SAGUENAY - L'économie de la région devrait continuer à prendre de l'expansion en 2025. Toutefois, de nombreuses incertitudes pourraient venir influencer ces prévisions, selon Maëlle Boulais-Préseault, économiste chez Desjardins. 


La croissance du produit intérieur brut (PIB) nominal (qui inclut l'inflation) de la région devrait être de 2,3 % pour 2025, légèrement en dessous de celle de la province (3,4 %). Il s'agit d'une augmentation un peu plus faible que celle de 2024, qui est estimée à 3,5 % (4,6 % pour le Québec). Le PIB nominal s'établirait donc autour de 15,8 G$ en 2025.

"C'est l'effet du déclin de la démographie et de la perte de vitesse sur le marché du travail, qui freinent la croissance au Saguenay-Lac-Saint-Jean par rapport au Québec. [...] Il y a l'inflation qui joue beaucoup aussi dans le PIB nominal. Comme elle commence à baisser, ça vient le diminuer", mentionne Mme Boulais-Préseault.

Ainsi pour le Québec, le PIB réel, qui ne tient pas compte de l'inflation, est évalué à 1,5 % environ pour 2024 et devrait se chiffrer autour de 1,6 % ou 1,7 % pour 2025. Cette donnée n'est pas disponible pour les régions. 

Trois risques

Trois principaux risques pourraient toutefois influencer l'économie au cours de la prochaine année. Ceux-ci touchent autant la région que le Québec ou le Canada. Il y a d'abord une vague de renouvellement qui s'en vient du côté des prêts hypothécaires contractés en 2020-2021, quand le taux directeur était proche de 0 %.

"Avec les hausses de taux qu'il y a eu depuis, même si on a commencé à voir des baisses, les taux hypothécaires sont au moins 5 % plus élevés que ce qu'ils étaient il y a cinq ans. Cette vague de renouvellements pourrait affecter beaucoup les finances des ménages et leur consommation, ce qui pourrait restreindre la croissance économique", indique l'économiste.

L'autre incertitude concerne la démographie. En 2023 et en 2024, le Saguenay-Lac-Saint-Jean a connu un accroissement de sa population, tout comme le Québec. Or, cette croissance est liée principalement à l'arrivée de travailleurs étrangers temporaires pour contrer la pénurie de main-d'œuvre et aux étudiants étrangers. "Toutes ces nouvelles personnes sont venues contribuer à la consommation et à l'économie de la région."

Ces sources pourraient être restreintes par les mesures du gouvernement qui visent à réduire le nombre d'immigrants non permanents ainsi que l'immigration permanente. "Selon les projections de l'Institut de la statistique du Canada, si toutes les mesures sont mises en place, on aurait une croissance de la population à 0 % et, au Saguenay-Lac-Saint-Jean, ce serait un retour à la décroissance à partir de 2026. Ce qui veut dire qu'on perdrait la contribution de la hausse démographique à l'économie. Ça signifie aussi qu'on pourrait revenir rapidement en situation de pénurie de main-d'œuvre", analyse Maëlle Boulais-Préseault. 

La dernière menace est l'imprévisibilité liée à la nouvelle administration américaine élue en novembre. "Juste le 25 % de surtaxe sur les tarifs douaniers dont Trump a parlé, c'est un risque pour le Canada. [...] Dans la région, c'est surtout l'aluminium, la forêt et le secteur agricole qui seraient touchés", résume l'économiste. 

Investissements

Les investissements ont connu une forte croissance au Saguenay en 2024, avec une hausse de 15 % selon les estimations de l'Institut de la statistique du Québec. "C'est au-dessus de la moyenne québécoise. Ça devrait soutenir la croissance économique", souligne Maëlle Boulais-Préseault. Une large partie de cette augmentation dans la région est liée aux projets de Rio Tinto, mais l'économiste cite aussi, notamment, l'agrandissement du bloc opératoire de l'hôpital de Chicoutimi, le prolongement de l'autoroute 70 et les travaux à la Base militaire de Bagotville. "La majorité des projets lancés en 2024 se poursuivent pour 2025, donc ça devrait aider l'économie à croître", observe-t-elle. 

Du côté de l'immobilier, le Saguenay-Lac-Saint-Jean s'était démarqué en 2023 avec une hausse des mises en chantiers plus forte que celle du Québec. Cette tendance s'inverse en 2024. "[Fin novembre] nous sommes à -30 % environ au niveau des mises en chantiers depuis le début de 2024, alors que le Québec est à plus 30 %", illustrait l'économiste. Pour le marché des maisons existantes, il y a une certaine reprise liée à la baisse des taux d'intérêt, avec une augmentation importante des prix. "Nous sommes à plus 10 % depuis le début de l'année. C'est une situation similaire pour le locatif. [...] Il y a une perte d'abordabilité."

Mme Boulais-Préseault s'attend à une amélioration en 2025, alors que la poursuite anticipée des baisses de taux d'intérêt et la stabilité des prix des matériaux pourraient encourager une reprise des mises en chantiers. Les mesures annoncées par les différents paliers de gouvernement devraient également faire croître les constructions. 

"Les niveaux de prix demeurent 20 % plus élevés qu'en 2019, mais le fait que l'inflation risque de rester autour de 2 % pour la prochaine année amène plus de prévisibilité, autant pour un ménage que pour des entreprises ou des constructeurs qui commencent de nouveaux projets", conclut l'économiste.