SAGUENAY - Donald Trump entrera en fonction pour son deuxième mandat dans les prochains jours. S'il impose réellement des surtaxes de 25 % sur les exportations canadiennes, comment le Saguenay-Lac-Saint-Jean s'en sortira-il ?


" Depuis qu'il est entré en scène en 2015-2016, son objectif, c'est d'essayer par tous les moyens de ramener de bons emplois en sol américain, dans des secteurs où il se trouve que nous sommes en concurrence ici au Canada, tout particulièrement au Québec. Lors de son premier mandat, il avait imposé des droits de douane sur l'acier et l'aluminium et ça avait eu des effets sur la région ", commence Frédérick Gagnon, titulaire de la Chaire Raoul-Dandurand, directeur de l'Observatoire sur les États-Unis et de l'Observatoire des conflits multidimensionnels et professeur au Département de science politique de l'Université du Québec à Montréal.

Il prend l'exemple du projet d'usine de billette d'aluminium de Rio Tinto à Alma, qui avait été mis sur pause lorsque Donald Trump avait imposé ces surtaxes douanières. Les menaces de droits de douane de 25 % sur toutes marchandises quittant le Canada vers les États-Unis que brandit le président américain désigné sont plus massifs que la dernière fois, ce qui risque d'entraîner des répercussions encore plus grandes. 

" De façon générale, ils peuvent avoir pour effet de réduire les exportations du Québec et de la région en direction des États-Unis. C'est ce que des économistes ont démontré dans des simulations dans le cadre de recherches ", affirme Frédérick Gagnon.

Cependant, tout n'est pas décidé, puisqu'il est possible que ces surtaxes douanières ne soient pas mises de l'avant. Il s'agit de tactiques de négociation, pour forcer la main au Canada. Selon M. Gagnon, il est possible de voir cette taxe s'élever plutôt aux alentours de 10 % ou 20 %, en échange de concessions dans certains secteurs, notamment dans l'agroalimentaire. Peut-être que Donald Trump utilisera aussi ces droits de douane pour influencer les négociations concernant l'ACEUM (Accord Canada-États-Unis-Mexique), qui doit être réexaminé d'ici 2026.

" Il faut prendre la menace au sérieux. Après ça, on verra. Est-ce que ce sera 20 % ? 10 % ? Mais peut-être qu'il commencera avec 25 % avant de réduire plus tard après avoir obtenu certaines choses de notre part ", indique le directeur de l'Observatoire sur les États-Unis.

Approche séductrice

Pour l'instant, aucune réplique du gouvernement canadien n'est attendue. Le premier ministre préfère une approche plus séductrice, pour tenter de rassurer Donald Trump et d'apaiser ses ardeurs. C'est une approche différente de celle adoptée lors de son dernier mandat, puisque le Canada avait riposté par des surtaxes douanières à son tour par le passé.

Si la guerre commerciale s'accentue et qu'une riposte canadienne est mise en place, le prix des importations américaines augmentera sur nos tablettes. Cette situation rendrait plus difficiles les ventes pour les entreprises du pays voisin, qui pourraient mettre de la pression sur leurs élus, ce qui en retour pourrait favoriser une révision des mesures de la part de Trump.

Il ne faut pas oublier que les raisons de ces menaces ne sont pas principalement commerciales, mais plutôt des motifs concernant la sécurité à la frontière. Le républicain les justifie par une trop grande immigration qui passe du Canada aux États-Unis. La crise du fentanyl et des opioïdes fait aussi partie de ses préoccupations.

Ramener les emplois

" À court terme, les droits de douane n'ont peut-être pas l'effet escompté, ça ne ramène peut-être pas de l'emploi tout de suite. À court terme aussi, ça a un coût immédiat pour les consommateurs et les entrepreneurs américains. La théorie de Trump, à moyen-long terme, c'est que lorsque les importations deviennent plus difficiles, les entrepreneurs américains vont changer leur pratique en déplaçant leur production aux États-Unis et ainsi créer de l'emploi ", ajoute M. Gagnon.

Rappelons que la surtaxe sera imposée aux producteurs américains installés à l'étranger, d'où la théorie du rapatriement de l'emploi. Trump n'est pas le seul à soutenir cette théorie. Plusieurs, tel que l'économiste Peter Navarro, sont en accord et pensent même que les prédécesseurs du président qui n'ont pas pris des mesures similaires ont favorisé le départ des emplois en dehors des frontières.

Récession imminente

" Un économiste que j'aime beaucoup, Jimmy Jean, qui est économiste en chef chez Desjardins, avait publié une note avant les élections sur les possibles effets de Trump sur notre économie. Il évoquait un scénario de tarifs de 10 % sur toutes nos importations au lieu de 25 %. Dans la note, il disait qu'au moment de l'annonce et avant que la surtaxe entre en vigueur, nous pouvons nous attendre à une hausse de nos exportations vers les États-Unis ", explique Frédérick Gagnon.

Cette hausse s'explique par un désir des producteurs américains de remplir leur inventaire avant de devoir payer des surtaxes. Cependant, par la suite, lors de l'entrée en vigueur des tarifs, le Canada peut s'attendre à une chute de ses exportations vers les États-Unis. 

Les États-Unis sont le marché principal du Canada, avec plus de 70 % des exportations qui se dirigent en sol américain. Il ne sera pas facile de trouver d'autres acheteurs pour tous ces produits.

Toujours selon Jimmy Jean, avec 10 % de tarifs sur les exportations canadiennes, le risque de récession est accru vers 2026. À 25 %, il estime plutôt que la récession est assurée un an après l'arrivée au pouvoir de Donald Trump. Une récession est synonyme de pertes d'emplois ainsi que d'un recul des investisseurs, qui seront moins tentés d'investir au pays.