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Karine Boivin Forcier

SAGUENAY – Observatoire indépendant sur l’aluminium, construction des usines de fabrication et d’assemblage des anodes inertes au Saguenay–Lac-Saint-Jean, entente de maximisation des retombées, fonds de transition et augmentation de la 2e et 3e transformation, c’est ce que propose la Table de concertation sur l’aluminium pour maximiser les retombées de l’implantation et diminuer les impacts sur les emplois de la nouvelle technologie Elysis dans la région. Elle a dévoilé ses recommandations ce matin.

« On sait que la technologie Elysis aura un impact sur nos emplois. Nous devons mettre tous les efforts nécessaires pour minimiser cet impact. Il faut que cette transition soit non seulement un succès environnemental, mais également un succès économique », estime la mairesse de Saguenay et président de la Table, Josée Néron.

La Table de concertation s’est fiée aux études du Groupe Performance Stratégique (GPS) sur les impacts économiques potentiels de la technologie Elysis. Celles-ci on permis de mettre en relief des avantages, mais aussi des risques concernant des pertes d’emplois. Ce sont actuellement un tiers des emplois des alumineries qui sont liés au cycle du carbone et qui pourraient être mis en péril. « Ça ne veut pas dire que la technologie Elysis va remplacer le tiers des emplois d’aluminerie, parce que la technologie nécessite de produire ces composantes-là, de les installer et de les remplacer quand même. […] Il y a des éléments qui sont des opportunités d’emplois aussi », indique Roger Boivin, président de GPS.

Afin de minimiser ces impacts et de maximiser les retombées, les membres de la Table croient qu’il serait logique que la région reçoive les usines de fabrication et d’assemblage des composantes des anodes en céramique. « On a la moitié de la fabrication d’aluminium au Québec, donc la moitié des impacts potentiels d’Elysis. La région qui pourrait avoir le plus d’emplois en jeu, c’est nous. On a aussi le meilleur environnement industriel pour accueillir ça. On est au cœur des 10 alumineries. On bénéficie du centre de recherches de Rio Tinto, d’une électricité verte. […] Il y a présence dans la région d’alumineries avec la technologie AP », affirme M. Boivin.

Maximiser les impacts

Les membres de la Table souhaitent une entente cadre de maximisation qui fixe des objectifs de minimum de contenu québécois ou régional dans la technologie. Ils souhaitent aussi la mise en place d’un comité de maximisation avec le CMAX régional.

Pour le déploiement de la technologie, les PME et équipementiers régionaux doivent se trouver au cœur du déploiement. La région suggère d’utiliser l’approche mise de l’avant lors de l’implantation de la technologie AP-60, soit la création d’un fonds de transition permettant aux équipementiers de recevoir un prêt pour développer leur technologie en lien avec ce changement, et si la PME réussit l’exportation de sa technologie, elle voit ce prêt transformé en subvention. Lors d’AP-60, le fonds de huit millions de dollars a soutenu 40 entreprises dont plus de la moitié ont réussi l’exportation. « Ça permettrait à un maximum de PME d’ici de faire partie de la transition », note Roger Boivin.

La région souhaite aussi que les aides aux entreprises soient liées, à l’avenir, à la création et au maintien d’emploi. Notamment, les membres de la Table croient qu’il faut impliquer les grands groupes industriels dans le redéploiement de la deuxième et troisième transformations au Québec.

Observatoire indépendant

Les intervenants régionaux travaillent aussi à la mise en place d’un observatoire indépendant qui permettrait de colliger les informations sur le secteur de l’aluminium tant dans la province qu’au niveau mondial, comme cela se fait, par exemple, pour l’industrie aéronautique. « Ce qui nous manque, je pense, vis-à-vis l’aluminerie, c’est un peu cet éclairage-là d’un observatoire qui mettrait en perspective ce que nous possédons au Canada au niveau de la capacité de création et de la formation d’aluminium et surtout, sur ce qui s’ensuivrait sur la deuxième et troisième transformations qui sont peu développées chez nous par rapport à d’autres pays dans le monde », affirme le maire d’Alma, Marc Asselin, qui siège sur la Table.

Selon Roger Boivin, les informations disponibles sur l’industrie de l’aluminium, qui représente 20 milliards de dollars au Canada, comme le nombre d’emplois, le pourcentage d’aluminium produit au Québec, etc. sont difficiles à trouver et cela nuit à son développement. « Il n’y a pas de source. Il n’y a pas d’information objective qui est suivie. […] Un observatoire c’est un groupe universitaire qui fait des recherches et qui éclaire les décideurs sur les réalités mondiales du marché, primaire, transformation, environnement. C’est de l’information dont nos décideurs ont un besoin urgent », précise M. Boivin.

Plusieurs universités ont été approchées pour l’établissement de cet observatoire et plusieurs ont eu des réponses positives, notamment l’UQAM et l’Université Laval. Le gouvernement fédéral a aussi accordé une oreille attentive à cette proposition régionale.

Technologie verte

Rappelons que la technologie proposée par Elysis implique des anodes inertes pour remplacer ceux en carbone utilisés actuellement et permettrait de diminuer de beaucoup les émissions de gaz à effet de serre (GES) des alumineries. Selon les données disponibles, elle permettrait d’augmenter la rentabilité des usines en produisant 15 % plus d’aluminium pour la même intensité de courant et diminuerait les coûts puisque le remplacement des anodes inertes serait moins fréquent, sur un cycle d’environ deux ans au lieu de quelques jours.

Elysis pourrait être utilisée dans des alumineries neuves, mais aussi dans des usines actuelles. Elle viserait principalement les alumineries utilisant les technologies AP comme l’usine d’Alma ou celle AP-60 du Complexe Jonquière. Cela ne signifierait toutefois pas forcément la fermeture d’autres usines comme celles de Grande-Baie ou de Laterrière, précise Roger Boivin. Ces usines pourraient tout simplement, lorsque leur renouvellement sera nécessaire, être remplacées avec la technologie Elysis.

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