SAINT-BRUNO - Comme consommateur, on oublie souvent que l'accès aux produits trouvés en magasins, aux aliments des épiceries ou à la pièce commandée chez notre garagiste repose sur une chaîne logistique complexe. Les entreprises de transport routier sont à l'œuvre 24 h sur 24 pour s'assurer que les marchandises arrivent à bon port. 

Martin Laforest, directeur du terminal de Saint-Bruno pour le Groupe Morneau, fait d'abord la différence entre le Truckload (TL), soit un chargement complet, ou le Less - than-truckload (LTL), soit des lots brisés qui ne remplissent pas entièrement une remorque. « Au Groupe Morneau, nous faisons majoritairement du LTL juste à temps. Ça veut dire qu'on ramasse les marchandises dans n'importe quelle région du Québec et qu'on livre, généralement, en 24 heures », mentionne M. Laforest. 

Celui-ci explique que l'organisation et la logistique partent des mêmes principes pour la plupart des compagnies de transport routier. Afin d'assurer la rentabilité, les remorques ne voyagent normalement pas à vide et transportent des cargaisons autant des régions vers les grands centres que l'inverse. Par ailleurs, les camions tracteurs sont exploités selon un principe de double utilisation. Le même camion tracteur pourra être employé sur plusieurs routes, alors que ce sont seulement le chauffeur et la remorque qui vont changer. « C'est un modèle d'affaires assez répandu dans le domaine », précise-t-il. 

Journée typique

Typiquement, les camions de livraison dans les grands centres et en région vont aller faire leurs distributions au cours de la matinée, puis ils font la cueillette des marchandises à expédier chez les clients en après-midi. Celles-ci sont ramenées aux terminaux en fin de journée. Chez Morneau, du côté de Montréal et Québec, ces produits sont sont triés par zones et territoires de destination, puis rechargés dans ces remorques qui prendront la route vers différentes régions, dont l'Abitibi-Témiscamingue, le Saguenay-Lac-Saint-Jean, la Côte-Nord, le Bas-Saint-Laurent et la Gaspésie. 

Dans les régions, les camions ayant effectué des routes locales au cours de la journée partent entre 15 h 30 et 21 h avec de nouvelles remorques, chargées durant la journée, en direction des grands centres où ils récupéreront les marchandises avant de retourner vers leur port d'attache régional. « C'est comme une danse. Les heures de départ sont régulées pour que, quand le chauffeur arrive à destination, il n'y ait pas d'attente et qu'il ait seulement à changer de remorque pour repartir », souligne le directeur de terminal.

Chez Morneau, les camions en provenance des grands centres reviennent au terminal de Saint-Bruno entre minuit et 6 heures du matin. « Ce qu'il faut comprendre, c'est que je peux avoir dans la même remorque des produits pour La Baie, Jonquière, Roberval, Dolbeau-Mistassini, La Doré, etc. », expose Martin Laforest. Les remorques qui arrivent dans les terminus régionaux sont donc déchargées, puis les marchandises sont séparées par route et par secteur de livraison, avant d'être rechargées afin d'être distribuées aux différents clients régionaux. Environ 22 camions de Morneau sillonnent le Saguenay-Lac-Saint-Jean chaque jour pour les livraisons locales, tandis que l'entreprise effectue entre 14 et 18 voyages par jour entre la région et Québec ou Montréal.

En continu

Martin Laforest rappelle que ces opérations s'effectuent en continu. « Les camions sont rarement stationnés. » Cette chaîne logistique est essentielle pour respecter les délais et doit être modulée en fonction des impondérables. « Une route qui ferme, une tempête de neige, des pluies diluviennes [...] il faut trouver un moyen de s'ajuster rapidement dans la nuit pour ne pas pénaliser le client », illustre le directeur de terminal, en ajoutant que cela fait partie du travail. 

Chez Morneau, les coordonnateurs logistiques des 23 terminaux se parlent tous les jours en début d'après-midi pour discuter de ce qui s'en vient pour la journée et la nuit. « Tout ça est coordonné pour qu'il y ait le moins d'imprévus possible. Il va toujours y en avoir, mais on veut minimiser les impacts », rapporte M. Laforest. 

La pénurie de main-d'œuvre rend cette planification encore plus importante qu'elle ne l'était par le passé. « Quand on avait beaucoup de chauffeurs disponibles, c'était facile de dire à la dernière minute : rajoute-moi un voyage pour le Lac-Saint-Jean. On faisait deux ou trois appels et on avait un chauffeur. Maintenant, on ne peut plus faire ça. Je ne peux plus me permettre de dire à 20 heures que j'ai deux voyages de plus pour Montréal. L'industrie a toujours été organisée, mais ça nous oblige à être encore plus planifiés qu'on l'était. On doit maximiser nos chargements », révèle-t-il. 

Équipes de l'ombre

Derrière ce ballet logistique et les camions qui circulent sur les routes, on retrouve aussi des équipes qui œuvrent dans l'ombre, souvent de nuit, afin que les remorques soient chargées et prêtes pour le départ. « Nous avons un répartiteur qui entre de nuit. Il est en mesure de voir toute les marchandises qui s'en viennent sur notre système informatique. Ensuite, nous avons des manutentionnaires qui entrent de nuit à différentes heures pour décharger les camions qui arrivent. Quand l'équipe de jour entre en poste à 4 h du matin, on a 70 à 80 % de nos cargaisons qui sont arrivées à quai. Le chargement peut alors commencer selon les séquences de livraison et l'heure demandée par les clients », résume Martin Laforest.

Le répartiteur a accès à toutes ces informations sur son écran et c'est lui qui monte les routes en fonction de ces paramètres, tout en maximisant le kilométrage du chauffeur qui ira faire les livraisons. « Il faut que la route soit la plus logique possible et qu'il se promène le moins possible dans son secteur. »

Alimentaire

Selon M. Laforest, l’alimentaire fonctionne sur le même principe, mais on augmente la complexité, puisque la chaîne de froid doit être respectée. "Si je ramasse des tomates à 3 °C, je ne peux pas les livrer à -10 °C. Et là, ça se peut que je ramasse avec mes tomates, de la laitue, du bœuf ou du lait. Ça ajoute de la complexité dans la machine. Nous avons des remorques multitempératures, ce qui fait que nous pouvons faire du frais et du congelé dans la même. Tout ça, en ne gelant pas ma salade, en ne congelant pas mes champignons, en gardant ma viande surgelée […] et en chargeant de façon logique pour la livraison", dévoile-t-il.

Les livraisons vont aussi être effectuées plus tôt le matin pour se terminer dans l’avant-midi. Par ailleurs, en raison des dates de péremption des aliments, le respect des délais devient encore plus essentiel. "Je ne peux pas me permettre de repousser d’une journée, parce que je t’enlève une journée sur la date de péremption de tes produits", conclut Martin Laforest.