SAGUENAY -  Martin Lépine est président du Groupe Industriel AMI et de Mosaïca Conseil depuis de nombreuses années. Son parcours entrepreneurial a rencontré des hauts et des bas, mais il a toujours su se relever, avec l'aide de son équipe et de son entourage.

« Ce qui m'a inspiré à devenir entrepreneur, c'est mon désir de faire les choses à ma manière essentiellement. J'ai toujours été comme ça, j'ai toujours été un gars de projet. Je ne voyais aucun autre moyen que de devenir entrepreneur et de gérer ma destinée », lance Martin Lépine.

Son parcours a commencé relativement tôt, avec un début dans la tonte de gazon. Par la suite, M. Lépine avait un restaurant-bar, le bar O'Soleil, lors de son parcours universitaire. Après ces balbutiements en entrepreneuriat, il a mis les pieds dans l'entreprise familiale fondée par son père, le Groupe AMI.

Il obtient ensuite son diplôme en administration des affaires à l'Université Laval. Il a choisi ce parcours puisque cette formation était l'une des seules qui se concentraient sur les PME. Monsieur Lépine désirait devenir un généraliste et ne pas se spécialiser seulement en finance ou en marketing, par exemple, ce qui explique cette décision.

Après sa diplomation, il a fait un arrêt de cinq ans en pharmaceutique, pour découvrir la grande entreprise. C'était une expérience qu'il souhaitait acquérir avant d'intégrer l'entreprise familiale. 

Débutant comme chargé de projets et directeur administratif au sein de cette dernière, son entrée en scène a coïncidé avec la construction de l'usine Alcan (maintenant Rio Tinto) à Alma. L'entreprise était relativement petite à l'époque et elle n'avait pas nécessairement les moyens de verser un salaire à M. Lépine, mais l'annonce de la construction de l'usine d'Alma a permis son intégration rapide au sein de l'entreprise.

« L'entreprise s'est déployée énormément lors de la construction. Au plus fort de nos activités, nous avions 600 travailleurs sur le chantier, donc je suis allé à l'école rapidement, l'école de la vie et l'école de la construction », indique l'entrepreneur.

Après ce projet, c'est la retraite de son père qui prend place. Martin Lépine devient donc directeur général de l'organisation, toujours supporté par son mentor paternel. Ce dernier, Guy Lépine, a toujours accompagné son fils jusqu'à son décès, en 2020. 

Une vision particulière

Aujourd'hui, pour Martin Lépine, ce qui est important pour l'entreprise, c'est d'avoir de bonnes relations avec la clientèle. Il veut que sa PME ne soit pas perçue comme un simple fournisseur. Il préfère grandement créer des relations avec ses partenaires. Les contrats ponctuels sont pratiquement interdits, pour favoriser ceux à long terme.

Président d'un conseil d'entrepreneurs, il supporte toujours la même idée : « Nous ne sommes pas des compétiteurs, nous sommes tous des partenaires potentiels. » 

Il promeut aussi une philosophie de l'employé entrepreneur au sein de son entreprise. Cela se traduit par plus de liberté pour ses employés, qui ont plus de possibilités de prendre des décisions. Il indique que son bonheur est issu de l'opportunité que son père lui a offerte de découvrir le monde entrepreneurial, et il essaie de donner cette opportunité à ses employés aussi, en limitant le risque financier habituel de se lancer en entreprise.

Une fierté

« Je suis rendu à 54 ans et puis, depuis cinq ans, j'ai entamé mon processus de relève. Ça, c'est l'un des moments les plus satisfaisants pour moi, parce que j'ai trouvé ma relève. Je suis un gars passionné de l'humain, surtout de sa capacité à changer son environnement s'il le veut. J'ai tellement de respect pour les hommes et les femmes qui sont prêts à tout faire pour vivre de leurs valeurs. Je l'ai trouvé dans ma relève : ce sont des gens qui ont les mêmes valeurs que moi et qui sont même plus compétents que moi dans leur champ d'expertise. Ils savent que seuls, ils ne peuvent rien faire, mais qu'en équipe ils peuvent tout faire », déclare le président du Groupe Industriel AMI.

Il mentionne aussi que son succès est dû à son équipe et qu'il est entouré des meilleurs. Les deux qualités principales qu'il retire de son entourage sont l'humilité et le courage. 

Régler les problèmes

Les problématiques actuelles relevées par M. Lépine sont le manque de main-d'œuvre et l'intégration de celle-ci. Avec le processus de relève enclenché, il dispose maintenant de plus de temps pour se pencher sur ces questions et sur les enjeux d'affaires en général, ce qui a mené à la création de deux entreprises.

Le manque de talents disponibles a mené à la création de AMI Robot, qui se spécialise dans la robotique pour combler ce vide. C'est un service qui est offert aux clients du Groupe.

L'accueil, l'intégration et la gestion des diversités a ouvert la voie à la création de Mosaïca Conseil. C'est un autre aspect qui tient à cœur à M. Lépine. Cette division offre encore des services aux autres entreprises pour faciliter la gestion des ressources humaines qui ont des caractéristiques différentes, que ce soit la culture, l'âge ou la langue.

« Ce n'est pas là que nous faisons notre argent; c'est notre façon de redonner à la communauté. La couleur que le Québec va avoir demain va se définir par notre capacité, aujourd'hui, à influencer les nouveaux arrivants à intégrer nos valeurs qui sont non négociables », proclame Martin Lépine.

Ces valeurs sont, selon lui, la santé et sécurité au travail, le respect des femmes, le respect de la productivité ainsi que le respect de nos lois et règlements. Il mentionne d'ailleurs que les entrepreneurs sont les mieux placés pour inculquer ces valeurs aux nouveaux arrivants. Pour lui, il s'agit d'une mission qu'il prend sur ses épaules et qu'il veut mener à bien.

Se relever grâce aux autres

Son plus grand défi, Martin Lépine l'a vécu lors du scandale de la Gaspésia, il y a plus de 20 ans, qui se résume par la tentative par le gouvernement de rouvrir une papeterie sans vraiment avoir d'investisseurs. Bref, ce projet n'a pas été mené à terme et le Groupe AMI a subi de lourdes pertes financières, les menant à la faillite technique par l'échec de paiement à la fin du contrat. Il s'agissait d'une somme de 4 M$ que le gouvernement avait en défaut de paiement. 

« Ce cauchemar » s'est ensuite transformé en « la plus belle expérience de [sa] vie ». Toute la région a supporté l'entreprise, autant les autres compagnies auprès desquelles AMI était endetté à une hauteur de 10 M$, que le maire de l'époque, les médias, et les partis de l'opposition. Ce soutien a permis de faire plier le gouvernement, qui les a payés assez pour que l'entreprise continue ses activités.

Sans son équipe, M. Lépine soutient qu'il n'aurait jamais pu y arriver, puisqu'il était occupé à se faire entendre dans les médias alors que l'entreprise devait trouver un moyen de continuer à opérer. Il s'agit d'une de ses plus belles expériences puisqu'il a vu la région se rallier à sa cause et c'est ce qui a permis à l'entreprise de devenir un grand joueur dans son domaine.

« Moi, je crois pas aux superhéros, mais je crois aux équipes fantastiques. Ma plus grande fierté, ce sont les humains qui composent mon équipe. Ce sont eux qui me permettent d'être qui je suis », mentionnent-ils.

Et maintenant ?

Faire vivre l'entreprise, qui a une valeur énorme et qui en crée pour tous, surtout pour la région, est ce qui motive toujours Martin Lépine. Cette entreprise est plus grosse que le propriétaire et il le souligne amplement. Le plus important, c'est de transmettre ses valeurs, et c'est ce qu'il accomplit avec son rôle chez le Groupe Industriel AMI.

Présentement, il propose un rôle à son organisation sur les cinq prochaines années selon ce qu'il aimerait véhiculer comme valeur et selon son expérience. C'est un rôle qui lui convient et qui lui permet d'être président du Festival des vins du Saguenay ainsi que d'intervenir dans le secteur communautaire. 

Dans les prochaines années, il s'impose une réflexion et il continuera d'être le président du conseil d'administration pour cinq à dix ans. Il est très optimiste pour le futur et il veut concilier plus de temps pour sa famille, tout en étant prêt à partir de l'entreprise lorsque l'organisation ou lui-même décideront que son aide n'est plus un bénéfice.

En terminant, il conseille aux entrepreneurs désirant se lancer en affaire de trouver leur propre mission de vie avant de désigner une mission à leur entreprise. Si l'entrepreneur ne se donne pas une trajectoire pour sa vie et ce qu'il veut devenir, son entreprise va le faire pour lui et l'amener vers quelque chose qui ne lui correspond peut-être pas. L'entrepreneur doit utiliser son entreprise comme outil pour atteindre ses missions de vie, et non l'inverse.