Auteur

Frédérica Fortin-Foster

N.D.L.R. Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : Agriculture et agroalimentaire : cultiver l'avenir de la région, publié dans notre édition du mois de juillet.

SAGUENAY – Alors que la valeur des terres agricoles a grimpé en flèche au cours des 25 dernières années et que les conditions météorologiques compliquent de plus en plus le travail des agriculteurs, la question se pose : comment la relève peut-elle reprendre le flambeau dans un contexte peu favorable ?

« Être releveur exige une implication considérable et une bonne capacité financière dès le départ, ce qui n'est pas toujours évident, notamment pour les jeunes sortant de l'école. Nous voyons apparaître de nouvelles méthodes, où les jeunes commencent souvent à une échelle beaucoup plus modeste que celle de leurs parents, étant incapables de reprendre l'entreprise au même niveau », explique Benoît Curé, coordonnateur du service chez l'Arterre.

Défis actuels

La moyenne provinciale de la hausse du prix des terres se situe autour de 10 % annuellement depuis trois ans. Selon M. Curé, l'augmentation des terres dans certaines régions plus éloignées du Québec, telles que le Saguenay–Lac-Saint-Jean, serait plus élevée vu le taux de demandes important.

« Des jeunes passionnés et motivés qui veulent se lancer en agriculture, il y en a. Cependant, la difficulté réside dans l'accès aux moyens pour acquérir une entreprise. Ils ont la volonté, une vision et la formation nécessaire, mais ils ne sont pas en mesure financièrement de devenir releveurs », explique-t-il.

En guise d'image simplifiée, selon l'Arterre, la valeur moyenne des fermes laitières au Québec a doublé entre 2012 et 2022, passant de 2,5 à 5 millions de dollars. Un jeune souhaitant reprendre la ferme laitière familiale doit disposer d'environ 20 % de la valeur totale en mise de fonds, ce qui l'oblige ainsi à être presque millionnaire avant même de débuter.

De plus, en agriculture, c'est principalement le marché qui influence le prix de vente, contrairement à d'autres secteurs où ce sont les contractants qui déterminent la valeur de leur produit.

« Les producteurs travaillent durement pour mettre leurs produits sur le marché, mais ce ne sont pas eux qui fixent la valeur de leur marchandise. C'est pourquoi la situation financière du secteur est précaire. Avec l'augmentation du prix des terres, ceux qui cherchent à démarrer dans le domaine agricole se trouvent confrontés à un fardeau financier considérable, ainsi qu'à une incertitude quant à la valeur à laquelle ils pourront éventuellement vendre leurs récoltes. »

Outre ce défi, les agriculteurs sont fortement affectés par les conditions météorologiques changeantes, ce qui rend les saisons de plus en plus imprévisibles.

Toujours selon l'Arterre, ces dernières années ont été marquées par des contrastes frappants : des régions comme le sud de la Montérégie ont reçu des précipitations excessives, tandis que d'autres, comme l'Abitibi-Témiscamingue, ont subi des périodes de sécheresse prolongée.

« Aujourd'hui, dans certaines exploitations maraîchères, nous pouvons cultiver jusqu'à la mi-octobre et avoir des fraises trois semaines d'avance par rapport à il y a 15 ans. Cependant, ces avancées s'accompagnent de certains impacts négatifs. Les conditions météorologiques deviennent de plus en plus imprévisibles, avec des risques accrus de feux de forêt, d'inondations, de tempêtes violentes, et autres. Ainsi, une année peut être exceptionnelle tandis que l'année suivante peut être désastreuse », déclare Benoît Curé.

Pistes de solutions

De nombreux jeunes entrepreneurs agricoles se tournent vers l'Arterre pour relever les défis croissants du domaine. Selon M. Curé, une solution envisagée pour surmonter les obstacles financiers est la location, offrant une option plus rentable.

Étant donné que la plupart de ces jeunes viennent de sortir de l'école et ne disposent pas toujours des moyens nécessaires, la location leur permet de payer pour l'espace qu'ils utilisent, plutôt que d'acheter directement.

« Ce phénomène facilite les actions, mais la location reste synonyme d'incertitude. À la fin du bail, est-ce que le propriétaire renouvellera la location, décidera de vendre ou de louer à quelqu'un d'autre, voire de garder la terre pour lui-même ? Ce sont toutes des possibilités. Il est crucial de trouver une solution pour freiner l'augmentation des prix des terres ou même d'essayer d'éliminer ce facteur de l'équation », mentionne-t-il.

Processus de relève

L'Arterre facilite la mise en relation entre ceux désirant s'établir en agriculture et les propriétaires de terres, qu'ils soient eux-mêmes producteurs ou simplement détenteurs de terrains. L'organisation met un accent particulier sur la préparation en amont, veillant à ce que les aspirants agriculteurs soient bien préparés avant de se lancer dans le domaine.

« Les défis dans ce secteur sont si nombreux que nous ne prétendons pas être la solution ultime, mais nous jouons un rôle essentiel en facilitant la mise en relation des principaux acteurs et en cherchant à assurer la continuité au sein des entreprises », déclare M. Curé.

Le processus de transfert implique de trouver le bon successeur, de préparer à la fois l'entreprise et le cédant et d'instaurer une période de cohabitation pour assurer une transition réussie. Cela permet de transmettre le savoir-faire et de s'assurer que c'est la personne appropriée pour l'entreprise.

Selon le coordonnateur du service chez l'Arterre, ce processus demande un investissement important en matière d'implication et d'énergie de la part des deux parties.

« Nous constatons souvent que des producteurs âgés n'ont pas anticipé la transmission de leur entreprise et cherchent une relève à l'âge de 65 ans, alors qu'un transfert réussi nécessite généralement une préparation entre cinq et dix ans. »

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