de chemins, devront être revues. Il se questionne également sur la nécessité de modifier l’aménagement écosystémique qui est à la base du régime forestier actuel. « Nous croyons qu’il y a quelques pistes d’amélioration à amener pour augmenter la résilience de nos forêts face aux risques de feux. […] Il faudrait adapter nos pratiques de sylviculture et introduire des espèces qui sont plus résistantes face aux incendies et qui se régénèrent bien, comme les pins. On peut également maintenir une proportion de feuillus sur le territoire plus importante qu’actuellement », affirme M. Pelletier.
Il propose des patrons de récolte et d’aménagement forestier sur le territoire qui considèrent la propagation des feux pour diminuer les risques. « C’est important d’agir immédiatement parce que ça va prendre du temps avant de percevoir à grande échelle les changements appliqués », estime-t-il.
Des recherches
Plusieurs projets de recherche sont en cours afin d’adapter les pratiques forestières aux changements climatiques et de diminuer l’impact de l’industrie dans ce domaine. L’équipe de Carbone Boréal travaille notamment sur la possibilité de renverser ou de limiter le phénomène des landes forestières.
D’autres études semblent prouver qu’il serait plus efficace d’utiliser des plants de mêmes espèces provenant de régions plus au sud pour reboiser des endroits plus nordiques, au lieu de recourir à des plants locaux. « Actuellement, les pratiques recommandées sont de prendre des graines locales pour les faire développer en plants dans les pépinières, puis les installer dans leur zone d’origine. […] Ce sont des travaux de recherche qui se poursuivent, mais […] ça tend à démontrer que l’arbre de Québec pousse mieux à Chibougamau que l’arbre de Chibougamau », résume Claude Villeneuve, professeur, co-directeur de la Chaire en éco-conseil à l’UQAC et co-directeur de Carbone Boréal.
Selon lui, ces recherches permettent d’obtenir des informations importantes. « La forêt boréale actuelle, c’est une histoire assez récente. C’est une centaine de générations d’arbres qui se reproduisent sur le territoire. Les changements climatiques multiplient la vitesse d’évolution du climat, donc nous devons aider les arbres à être prêts à ça, plutôt que d’attendre que la nature fasse les choses », conclut M. Villeneuve.