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Maxime Hébert-Lévesque

ALMA – Roadfish est l’une des rares sociétés de production télévisuelle implantée dans la région. L’expertise de la PME consiste à développer des concepts d’émissions, les réaliser, les éditer et les mettre en marché. Le défi réside dans la normalisation des coûts de production et la rentabilisation des concepts.

« Nous avons débuté l’aventure en 2016 et nous développons toujours la formule pour optimiser les tournages. D’une émission à l’autre, les coûts peuvent être très différents à cause d’une multitude de facteurs qui sont souvent hors de notre contrôle, comme la hausse du carburant. Pour réduire les dépenses, nous devons démarcher des partenaires et des commanditaires », expliquent Daniel Gagné et Alexandre Mercier, copropriétaires de la maison de production Roadfish.

L’auditoire d’une émission de pêche ou de chasse s’attend à voir du spectaculaire. Le lieu de production est donc un facteur important au niveau des dépenses, mais il n’est pas le seul. « Nous réalisons des émissions de pêche et de chasse, il faut donc attraper ou tuer pour avoir un produit. Une particularité qui entraîne des coûts supplémentaires. En moyenne, un tournage emploie trois personnes pendant trois jours. Cela représente facilement 80 heures d’ouvrage rémunéré et le montage vidéo exige un nombre d’heures similaire. Pour donner une idée, l’an passé, la masse salariale de notre entreprise s’élevait à 500 000 $. Nous pouvons parfois tourner plusieurs jours et revenir bredouilles. Cela laisse un trou dans le budget qu’il faut compenser plus tard », précise Daniel Gagné, qui ajoute qu’une seule émission d’une vingtaine de minutes peut représenter un investissement de quelques centaines de milliers de dollars.

Des partenaires essentiels

Alexandre Mercier met l’accent sur l’importance des partenaires et des commanditaires pour la viabilité de leur modèle d’affaires. « C’est une stratégie d’échange et de visibilité. Plus notre émission gagne en notoriété et plus nos partenaires sont nombreux et généreux. Nous contactons les pourvoiries, les agences touristiques et même les municipalités où nous tournons. Nous affichons leur logo ou encore leur établissement en échange de rabais sur l’hébergement, la nourriture ou l’équipement. Cette façon de faire réduit de beaucoup les frais de tournage. C’est essentiel puisque parfois, pour des questions d’efficacité, nous allons filmer en pourvoirie pour chasser. Ça nous assure une prise plus rapide, mais en contrepartie, le permis peut, selon l’endroit où l’on se rend, tourner autour de 5 000 $ à 9 000 $ pour une bête. »

Dernièrement, l’équipe de Roadfish s’est rendue en Afrique du Sud pour réaliser une émission de pêche en haute mer et une autre sur la chasse. Une entente avec les propriétaires de la pourvoirie où le tournage avait lieu a permis un accès au site et un hébergement gratuit pour l’équipe. Les coûts se résument finalement au salaire et aux billets d’avion. « Il doit y avoir un équilibre. Il faut trouver la bonne formule entre les émissions dispendieuses et celles à coûts moins élevés. Il y aura toujours des projets plus chers, mais il faut aussi miser sur des productions plus locales », constate M. Mercier.

Une offre alléchante

Le milieu de la production télévisuelle est également aux prises avec une pénurie de main-d’œuvre. Toutefois, les gestionnaires de Roadfish n’ont pas de difficultés à recruter. « Nous ne sommes pas une grosse société de production comme Radio-Canada. Nous avons plus d’agilité puisque nous n’avons pas à dénicher des preneurs de son, des éclairagistes et d’autres spécialités. Tout le monde dans l’équipe peut filmer et réaliser le montage. D’ailleurs, la polyvalence est l’un des premiers critères d’embauche chez Roadfish », précise Alexandre Mercier.

Daniel Gagné ajoute qu’il ne se fie pas qu’au curriculum vitae pour constituer son personnel. « Aujourd’hui, les logiciels de montage sont accessibles et beaucoup de gens savent les utiliser. Lorsque nous sommes en processus d’embauche, nous jugeons plus les aptitudes des gens sur leur connaissance des outils informatiques plutôt que sur leur passé académique. » Les deux entrepreneurs mentionnent également que la nature du travail et la possibilité de voyager sont des facteurs qui attirent les gens.

Roadfish diversifie sa diffusion

« Le milieu télévisuel et celui des médias en général sont exigeants. Ils imposent de constamment se renouveler et de créer. C’est ce que nous ferons avec un nouveau concept pour la télévision qui devrait être annoncé sous peu. De plus, nous avons commencé une baladodiffusion qui traite de sujets comme la pêche, la chasse et aussi d’anecdotes de tournage. Un studio a été aménagé dans nos locaux pour l’enregistrement de Roadcast et l’objectif dans les prochains mois sera d’apporter une certaine constance dans sa production », explique Alexandre Mercier, co-propriétaire de la maison de production Roadfish avec Daniel Gagné, Nicolas Gagnon et Pierre-Luc Côté.

Garder le contrôle

L’équipe de Roadfish réalise et auto-produit l’entièreté de ses émissions. Bien qu’il ne soit pas exclu dans l’avenir de réaliser des commandes pour un réseau de télévision, cette manière de faire apporte une indépendance à la maison de production almatoise. « En gardant les droits sur nos œuvres télévisuelles, nous ne sommes pas restreints qu’à un seul diffuseur. Lorsque nous avons commencé, nous n’avions qu’une entente avec la chaîne TVA Sports. Aujourd’hui, notre réseau de contacts s’est élargi et nous sommes un peu partout au Canada et en Europe. Dans un contexte où de plus en plus de plateformes de diffusion existent, il est avantageux de conserver la propriété intellectuelle de nos projets », concède Daniel Gagné.

La mise en marché

La principale source de revenus de Roadfish provient de la publicité. La plupart des grands réseaux de télévisions offrent aux petites boîtes de production du temps d’antenne. « Nos formats d’émissions durent une vingtaine de minutes et le diffuseur nous offre un bloc de temps légèrement supérieur. Nous avons la tâche de combler le temps supplémentaire avec de la publicité. C’est également notre responsabilité de trouver les annonceurs et nous partageons 50/50 les recettes publicitaires avec la chaîne », explique monsieur Gagné. L’entrepreneur ajoute qu’il existe des avantages supplémentaires à cette manière de faire. « Étant une société de production télévisuelle, nous avons l’équipement et les compétences pour réaliser les pubs de nos annonceurs. C’est un revenu de plus qui s’ajoute. »

YouTube, TikTok, Instagram et Facebook figurent également parmi les cibles de Roadfish en termes de diffusion. « Ce sont de très bons outils de promotion, mais nous ne les voyons pas comme une finalité en soi. Pour être rentable sur YouTube, il faut enregistrer plusieurs millions de vues par émission et notre page tourne autour de 15 000 écoutes par semaine. Notre format attire un public âgé dans la quarantaine qui ne correspond pas avec la tranche d’âge majoritairement retrouvée sur cette plateforme. Les 18-24 ans ne représentent que 24 % de notre auditoire. Il est toutefois possible que dans les prochaines années nous développions un format qui réponde plus au type de produit qui se consomme sur YouTube. »

L’Europe dans la mire

Des ententes de diffusions avec des plateformes européennes ont été signées. « Nous nous sommes rendus dans un festival de films en France et nous avons pu rencontrer des partenaires. Il y a un marché là pour nos productions nichées. Il y a donc Zone 300 et Amazon Prime France qui nous ont acheté les droits et qui nous versent des royautés. »

Une rentabilité dans le temps

Les productions télévisées étant très dispendieuses à réaliser, la stratégie pour les entrepreneurs est de prolonger la durée de vie de chaque œuvre. « Lorsque nous signons une entente avec une chaîne, il y a certaines conditions à respecter. Par exemple, il se peut que le diffuseur exige une exclusivité francophone sur l’émission. Cela ne nous dérange pas puisque le temps de l’exclusivité est généralement la période nécessaire afin d’atteindre la rentabilité. C’est une fois que la première entente expire que ça devient profitable. Nous pouvons ensuite revendre les droits à un second partenaire. Nous pouvons aussi décider de faire traduire l’émission ou de la sous-titrer pour pénétrer un nouveau marché. Une production télévisuelle peut donc générer des revenus sur une longue période et c’est habituellement dans ces situations que nous réalisons nos plus gros profits », conclut Daniel Gagné.

En 2021, Roadfish a enregistré un chiffre d’affaires de plus d’un million de dollars et comptait neuf employés. La PME prévoit croître davantage cette année.

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