NORMANDIN – Mario Théberge, le président de la Fédération de l’UPA du Saguenay–Lac-Saint-Jean, est formel : la région connaîtra certainement de belles années dans le développement son industrie agroalimentaire. Il appuie cette assertion sur des données scientifiques relatives aux changements climatiques qui nous permettra de produire bien davantage et plus longtemps en saison, sans compter la pénurie d’eau qui affecte de plus en plus nos voisins du sud. L’homme assure que d’ici 25 à 30 ans « l’agriculture, c’est ici que ça se passera ».
À ce potentiel majeur s’ajoute une tendance irréversible qui fait que le développement des produits de l’agriculture nordique est en forte croissance et que les produits locaux sont, de plus en plus, distinctifs et au goût du jour. « On s’appuie maintenant beaucoup sur l’agro-boréal, ça va passer par là. Les gens sont davantage préoccupés de ce qu’ils mangent et conscients de la qualité des produits locaux, notamment des petits fruits. (…) Quand ils goûtent à nos légumes, ils en redemandent, on crée une dépendance », lance-t-il.
Un discours qui plaît
Mario Théberge insiste pour dire que depuis qu’il occupe le poste président régional de l’UPA, il a mis l’emphase sur un discours différent de ses prédécesseurs. « On a souvent dit que les agriculteurs avaient une approche revendicatrice et qu’ils se plaignaient beaucoup. Moi, j’ai décidé de parler d’avenir, de potentiel de développement et d’innovation. Les producteurs aiment mon discours », explique-t-il. D’ailleurs, au cours des derniers mois, ce producteur de lait et de céréales de Normandin a aussi pris le bâton de pèlerin pour rencontrer les organisations et décideurs régionaux pour parler de l’avenir de l’agriculture régionale.
« Ça fait deux fois que je fais le tour des MRC de la région pour sensibiliser les élus au potentiel et aux défis de notre industrie. Je pense que je leur ai fait réaliser l’importance de supporter notre secteur d’activité. Je leur ai aussi démontré que l’agriculture était définitivement un pilier de l’économie du Saguenay–Lac-Saint-Jean et que son importance pour le développement régional allait s’accentuer. (…) Je leur ai aussi fait prendre conscience que, dans 20 ans, nous aurions le climat de St-Hyacinthe chez-nous », lance-t-il.
La communauté d’affaires aussi
Mario Théberge a également initié une rencontre de sensibilisation avec les gens d’affaires en étant le premier président régional de l’UPA à rencontrer les membres d’une chambre de commerce régionale (CCI d’Alma et de Lac-Saint-Jean-Est) en avril dernier. Le sujet de sa conférence : L’agriculture un secteur incontournable… en pleine croissance. Il a adoré l’expérience. « Il y a eu beaucoup d’interaction avec les gens présents. Ils ont été obligés de m’arrêter de parler », assure-t-il.
L’innovation au cœur du développement
Dans ses rencontres et présentations, Mario Théberge parle abondamment d’innovation dans l’agroalimentaire au sens large. « On va se diversifier dans les produits de niches », assure-t-il. Il cite sans hésiter Nutrinor et ses filiales, qui ont lancé plusieurs nouveaux produits de consommation concoctés à partir du lait provenant des cheptels de la région au cours des dernières années (Lait Nordique, Riz au lait). Sans compter les nombreuses petites et moyennes entreprises oeuvrant dans la fabrication de bières, de fromages ou autres produits issus de la Boréalie et qui agrémentent de plus en plus les tables du Québec.
Le président de l’UPA régionale souligne aussi que la région est bien dotée d’organisations de chez nous qui supportent et promeuvent le développement de l’agriculture au Saguenay–Lac-Saint-Jean, notamment le Collège d’Alma avec son programme de formation des technologies agricoles, Agrinova, un laboratoire de recherche et d’innovation, et le Créneau AgroBoréal et la Table agroalimentaire du Saguenay–Lac-Saint Jean.
Des défis et des enjeux
Malgré ce potentiel indéniable, l’agriculture régionale fait face à de grands défis, selon le producteur. Deux de ceux-ci sont directement liés et concernent la relève et la main-d’œuvre. « Le premier secteur de l’économie régionale à avoir eu des problèmes de main-d’œuvre, c’est le nôtre », avance Mario Théberge. Il souligne que tous les finissants du programme de Gestion et technologie d’entreprise agricole trouvent tous des emplois une fois leur diplôme obtenu.
Il faut dire que, jusque dans les années 90, les travailleurs ainsi que la relève de cette industrie se recrutaient principalement auprès des membres et de l’entourage des familles exploitant des entreprises, qui étaient souvent transmises de père en fils. Aujourd’hui, le cercle familial est considérablement réduit et les conditions de vie sont grandement différentes. « Les jeunes ne veulent plus travailler de la manière dont nous l’avons toujours fait. Maintenant ils veulent une vie de famille et des loisirs et ça se comprend », confirme Mario Théberge.
Il explique qu’actuellement les producteurs laitiers et céréaliers, notamment, n’ont d’autre choix que de se tourner vers la technologie pour assurer la croissance et la pérennité de leurs entreprises. « On est toujours en mode projet et on investit de plus en plus pour maintenir nos activités […] Moi, j’ai la chance d’avoir de la relève, mais comme le recrutement est difficile, mon associé et moi avons dû revoir nos méthodes de travail pour être plus efficace. À titre d’exemple, on vient d’investir encore plus de 100 000 $ pour acquérir une presse à foin qui nous permettra de faire des balles plus petites et plus faciles à manipuler », concède-t-il. Mario Théberge rappelle d’ailleurs que l’UPA réclame depuis longtemps au gouvernement du Québec une politique nationale de la relève en agriculture.
Détresse psychologique élevée
Un autres des enjeux qui interpellent grandement Mario Théberge concerne la santé mentale des agriculteurs. Des données récentes sur la détresse psychologique des entrepreneurs de cette industrie indiquent qu’elle serait trois fois plus élevée que dans d’autres secteurs économiques. « C’est alarmant, parce qu’aujourd’hui, plusieurs ne font que survivre de l’agriculture », lance-t-il. Il explique qu’actuellement, il est très difficile de rentabiliser les fermes et que les propriétaires doivent s’endetter bien davantage qu’il y a 20 ou 30 ans. Le contexte familial actuel, où les familles sont plus petites, pourrait avoir un impact sur cette situation préoccupante.
L’UPA provinciale s’est d’ailleurs penchée sur le sujet en 2016 et a lancé un document intitulé : La santé psychologique : Une priorité!. L’organisation s’est donné comme objectif de mobiliser à la fois ses ressources et celles d’autres partenaires du milieu autour d’une stratégie de sensibilisation. Selon l’UPA, l’enjeu est de taille, car les plus récentes recherches sur la question confirment des taux de détresse et de suicide plus élevés chez les agriculteurs que ce que l’on observe dans l’ensemble de la société. Le document a été réalisé à l’intention des intervenantes et intervenants œuvrant dans le domaine de la santé et de la prévention de la détresse psychologique.
Rester positif et à l’affût des opportunités
Malgré ces données qui font réfléchir, Mario Théberge demeure optimiste quant à l’avenir de l’industrie. Il résume sa pensée : « Nous aurons toujours besoin de manger trois repas par jour. Le climat va prolonger la saison des cultures au Québec et dans la région. Nos produits locaux ont la cote. L’agriculture assure l’occupation du territoire. Il faut faire confiance à la nouvelle génération qui a une vision différente. Les producteurs agricoles sont responsables de la paix sociale dans le monde ».
L’homme est fortement intéressé à poursuivre son implication à la présidence de l’UPA régionale après son premier mandat de deux ans, qui se termine à l’automne. Plusieurs dossiers tiennent à cœur à celui qui siège également sur le conseil exécutif de l’UPA provinciale (sept postes seulement à l’échelle du Québec). Une des filières qu’il rêve de voir se développer dans la région, au cours de son prochain mandat, est celle de la production et de la transformation de viande. « Actuellement, nos vaches de réforme voyagent pendant 17 heures avant d’atteindre un abattoir situé en Pennsylvanie. Imaginez dans quel état elles arrivent et l’impact sur la qualité de la viande que nous consommons ». Parions que c’est un dossier dont on se reparlera sous peu…