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Karine Boivin Forcier

SAGUENAY – Aux dires de Jean Simard, président et chef de la direction de l’Association de l’aluminium du Canada (AAC), qui représente les trois grands producteurs primaires d’aluminium au pays (Rio Tinto, Alcoa et Alouette), l’organisme déploie une grande partie de son énergie dans des efforts de diplomatie commerciale liée aux tarifs douaniers et contre-mesures imposés par les États-Unis et le Canada.

L’association a mobilisé ses vis-à-vis européens, américains et japonais pour poursuivre des démarches afin d’amener la Chine et les États-Unis à traiter le dossier de l’aluminium à l’intérieur d’organisations internationales, comme l’OCDE par exemple. Elle travaille conjointement avec les autres associations à faire des représentations auprès des autorités américaines dans ces dossiers. « Je travaille de très près avec l’association américaine, parce qu’une bonne façon d’être entendu, c’est de le faire avec les américains. […] L’administration américaine n’a pas d’écoute pour des voix étrangères, elle n’a d’écoute que pour des voix domestiques », souligne Jean Simard.

L’AAC a donc investi beaucoup de temps dans la formation et l’éducation de ces voix américaines pour qu’elles prennent fait et cause pour le Canada.

Impacts des tarifs

Jean Simard explique que les États-Unis sont extrêmement dépendants de l’importation d’aluminium, puisqu’ils produisent 700 000 tonnes de ce métal et en consomment 5,5 millions de tonnes. « Le Canada est leur principale source d’importation, suivie de la Russie et du Moyen-Orient. Ces trois sources d’importation sont frappées de tarifs douaniers », indique-t-il.

Le premier impact de cette situation est donc que les États-Unis paient plus cher leur aluminium que partout dans le monde, ce qui entraîne une augmentation du coût du produit final et donc, une inflation. Les deuxième ou troisième transformateurs ne peuvent toutefois pas récupérer le montant total de ces coûts supplémentaires sur le prix de leur produit fini.

« Pour nous, l’effet indirect, c’est qu’on est à risque de perdre nos usines de deuxième et troisième transformation aux États-Unis qui utilisent notre métal pour fabriquer leurs produits. […] Elles risquent de se délocaliser progressivement. […] Ça commence à se produire. Il y a des entreprises qui sont poussées hors du marché à cause des coûts de l’intrant de métal. […] Il y a un risque pour nos producteurs de perdre des morceaux de marché », estime M. Simard, qui assure que l’AAC demeure très vigilante pour protéger ses marchés. Pour l’instant, les exportations continuent comme auparavant.

L’autre effet, du côté des producteurs canadiens d’aluminium primaire, c’est que la situation crée un contexte d’incertitude défavorable aux nouveaux investissements. « On se retrouve à un endroit du monde où on n’aurait jamais pensé se retrouver avec un facteur de risque qui est l’instabilité politique. […] Il y a encore des projets d’expansion, mais pas des gros », mentionne le PDG.

Quotas

L’AAC a entendu parler des rumeurs voulant que l’administration américaine souhaite imposer des quotas sur les importations d’aluminium canadien en échange de la fin des tarifs douaniers et se positionne fermement contre cette option. L’association considère qu’il s’agirait d’un frein à la croissance.

Selon elle, les quotas ne règlent pas de problèmes, ils ne font que retarder la croissance du plus performant. « Aux États-Unis, ils ont fermé neuf usines sur 15 au cours des cinq dernières années parce que leurs usines ont 40 ans en moyenne et ils n’ont pas investi, contrairement à nous au Canada qui avons investi 13 milliards de dollars au cours des 12 dernières années dans nos usines. Quand le prix de l’aluminium se met à baisser, comme ça a été le cas au cours des huit dernières années, ils ne sont plus capables de justifier leurs opérations et sont obligés de fermer. Aujourd’hui, ils veulent repartir des usines, c’est ce que l’administration Trump veut faire, et la seule façon qu’ils ont trouvée, c’est d’alourdir la compétitivité des concurrents, soit par des tarifs, soit par des quotas », explique Jean Simard. Il estime que la situation pourrait devenir pire qu’actuellement et que les quotas ne feraient que gonfler encore les prix.

Aluminerie de l’avenir

Parmi les autres enjeux qui retiennent l’attention de l’AAC, on retrouve celui du développement durable. L’association publiera d’ailleurs prochainement son rapport sur le développement durable dans l’industrie de l’aluminium.

Elle travaille également avec AluQuébec sur un projet d’aluminerie de l’avenir, qui devrait permettre de développer les concepts de l’usine de prochaine génération. Selon Jean Simard, ce projet amènera « une vision intégrée de tous les aspects qui vont composer l’usine de nouvelle génération, possiblement sans émission de carbone en utilisant la technologie d’Élysis, entre autres, mais aussi sur la gestion de l’énergie, sur le rejet 0, sur la valorisation d’un métal performant au niveau environnemental. Il y a une vision plus globale que strictement l’usine 4.0. »

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