SAGUENAY – Élu à la présidence des Producteurs de lait du Québec (PLQ) en pleine crise de la COVID-19 le 1er mai dernier, Daniel Gobeil, de la Ferme du Fjord à La Baie, est conscient que les défis sont nombreux et que le contexte de cette pandémie vient bouleverser les marchés et affecter les prix du lait.
« J’ai vécu en l’espace d’un mois le plus haut prix du lait des 10 dernières années et le plus bas, avec une diminution de 10 %. Après cette chute drastique en avril, nous sommes revenus à un prix décent en mai. C’est clair que la fermeture des restaurants, des écoles, des cafétérias nous a affectés. C’est un marché qui représente 35 % de nos ventes de produits laitiers. Lors des trois premiers mois, il y a fallu prendre des politiques pour diminuer la production de 2 % de nos quotas. Pour ce faire, il a fallu tarir des vaches (les mettre au repos). On le fait habituellement deux mois avant qu’elles aient leur veau, mais étant donné que la production a diminué, il a fallu les mettre plus longtemps », explique le Baieriverain qui possède un cheptel de 200 têtes, 1 20 vaches en lactation et 80 génisses.
M. Gobeil avoue qu’à sa connaissance, c’est la première fois qu’un producteur de la région dirige l’organisme provincial devenu une fédération il y a 25 ans. « Je suis quelqu’un qui amène beaucoup d’idées, bonnes ou mauvaises. L’important est d’échanger dans un grand respect. J’ai une bonne connaissance du secteur laitier, de la production à la transformation. Je suis sur la ferme depuis 1998, après avoir complété un bac en agronomie. Je croyais au début de mon implication que le lien avec mon épouse Patricia Boivin, copropriétaire de la Fromagerie Boivin, allait s’avérer un frein. J’ai toujours agi avec transparence et, s’il y a des discussions pour avantager, par exemple, un transformateur, ce qui arrive très rarement, je me retire tout simplement », prend le soin de préciser le père de trois enfants.
Le travail d’un président provincial
Daniel Gobeil a fait ses premiers pas dans le syndicat régional des producteurs de lait en 2007 pour accéder à la vice-présidence en 2013 et à la présidence quatre ans plus tard, alors qu’il a été élu également à la vice-présidence sur la scène provinciale. « Je compte sur mon vice-président Michel Frigon, de la ferme des Fleurs à Albanel, pour assumer plusieurs tâches dans la région, dont celui de représentant de notre organisme à l’UPA régionale. Il est aussi membre observateur au sein du CA provincial. Le travail d’un représentant provincial comme le mien, c’est près de 200 jours par année. Ça occupe beaucoup, mais je le savais au départ.
« Mes tâches à la ferme sont beaucoup plus à l’administration et à la planification des cultures du troupeau. Je compte sur la famille, mon neveu, mon fils et mon père. De plus, le télétravail en raison de la COVID fait en sorte que je suis plus souvent à la maison et je sauve beaucoup d’heures consacrées aux déplacements. De 4 h à 8 h le matin, il se fait beaucoup de choses sur la ferme et j’ai bien apprécié d’être sur place. Les outils technologiques me permettent d’être plus impliqué et près des régions et des membres et cette façon de faire pour assister aux CA régionaux va se poursuivre après la pandémie », explique M. Gobeil.
Enjeux des producteurs de lait
Parmi les enjeux régionaux des producteurs de lait, dont le nombre de fermes a diminué de 50 % dans les 10 dernières années, Daniel Gobeil mentionne également l’occupation du territoire, des cultures qui sont différentes en raison du climat nordique et du réseau des petites fromageries à travers le Saguenay–Lac-Saint-Jean qui permet la mise en valeur de produits locaux. « Quand on embarque dans la gestion de l’offre, on se tourne vers le fédéral, tout comme pour la protection des barrières tarifaires, pour veiller à ce que les produits qui entrent au Canada soient selon les mêmes normes que nous et tout ce qu’on voit des négociations avec les accords commerciaux qu’on a vécus, dont la dernière avec les Américains. Ce sont des enjeux où l’on met beaucoup de pression avec le gouvernement canadien et, souvent, on se sert aussi des ministres de l’agriculture provinciaux pour nous appuyer auprès du fédéral. En fait, les politiciens dans l’ensemble sont à l’écoute, mais c’est long avant de voir des résultats concrets. »
Au gouvernement du Québec, les producteurs demandent de l’aide pour des investissements plus productifs que ceux effectués lors des dernières années pour répondre à l’environnement. « On pense ici à de nouveaux bâtiments qui donneraient plus de bien-être aux animaux et à la recherche et développement comme on le voit avec la ferme de Normandin sur de la recherche appliquée sur les fermes. »
Enfin, cette crise de la COVID-19 amène aussi son lot d’opportunités à saisir, selon le président. « La production locale n’a jamais eu autant d’importance pour les Québécois. L’achat local, l’environnement, la sécurité et l’autonomie alimentaire ont occupé une place de choix dans les médias et sont maintenant encouragés non seulement par nous, producteurs de lait, mais aussi par la population. De plus, des programmes ont été créés pour entreposer des fromages et du beurre plus longtemps, soit jusqu’à 24 mois, ce qui permet de ne pas disposer de lait additionnel. Parmi les inconvénients, la PCU et la PCUE sont entrées en conflit avec les offres d’emploi dans notre secteur. C’est anecdotique, mais ici même dans ma ferme, j’ai un employé de 12 ans d’expérience qui a répondu à l’appel du gouvernement et il nous a quittés pour suivre la formation en CHSLD… »