Auteur

Karine Boivin Forcier

ALMA – Devant l’imposition de taxes douanières sur l’acier et l’aluminium par les États-Unis et la réplique canadienne, effective depuis le 1er juillet, des impacts sont attendus pour les entreprises exportatrices et importatrices de la région. Pour la directrice générale et commissaire à l’international de Serdex International, Nadine Brassard, elles doivent être prêtes à faire face à ces changements.

Les taxes sur l’acier et l’aluminium imposées par les États-Unis et celles que le Canada a émises sur de nombreux produits en provenance de nos voisins du sud touchent déjà plusieurs entreprises dans la province, et la région n’y fait pas exception. « Actuellement, oui, il y en a des entreprises qui sont impactées. La grande entreprise va être impactée par ça, c’est sûr, celles qui font l’aluminium sous la forme brute. Mais il y a aussi des transformateurs qui sont impactés. […] Il va y avoir un impact, d’après moi, sur l’importation. […] Même si l’entreprise n’importe pas directement, souvent elle va s’approvisionner chez quelqu’un qui importe et là, les prix vont augmenter », estime Mme Brassard.

La commissaire à l’international explique que le système de douanes est harmonisé entre 170 pays et comporte 99 chapitres qui permettent de classer les produits. « Pour l’aluminium, si l’entreprise a un produit classé dans le chapitre 76, elle doit se questionner pour savoir si son produit va être touché par le taux de 10 %. […] Si un produit d’aluminium n’est pas classé dans ce chapitre, il ne sera pas affecté. Par exemple, si je fais des verres en aluminium et qu’ils sont classés dans le chapitre verres, je ne serai pas affectée », indique Nadine Brassard, précisant que l’acier est également touché et que les produits visés sont sensiblement les mêmes que l’aluminium. Elle ajoute que ce sont plus les produits sous forme brute qui sont touchés par les taxes, puisque les produits très transformés (par exemple des tables, des chaises, de la vaisselle, etc.) changent de chapitre pour l’exportation.

Taxes canadiennes

Les taxes canadiennes en réplique aux tarifs américain sont imposées sur les produits originaire des États-Unis seulement. « Si les produits ont une autre origine, mais passent par les États-Unis et est ensuite exporté, ils ne seront pas touchés », indique Mme Brassard.

Un peu comme les taxes américaines, les tarifs douaniers imposés par le gouvernement canadien s’appliquent notamment sur les produits d’acier du chapitre 72 et certains autres du chapitre 73. Par contre, au moment de la rédaction de cet article, la taxe canadienne de 10 % devait concerner un large éventail de produits de consommation, allant du yogourt au café, en passant par des plats cuisinés, le sucre et le sirop d’érable, des chocolats, des whiskies et de la bière, des produits cosmétiques, des insecticides ou fongicides, le papier hygiénique, divers appareils électroménagers, etc.

Les taxes canadiennes à l’importation auront donc un impact pour les entreprises de la région également, de même que pour les consommateurs. « Si on importe des produits et que la matière première nous coûte plus cher, le produit va coûter plus cher. L’entreprise va devoir décider si elle vend son produit plus cher ou si elle diminue sa marge bénéficiaire », mentionne la directrice générale de SERDEX.

Être prêts

Les entreprises peuvent se préparer de diverses façons pour tenter de minimiser les impacts que ces impositions de taxes douanières auront chez elles. « Déjà, en vérifiant où leurs produits se situent dans les chapitres ou, s’il y en a qui font des achats à l’international, vérifier s’il y a des produits dans leur production qui sont là-dedans. Si c’est le cas, elles devront possiblement réviser leur prix de vente pour s’assurer de ne pas perdre d’argent », affirme Nadine Brassard, qui ajoute que SERDEX peut accompagner les entreprises dans ces vérifications, répondre à leurs questions et les orienter.

Il s’agit aussi d’un bon moment pour diversifier ses marchés afin d’être moins dépendant des États-Unis. « On vient de signer un accord de libre-échange avec l’Union européenne. Il y a peut-être des avantages à tirer de cet accord-là. […] Ou d’autres pays avec lesquels on a des accords de libre-échange en cours ou à venir », suggère la commissaire à l’international. Pour les achats, les entreprises peuvent aussi explorer les possibilités de « s’approvisionner ailleurs, de diversifier autant ses marchés que ses fournisseurs ».

Par ailleurs, Mme Brassard rappelle qu’encore une fois, il est important de faire des vérifications. « Il faut comparer ce qui est le plus avantageux en considérant cette taxe-là. Parce que c’est sûr que si, en bout de ligne, avec le transport, ça revient plus cher d’importer le produit d’ailleurs, ça peut être mieux de l’acheter aux États-Unis quand même. […] Il faut voir quel peut être le meilleur avantage dans la stratégie », explique-t-elle.

Diversifier ses marchés

Du côté des ventes, l’équipe de SERDEX International recommande et privilégie toujours une diversification des marchés afin d’éviter de demeurer dépendant d’un seul et même marché. « C’est important d’identifier le plus possible les pays dans lesquels on est, pour, si des choses comme celles-là arrivent, on peut rebondir plus rapidement et concentrer nos efforts sur d’autres territoires où on est déjà », fait remarquer la directrice générale, qui considère qu’il y a un beau potentiel du côté de l’AECG, de l’Afrique de l’Ouest, de l’Amérique du Sud et des pays asiatiques. « Il faut juste valider le meilleur pays pour le type de produit qu’on a », ajoute-t-elle.

Le marché international bouge vite et il faut fréquemment s’ajuster à divers phénomènes économiques ou à la concurrence. Devant le climat économique actuel, la renégociation de l’ALENA qui piétine et les visions protectionnistes du président Trump, les entreprises doivent regarder si elles peuvent mettre en place des stratégies pour être moins dépendantes des États-Unis et se protéger des impacts que pourraient avoir des décisions du gouvernement américain. « Si vous avez 90 % de votre part de marché qui est aux États-Unis, essayez d’aller voir ailleurs. Commencez à penser à vous diversifier pour ne pas être dépendant et vous retrouver le bec à l’eau […] Oui, les États-Unis sont un beau marché de proximité, ce n’est pas loin, c’est facilitant, mais il y a d’autres beaux marchés », conclut Mme Brassard.

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