Auteur

Karine Boivin Forcier

N.D.L.R. : Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : « Un secteur forestier responsable et durable » publié dans notre édition du mois d’avril.

DOLBEAU-MISTASSINI – Investir en forêt, c’est investir pour l’avenir, dans une industrie renouvelable où l’économie circulaire est prépondérante, croit Pascal Cloutier, président d’Alliance Forêt Boréale (AFB), organisme regroupant les communautés forestières du Saguenay–Lac-Saint-Jean et de la Côte-Nord qui a pour but de promouvoir le développement lié à l’exploitation durable de la forêt boréale.

M. Cloutier, qui est également maire de Dolbeau-Mistassini, rappelle d’abord que l’exploitation de la ressource forestière s’est d’ailleurs considérablement améliorée depuis 20 ans et que les coupes à blanc, c’est fini. Les contrôles sont devenus très présents en forêt. « Il y a des normes très strictes et ils doivent les respecter. Ce n’est pas vrai que l es entrepreneurs arrivent dans le bois et font n’importe quoi. Les techniciens qui opèrent ces machines-là, ce sont des gens responsables. Ils en vivent et ils veulent la préserver », affirme-t-il, soulignant que seulement 1 % des forêts québécoises sont sous exploitation.

Le Québec, un exemple mondial

Selon lui, le Québec est en avance dans la façon dont il réalise ses opérations forestières. Celles-ci sont surveillées et encadrées, ce qui en fait un exemple au niveau mondial. Du travail reste toutefois à faire afin de rétablir certains faits dans l’opinion publique, une tâche à laquelle œuvre aussi Alliance Forêt Boréale, par le biais de communiqués et de prises de position notamment. M. Cloutier mentionne aussi le travail en ce sens du Collectif pour une forêt durable du Québec, qui regroupe 60 partenaires, dont Emmanuel Bilodeau est le porte-parole.

L’économie circulaire, primordiale

Le président d’Alliance Forêt Boréale explique qu’au Québec, les arbres sont majoritairement récoltés pour produire du bois d’œuvre, utilisé pour la construction. Les résidus de sciage sont ensuite transformés pour produire du papier, du carton, des panneaux, etc., tandis que la biomasse, comme les écorces, peut être utilisée pour produire de l’électricité. « Tu t’assures de prendre 100 % de ton arbre. […] En plus, tout est renouvelable. Un arbre, ça repousse. Il ne faut pas oublier que 75 % de la forêt repousse toute seule, et il y a 25 % que l’on reboise. La forêt sera toujours là, contrairement à l’acier, où on vide le sol. L’industrie forestière, c’est une économie circulaire », précise-t-il.

Ainsi, au Québec, contrairement à ce qui est parfois véhiculé sur la place publique, on ne coupe donc pas d’arbres seulement pour produire du papier. En utilisant ce papier, on encourage plutôt la réutilisation des résidus des scieries. Pascal Cloutier estime aussi qu’on pourrait aller plus loin dans la province en termes d’utilisation du bois dans la construction. « Quand on prend l’empreinte du bois comparé au béton ou à l’acier, il n’y a aucune comparaison à faire. […] Il y a d’autres pays qui vont beaucoup plus loin que nous là-dedans », explique-t-il.

Les aires protégées : un enjeu

Du côté des aires protégées, les dirigeants d’Alliance Forêt Boréale considèrent que celles-ci sont un enjeu pour l’industrie forestière, mais ne se positionnent pas contre ces mesures « Il faut que ce soit un consensus. Il faut que toutes les parties s’assoient ensemble et s’entendent sur cette aire protégée. Et c’est possible de le faire. […] C’est facile, demander une aire protégée, mais il faut que ce soit fait pour des raisons valables. Il faut asseoir les intervenants ensemble pour qu’ils s’entendent. Tu ne peux pas répondre à toutes les demandes que tu peux avoir, parce que ça n’aura aucun bon sens », note Pascal Cloutier.

Selon lui, il ne faut pas mettre toute la forêt sous une cloche de verre. « Tu n’as pas le choix d’aller intervenir. Un arbre, au bout de sa vie, va tomber par terre et dégager du CO2. Quand il y a des épidémies, comme la tordeuse des bourgeons de l’épinette, c’est nécessaire d’aller intervenir. Il faut des interventions ciblées pour assurer la pérennité de la forêt », mentionne-t-il. Dans ce domaine, la protection du caribou forestier vient s’ajouter aux aires protégées et représente également un enjeu pour l’industrie. Alliance Forêt Boréale suit d’ailleurs le dossier de près.

La gestion des forêts doit se rapprocher des régions

Une refonte du régime forestier et une décentralisation du ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs vers les régions font partie des solutions pour le futur de l’industrie forestière au Québec, affirme Pascal Cloutier, président d’Alliance Forêt Boréale (AFB).

« Le régime forestier a au-dessus de 10 ans. Il doit être amélioré, parce qu’il y a plusieurs choses qui ne fonctionnent pas, autant sur le Bureau de mise en marché des bois (BMMB) que pour la planification et la prévisibilité des opérations. […] Si on veut faire en sorte de s’améliorer pour avoir une industrie encore plus performante, il va falloir travailler avec les communautés, les organisations comme la nôtre, avec la base. Présentement, on ne le fait pas. Ça part du ministère des forêts, qui est à Québec, et ça descend », souligne le président d’AFB.

Or, jusqu’à maintenant, Pascal Cloutier constate qu’il y a eu des intentions gouvernementales, mais qu’elles ont donné peu de résultats jusqu’à maintenant. Le dernier budget ne fait pas exception, alors que les opérations régionales du MFFP se voient amputées de 6 343 000 $, alors que le budget de l’aménagement durable du territoire, dont les dépenses sont faites en région, a connu une baisse de 24 M$. « Notre lecture, c’est qu’encore une fois, malheureusement, ce sont les régions qui vont écoper. Au siège social, il y aurait l’équivalent d’un poste de coupé, mais dans les régions, il y aurait des coupures qui feraient en sorte de faire le contraire de ce qu’on veut », note celui qui est aussi le premier magistrat de Dolbeau-Mistassini.

Décentraliser le MFFP

Alliance Forêt Boréale demande au gouvernement de décentraliser le MFFP. « Nous, ce qu’on dit, c’est que le ministère ne devrait plus être basé à Québec, mais directement dans les régions pour que les gens aillent sur le terrain voir ce qui se passe. Il faut rapprocher les fonctionnaires de la base et du terrain », mentionne M. Cloutier. Il croit que les pouvoirs décisionnels doivent retourner dans les régions et que cette approche permettrait de s’ajuster aux réalités locales. « Tu ne peux pas faire du mur-à-mur. Chaque région a ses particularités. Il faut que tu t’adaptes à la réalité de chacun. Pour t’adapter, il faut que tu sois là, sur place. Si tu n’es pas là et que tu gères à partir de cartes, ça ne peut pas fonctionner », indique-t-il.

La prévisibilité : un incontournable

Pascal Cloutier estime que les ingénieurs forestiers œuvrant dans les différentes entreprises et organismes devraient aussi obtenir davantage de responsabilités pour faire en sorte de maximiser les opérations en forêt. « On dit aux entreprises d’investir, mais pour ça elles doivent savoir, sur quelques années, combien de bois elles vont avoir, ce qu’on n’est pas capable de faire actuellement. Il faut donner une prévisibilité d’au moins cinq ans », ajoute-t-il.

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