Selon les données du Baromètre sur les intentions d'achat des Québécois en prévision du Vendredi fou et des Fêtes publié par le Conseil québécois du commerce de détail (CQCD), pour le Vendredi fou et le Cyberlundi seulement, quelque 53 % des répondants pensaient faire leurs achats principalement sur Internet. La plupart souhaitaient ainsi éviter la cohue. Certains consommateurs (23 %) prévoyaient également augmenter leurs achats en ligne au cours de la période des Fêtes.
Il faut toutefois souligner que ce n'est pas parce que les clients magasinent sur le Web qu'ils ne le font pas chez des détaillants québécois. « Il ne faut pas oublier que beaucoup de commerces locaux sont en ligne. Le virage numérique a été effectué pour la plupart. Ça se peut, acheter en ligne localement », rappelle Kate Savard, coordonnatrice à la dynamisation commerciale chez Promotion Saguenay.
Un précédent baromètre du CQCD dévoilait qu'Amazon occupe 53 % des ventes en ligne, mais ce chiffre n'inquiète pas Damien Silès, directeur général du CQCD, outre mesure. Ce dernier mentionne notamment que des produits du Québec sont aussi présents sur Amazon, entre autres avec les initiatives des Produits du Québec. Par ailleurs, dans certaines catégories, comme l'alimentation, les vêtements ou la quincaillerie, la proportion d'achats en magasin demeure élevée.
M. Silès se dit toutefois plus inquiet de la montée des sites comme Shein et Temu, qu'il qualifie de « commerce déloyal » pour les détaillants québécois. « Ils n'ont pas d'employés ici, tout se fait par avion. Amazon a au moins des salariés et des centres de distribution au Québec », mentionne-t-il, ajoutant que Shein, un site de mode éphémère, est « une catastrophe environnementale ».
Le directeur général du CQCD met notamment en garde sur le respect des normes de sécurité par ces plateformes Web. « On peut retrouver sur Shein des copies de pyjamas faits au Québec à très bas prix. Mais ceux fabriqués ici doivent répondre à des normes environnementales et de sécurité strictes. Ce n'est pas le cas pour les produits trouvés sur Shein. Ça crée un déséquilibre complet », fait-il valoir.
Achat local : l'engouement demeure
L'achat local a pris de l'ampleur au cours de la pandémie et ce mode de consommation semble là pour rester. Ainsi, toujours selon le Baromètre du CQCD, 53 % des consommateurs souhaitaient favoriser les commerçants locaux du quartier pour leurs achats des Fêtes, une augmentation par rapport à l'an dernier. Ceux qui désirent faire leurs emplettes chez des bannières québécoises sont aussi en hausse, avec 51 %. Le même pourcentage cible des produits acquis au Québec.
« La consommation est en train de changer et je suis content de voir qu'il y a un engouement pour encourager les gens de la place », se réjouit Robin Ratthé, directeur général de la Société de développement commercial d'Alma.
Selon le professeur de marketing à l'Université du Québec à Chicoutimi (UQAC), Damien Hallegatte, les magasins physiques locaux sont là pour rester. « Ils permettent de voir, de toucher, d'être conseillé par un vendeur. Il y a tout l'aspect social aussi. [...] Au niveau de l'expérience de magasinage, il n'y a aucun site Internet, même le mieux conçu du monde, qui peut se comparer à ce qu'on peut vivre dans une bonne boutique. Il y a un plaisir intrinsèque au magasinage que peuvent offrir les commerces physiques », estime-t-il.
Il pense que les deux modes de consommation ont leurs avantages et inconvénients et qu'il se pourrait qu'on ait atteint un équilibre. « Je suis relativement optimiste pour les commerces locaux à partir du moment où ils travaillent toujours leur expérience. Je crois que les gens sont prêts à payer un peu plus cher avoir une expérience de magasinage, avoir des conseils ou faire les bons choix », affirme-t-il.
Des efforts
Les organismes de développement économique poursuivent aussi leurs efforts en matière d'achat local. Selon Kate Savard, le programme de Bons cadeaux CVS de Promotion Saguenay est un bel exemple de réussite de ce travail. Ce programme, lancé en 2011, permet d'acquérir des bons cadeaux échangeables dans plus de 380 boutiques des cinq centres-villes de Saguenay. Plus de 2,2 M$ ont ainsi été vendus depuis sa création.
« Il y a eu un important engouement en 2020. C'est entré dans les habitudes, même chez les grandes entreprises régionales qui donnent le ton. Il y a quelque chose de fort et de solide qui s'est installé. Je pense que les gens ont compris qu'acheter local, c'est de se donner le choix à long terme en assurant la longévité de nos commerces », résume Mme Savard.
L'attrait pour les Marchés de Noël se fait aussi sentir. Aux dires de la coordonnatrice, ce type d'événement est très recherché actuellement. « Nous avons un bel engouement et une belle réponse des artisans. [...] Les gens se donnent rendez-vous pour consommer local. [...] Ils magasinent, vont au restaurant et voient ce qui est offert sur place. Il y a aussi des commerçants du centre-ville qui ouvrent un kiosque au marché », ajoute Robin Ratthé.
Pas facile
Aux dires de Kate Savard et Robin Ratthé, la dernière année n'a pas été facile pour les commerces de détail, les restaurants et les PME de la région. « L'automne a été difficile pour la plupart. Il y a beaucoup d'espoir pour ce qui va se passer dans les prochaines semaines, qu'il y ait un virement de situation au niveau de l'économie. [...] Ceux qui restent aujourd'hui, ce sont ceux qui ont fourni des efforts, de l'énergie. Ils veulent que ça fonctionne et ils sont optimistes », partage M. Ratthé.
Madame Savard met en lumière la capacité d'adaptation des détaillants régionaux. « Le temps des Fêtes, on mise beaucoup là-dessus. C'est une période super importante. Je pense que dans nos commerces locaux, nous avons la chance d'avoir des gens qui s'adaptent à la demande, à leur clientèle. Ils sont créatifs. Nous valorisons beaucoup l'expérience d'aller les rencontrer et d'avoir un contact humain », souligne-t-elle.
Les deux intervenants assurent que les consommateurs peuvent avoir des retombées économiques significatives lorsqu'ils choisissent de faire la majorité de leurs achats chez les détaillants régionaux. « Si on se fait un devoir d'acquérir de 50 % à 60 % de nos cadeaux localement, ça va avoir un impact. On ne s'imagine pas à quel point nos commerçants en ont besoin », insiste Robin Ratthé.