ALMA – Plus d’une trentaine d’élus municipaux, fédéraux et provinciaux de la région, les préfets Gérald Savard et André Paradis, les maires de Saguenay, Alma, Saint-Honoré, Roberval et Normandin ainsi que les députés du Bloc Québécois Mario Simard et Alexis Brunelle-Duceppe, Sylvain Gaudreault du Parti Québécois et la porte-parole de Je crois en ma région, Karine Trudel, de même que plusieurs représentants syndicaux se sont mobilisés, ce matin en conférence de presse à Alma, pour réaffirmer d’une seule voix l’importance du secteur de l’aluminium pour l’économie québécoise. Ils se disent inquiets quant au nouvel accord de libre-échange avec les États-Unis et le Mexique (ACEUM) et aux craintes de voir l’aluminium québécois sortir grand perdant de la nouvelle donne commerciale.
Ces derniers exigent des mesures concrètes du gouvernement fédéral pour protéger l’aluminium québécois et assurer l’avenir de ces bons emplois au Québec. Selon eux, l’ACEUM prévoit certes que 70 % des pièces automobiles contenant de l’aluminium doit provenir de la zone nord-américaine pour qu’un véhicule soit exempt de tarifs douaniers. Mais une brèche béante subsiste : il suffira que de l’aluminium provenant d’un autre continent soit fondu et transformé dans un des trois pays participants pour qu’il se conforme au traité.
« Considérer qu’une pièce fabriquée en Amérique du Nord avec de l’aluminium étranger remplit les exigences de contenu nord-américain, c’est se moquer de nous ! Nous ne comprenons pas pourquoi ce qui était valable pour l’acier ne l’a pas été pour l’aluminium », déplorent le président de la section locale 9490 des Métallos représentant les travailleurs de l'usine Alma, Sylvain Maltais et celui de la section locale 9700 représentant ceux et celles d’ABI à Bécancour, Éric Drolet.
Le représentant syndical des Métallos Alexandre Fréchette s’étonne d’ailleurs de la volte-face du lobby de l’aluminium qu’est l’Association de l’aluminium du Canada. « Est-ce les grands boss des multinationales s’accommodent du statu quo puisqu’ils ont des intérêts un peu partout sur la planète ? Ont-ils tempéré les ardeurs du porte-parole de leur lobby au Canada ? » s’interroge-t-il.
Selon la mairesse de Saguenay, Josée Néron, « l’aluminium a été mis sur la voie de service. Nous avons carrément été oublié. Il faut dénoncer la porte ouverte à l’aluminium noir. J’espère que le fédéral va mieux nous protéger. » Pour sa part, le maire d’Alma, Marc Asselin a encensé la nouvelle concertation régionale. « Nos agriculteurs en ont mangé une et maintenant c’est l’aluminium... je vais remettre les résolutions de la ville d’Alma et de la MRC LSJE auprès du gouvernement canadien.»
Refuser une mort lente !
Les Métallos se font peu d’illusion quant à une éventuelle adoption de l’accord. Ils pressent cependant le gouvernement de prendre des mesures vigoureuses pour soutenir l’industrie québécoise. « De vagues déclarations sur des mécanismes de surveillance du dumping de l’aluminium ne nous rassureront pas. Ça prend des investissements pour que nos usines demeurent compétitives, à la fine pointe », fait valoir Sylvain Maltais.
Rappelons que Rio Tinto a mis en veilleuse au cours des derniers mois ses projets de modernisation et d’expansion au Saguenay–Lac-Saint-Jean. « Le récent épisode sur de l’accord commercial ajoute de l’huile sur le feu. Le gouvernement fédéral doit montrer avec des gestes concrets qu’il n’abandonne pas l’aluminium québécois et qu’il est prêt à se mobiliser pour son avenir », souligne Sylvain Maltais.
Rappelons que le gouvernement du Canada a collecté plus de 1,2 milliard de dollars en tarifs lors du litige sur l’acier et l’aluminium avec les États-Unis, ces fonds peuvent servir d’impulsion, croient les syndiqués de l’aluminium. « Le peu d’empressement du gouvernement canadien à défendre l’aluminium d’ici dans la négociation de l’ACEUM est désolant, au même titre que le laisser-aller gouvernemental devant les reports d’investissement dans le secteur de l’aluminium. Ottawa doit corriger le tir rapidement ! » concluent les représentants des syndiqués de l’aluminium. Le Syndicat des Métallos, affilié à la FTQ, est le syndicat le plus important du secteur privé au Québec. Il regroupe plus de 60 000 travailleurs et travailleuses de tous les secteurs économiques.
Lettre ouverte
Dans une lettre ouverte, des élus de la région, des travailleurs et travailleuses du secteur de l’aluminium demandent, notamment, « que soient revus les amendements à l’ACEUM pour y inclure des mécanismes de protection du secteur de l’aluminium. Par le fait même, tant que pareille révision n’aura pas été entreprise, nous invitons tous les députés fédéraux du Québec à voter contre la ratification de l’accord. »
Ils disent aussi qu’ils ne sentent pas de la part du gouvernement fédéral une réelle préoccupation pour agir concrètement contre le dumping de l’aluminium en Amérique du Nord ni une volonté de soutenir le secteur de l’aluminium d’ici, de stimuler des investissements qui lui assureront un avenir. « L’aluminium québécois est sacrifié et avec lui, l’économie de nos régions et de bons emplois au Québec. » On rappelle également que : « L’aluminium du Québec, c’est un écosystème économique assoiffé d’innovation, essentiellement régional, encadré par les meilleures pratiques environnementales et offrant des conditions de travail plus que décentes à 25 000 personnes. Par ailleurs, il n’existe sur Terre aucun endroit où ce métal n’est aussi éthique que dans nos régions. Nous avons une obligation morale envers nos communautés, celle de faire tout en notre pouvoir pour que soit sécurisée et pérennisée cette industrie et ces emplois vitaux pour notre économie. »
Enfin, les signataires de la lettre affirment qu’il est important de comprendre que l’ALEUM dictera pour plusieurs décennies la dynamique économique, industrielle et même environnementale de l’Amérique du Nord, tout comme ses ancêtres L’ALENA et l’ALE l’ont fait avant lui. L’accord présenté la semaine dernière encouragera les multinationales de l’aluminium à investir à l’étranger.