SAGUENAY – « L’avancée de la femme dans le milieu industriel est très long. Ça fait 30 ans que je suis là et on n’a pas progressé tant que ça. C’est encore un milieu très masculin. Il y a plus de femmes qu’avant, mais ce sont encore beaucoup des postes aux communications, en administration et en gestion », confie Lilianne Savard, la directrice générale de la Société de la Vallée de l’aluminium (SVA) et la directrice du créneau de transformation de l’aluminium.
Les femmes dans le milieu industriel sont encore un phénomène rare. Selon un sondage réalisé par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) en 2019, la gent féminine représente 30 % du milieu industriel. En 30 ans, ce chiffre n’a pas évolué alors que le taux de femmes dans tous les secteurs a augmenté de 5 % selon Manufacturiers et exportateurs du Canada (MEC). Ce secteur est considéré comme l’un des plus masculins et c’est pourquoi les femmes ont souvent du mal à y trouver leur place.
« J’ai été présidente de la Corporation des femmes d’affaires du Saguenay parce que je travaillais dans un milieu d’hommes. Je voulais me ramener dans un espace plus féminin. […] Il y a 30 ans, je me promenais dans les usines et il y avait aucune fille qui se tenait là. C’était facile d’entrer dans une usine, mais une fois rentrée, c’était deux fois plus difficile de prouver que tu étais là pour les bonnes raisons et que tu avais les compétences pour effectuer le travail », explique Lilianne Savard.
Le parcours d’un leader féminin
Mme Savard a travaillé en développement des affaires et s’est promenée dans les usines tout au long de sa carrière. Elle a traversé le Québec et le Canada en rapport avec le développement industriel. « De fil en aiguille, je suis devenue la première femme au Québec à être propriétaire d’une entreprise en construction et en tuyauterie industrielle. Quand j’ai acheté, j’avais 40 employés et quand j’ai vendu, nous étions rendus à 100. Après 10 ans d’expérience en tant que gestionnaire, la SVA est venue me chercher, puis aujourd’hui, ça fait six ans que je suis avec eux », a-t-elle confié.
Lilianne Savard est également chef mentor de la cellule de mentorat du Saguenay de Promotion Saguenay. « Le mentorat, c’est important parce que ça redonne au suivant. J’ai vécu toutes les étapes en entreprise. On en vit des choses et on est souvent toute seule. Tandis que quand tu es accompagnée, 65 % des entrepreneurs réussissent à passer à travers les cinq premières années. »
Parcours parsemé de difficultés
Malgré le succès qu’elle a eu tout au long de sa carrière, la Saguenéenne affirme que ç’a été un parcours parsemé de difficultés.
« Ce qui est difficile pour une femme dans ce milieu, c’est que les hommes vont essayer davantage de te tester. Il ne faut pas que tu flanches parce que tu vas te faire rentrer dedans. C’est plus difficile de faire sa place et il faut être toujours sur tes gardes pour ne pas subir du harcèlement ou de l’injustice par rapport aux hommes. »
Lilianne Savard travaille en espérant voir disparaître ces inégalités entre femmes et hommes dans le milieu industriel, plus précisément celui de l’aluminium.
« Ça n’avance pas vite, c’est long et compliqué, mais j’ai espoir que ça change un jour. On travaille fort pour que ça soit différent. Toute ma vie, je me suis battue pour que les femmes aient leur place. Des femmes entrepreneures il y en a, mais dans notre secteur c’est encore rare […] Le but c’est de se faire respecter. Un coup que tu as gagné le respect de ton monde, tu as fait ta place. C’est difficile parce que si tu mets un homme à côté d’une femme dans le milieu industriel, il gagne d’entrée de jeu plus de respect qu’elle », souligne Mme Savard.
Selon la directrice générale de la SVA, les femmes postuleront à un endroit seulement si elles ont plus que les compétences demandées et c’est, selon elle, un manque de confiance qui les pousse à douter. « Il ne faut pas avoir peur de se faire confiance. On est capable. On peut apporter autant qu’un homme dans ce milieu-là. C’est ça que je veux inculquer. Je veux que les femmes dans les usines ne soient pas une rareté, mais que ça devienne courant. »
Projet pilote
Un projet pilote d’une durée de 18 mois est mis sur pied depuis septembre et consiste à intégrer quatre femmes en même temps dans des usines. Il y a 10 ans, ce même projet n’avait pas été un franc succès. Les femmes n’étaient pas restées par difficultés d’intégration. « On est en train de faire un projet avec les Services spécialisés de main-d’œuvre (SSMO) et Service Québec pour intégrer des femmes dans le milieu industriel. Nous sommes suivis sérieusement et les femmes devraient entrer à l’automne parce qu’il faut tout d’abord préparer les usines. Il y a des usines qui n’ont même pas de salles de bains pour les filles », confie Lilianne Savard, une des personnes en charge du projet.
Un autre projet devrait voir le jour d’ici quelque temps. Le projet Rêver l’aluminium, qui était sur pause depuis la pandémie, retournera dans les écoles sous une autre forme, selon Mme Savard. « Ça fait des années que ça existe et on veut remettre le projet sur pied sous une nouvelle formule pour alimenter les gens, démontrer que le secteur de l’aluminium offre de belles perspectives d’emploi pour les jeunes. »