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Karine Boivin Forcier

SAGUENAY – « Je n’avais jamais pensé que je deviendrais entrepreneure », lance Marie St-Gelais, ingénieure et associée principale de la firme d’ingénierie autochtone Ashini Consultants. Et pourtant, son parcours l’a menée à prendre la tête de cette entreprise en 2016, un rôle qui lui semble maintenant tout naturel.

Originaire de la communauté autochtone de Pessamit, sur la Côte-Nord, Mme St-Gelais a gradué de l’Université Laval en génie civil en 2006. « Je suis la seule ingénieure de Pessamit. […] J’aimais les sciences et le travail à l’extérieur. Je considérais que ce métier me permettrait de ne pas faire seulement du travail de bureau et de toucher mes intérêts », souligne celle qui a toujours su qu’elle voulait poursuivre des études universitaires.

Après avoir travaillé pour diverses entreprises en génie et dans le domaine minier, l’ingénieure et son conjoint ont décidé de venir s’installer au Saguenay–Lac-Saint-Jean, où elle a commencé à travailler pour une petite firme formée par Jean Larouche et ses deux frères. « En 2016, j’ai racheté ses deux frères. Nous avons organisé l’actionnariat pour que notre entreprise soit autochtone et nous avons changé le nom pour Ashini Consultants. Ashini, c’est le nom de ma grand-mère Maria. Ça veut dire roc en Innu », raconte-t-elle.

De quatre employés au départ, la firme d’ingénierie est passée à 15 travailleurs aujourd’hui. Elle possède un siège social à Saguenay et des bureaux à Pessamit et à Mashteuiatsh. Quelque 50 % de sa clientèle provient des communautés autochtones, principalement innues, cries, et atikamekw, alors que l’autre moitié vient du domaine industriel et minier. « On travaille avec Rio Tinto, Métaux BlackRock, Glencore, etc. C’est vraiment un domaine qui nous intéresse. Ce sont de beaux défis », indique Marie St-Gelais, fière de l’expertise développée. L’entreprise se spécialise dans le génie civil et les structures, mais peut aussi effectuer des projets multidisciplinaires pour le bâtiment. En outre, elle offre des services de gestion de construction, gestion de projet et de préfabrication.

Développer l’expertise

Si le but de l’entreprise est de conseiller et accompagner ses clients, de développer des solutions adaptées et de fournir le meilleur service possible, Ashini Consultants s’est également donné pour mission de supporter les communautés des Premières Nations dans le développement de leurs infrastructures. La firme va donc jouer un rôle d’accompagnement plus poussé pour mener à bien les projets et maximiser les retombées locales.

Mme St-Gelais souhaite aussi développer une expertise et une capacité de réalisation autochtones. « Je veux former à l’interne une équipe composée d’autochtones et qui possède une réelle capacité de réalisation », explique-t-elle. Actuellement, quelque cinq des 15 employés sont autochtones, trois sont originaires de Mashteuiatsh et deux de Pessamit.

Convenant que le recrutement d’autochtones qualifiés dans ce domaine n’est pas toujours facile, la jeune entrepreneure a d’ailleurs mis en place des bourses de persévérance scolaire pour les jeunes des Premières Nations dans les domaines du génie et de la construction. La première, de l’ordre de 600 $ par session, se destine à un étudiant du niveau universitaire. La seconde sera offerte à un élève du collégial, à raison de 400 $ par session. « Je veux avoir accès à ces jeunes-là, pouvoir les prendre en stage. Personnellement, je trouve intéressant de pouvoir travailler pour ma communauté. J’ai vraiment l’impression de contribuer à quelque chose », affirme-t-elle.

Améliorer la qualité de vie

Pour Marie St-Gelais, il s’agit aussi d’améliorer la qualité de vie dans les communautés autochtones. « C’est en s’éduquant, en développant l’entrepreneuriat, qu’on va pouvoir améliorer les choses. J’aimerais encourager ces jeunes à aller à l’école », mentionne l’entrepreneure.

À moyen terme, elle souhaiterait qu’Ashini Consultants devienne une référence dans les communautés autochtones en termes d’ingénierie. Elle rappelle que son entreprise peut accompagner ces communautés dans le développement de leurs projets. « On peut adapter la conception et la gestion pour favoriser l’utilisation de la main-d’œuvre locale. On a la capacité de le faire », précise-t-elle. Elle donne l’exemple de projets de construction à Pessamit, dont un de 15 M$ où elle a pu embaucher 45 % de main-d’œuvre locale et un garage de 3 M$ où ce chiffre est grimpé à 67 %.

Aujourd’hui, Marie St-Gelais ne se verrait pas ailleurs. « C’est devenu naturel. Ce n’est pas toujours facile, l’entrepreneuriat, mais je ne me verrais pas faire autre chose. Ça me valorise beaucoup. J’ai l’impression de m’accomplir, de participer à quelque chose », conclut-elle.

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