Au Saguenay–Lac-Saint-Jean, la firme CONFORMiT a été la première à obtenir la certification. Du côté des entrepreneurs généraux, Construction Longer de Sherbrooke a été certifiée en 2023. Construction Nivo-Tech est toutefois l’entreprise de ce secteur qui a obtenu le plus haut score, avec 92,2 points. Il en faut un minimum de 80 pour obtenir la certification.
B Corp est une certification unique et très rigoureuse qui se base sur trois piliers pour évaluer les entreprises, soit la performance sociale et environnementale, la transparence publique et la responsabilité juridique. L’évaluation comprend des indicateurs et des pratiques exemplaires qui touchent toutes les parties prenantes et englobent tous les aspects des activités et du modèle d’entreprise de l’entreprise « C’est une évaluation d’environ 200 questions. […] Toutes nos pratiques sont passées au crible. On doit présenter des pièces justificatives pour chaque question », indique Mélissa Lapointe, directrice générale de Construction Nivo-Tech.
En tout, le processus a duré sept mois. Parmi les aspects vérifiés par l’organisme de certification, on trouve notamment les écarts salariaux internes, le pourcentage d’achats faits localement, de même que la provenance des matériaux utilisés par l’entreprise, le pourcentage de déchets détournés des sites d’enfouissement, la performance économique, les relations avec les fournisseurs, le taux de rétention des employés, la satisfaction des clients, etc. « Il y a aussi tout un sondage de satisfaction des employés, pour s’assurer que ce qu’on dit, c’est vrai », précise Mme Lapointe.
L’entreprise certifiée est aussi tenue juridiquement de prendre en compte l’impact de ses décisions sur toutes ses parties prenantes. « Nous sommes encore une entreprise à but lucratif, mais nous avons un engagement signé devant un notaire comme quoi, quand nous prenons une décision, nous ne nous engageons pas seulement à regarder le profit, mais aussi l’impact sur toutes les parties prenantes », confirme Mélissa Lapointe.
Amélioration continue
C’est une connaissance qui a d’abord mentionné la certification B Corp à la directrice générale de Construction Nivo-Tech. Cette dernière a d’abord balayé cette idée du revers de la main. « Ma première réaction, ça a été non. Ça me semblait vraiment contraignant et compliqué. Je me disais : je fais déjà les choses de la bonne façon. Ai-je vraiment besoin d’une reconnaissance externe pour le prouver? », révèle-t-elle.
C’est après qu’une deuxième personne lui ait dit que cela correspondrait bien à Construction Nivo-Tech que Mélissa Lapointe a décidé de s’informer un peu plus. « Je me suis rendu compte que c’était vraiment un cadre structurant et un processus d’amélioration continue. Ce n’est pas une certification que tu as tout simplement et que tu ne travailles plus. À tous les trois ans, tu dois te recertifier », raconte-t-elle.
Cet aspect de progression lui a beaucoup plu, puisqu’elle cherche toujours à optimiser les opérations de son entreprise, à mieux performer et à aller plus loin. « On ne regarde pas seulement la pertinence financière, mais on essaie de s’améliorer aussi sur notre impact humain, environnemental et social », partage-t-elle, souhaitant améliorer son score à la prochaine recertification.
Des objectifs
Selon l’entrepreneure, le fait d’adhérer à B Corp lui permet de mieux mesurer ses actions en matière d’ESG. « On se fixe des objectifs pour aller plus loin. Ça rend notre vision encore plus concrète et tangible », affirme-t-elle.
Elle ajoute que le processus de certification permet de générer beaucoup d’idées pour s’améliorer. « Avec les questions, tu vois vraiment ce que tu peux travailler et comment tu peux le faire. »
B Corp lui donne également accès à toute une communauté d’entreprises qui partagent les mêmes valeurs. « Par exemple, nous avons prévu une rencontre avec l’autre entrepreneur général certifié au Québec pour discuter et partager nos bonnes pratiques. Ça donne accès à d’autres personnes qui vivent les mêmes enjeux », mentionne Mme Lapointe.
Principaux défis
Selon Mélissa Lapointe, le plus gros défi pour son entreprise concerne l’environnement. « On ne se le cachera pas, l’industrie de la construction, c’est l’une des plus polluantes. Un de nos enjeux, c’est le tri des déchets. Nous avons plus de 400 projets par année, donc c’est un gros défi logistique. Je ne peux pas dire que nous sommes parfaits, mais nous avons trouvé des moyens pour réussir à le faire. Nous avons implanté une politique de gestion des matières résiduelles et une procédure. »
L’autre défi touche l’achat local. Même si Construction Nivo-Tech achète localement à 98 %, l’entreprise doit porter attention à la provenance de ses matières premières. « Ce n’est pas tout d’acheter dans un magasin régional. Il faut aussi voir si les produits sont faits avec du bois de la région. Pour la plomberie, par exemple, nous encourageons nos clients à acheter des produits québécois », illustre Mme Lapointe.
L’objectif de la certification est que la majorité des matières premières soient fabriquées dans un rayon de 322 kilomètres au maximum de l’endroit où une entreprise opère. Pour une compagnie régionale comme Construction Nivo-Tech, il s’agit d’un enjeu beaucoup plus complexe que pour une entreprise des grands centres. « Déjà, Québec, ça nous met à 200 km. Mais on a beaucoup de produits qui viennent de la région. Il y a une PME qui fait des portes, tout le bois vient d’ici pratiquement. Il y a beaucoup d’alternatives québécoises aussi. Quand j’achète quelque chose à Montréal ou à Sherbrooke, même si la certification parle de 322 km, je considère que j’ai fait ma part », fait valoir la directrice générale.
Cette dernière souhaite que d’autres entreprises locales fassent le pas vers B Corp et se dit prête à partager son expérience avec celles qui aimeraient faire la démarche. Selon elle, même beaucoup pensent que l’impact financier de ces décisions est important, ce n’est pas tout à fait le cas. Cela apporte beaucoup de bénéfices et peut aussi contribuer à réduire les coûts. « C’est un choix qu’on fait. […] Un client satisfait, c’est un client qui revient. Un employé heureux va mieux fonctionner. Tous les déchets détournés du site d’enfouissement, ce sont des déchets qu’on ne paie pas », conclut-elle.