"J’ai toujours eu un côté plus entrepreneur. J’ai été entrepreneur avant d’être artiste. J’ai commencé à dessiner et à peindre en tant qu’autodidacte quand j’avais environ 18 ans. J’ai voyagé beaucoup et j’ai été artisan de rue. J’étais déjà leader et j’avais le goût de gérer mes propres affaires", révèle celui dont l’exposition Cohésion est actuellement présentée au Centre national d’exposition (CNE) de Jonquière.
À cette époque, M. Picard faisait des dessins de tatouages et de bandes dessinées qu’il vendait. Il effectuait parfois des contrats pour des clients qui lui commandaient des œuvres précises. "Quand j’étais à Québec, j’ai entre autres fait une murale pour un bar. J’allais toujours chercher cette façon-là de faire de l’argent, en plus de plusieurs autres emplois que j’ai eus au fil du temps", illustre-t-il.
À travers ces différents métiers, il assimile plusieurs compétences qui lui seront utiles tout au long de sa carrière artistique. "J’ai fait 10 001 emplois et j’ai appris sur le tas. […] J’ai découvert les finances, la gestion des commandes, les relations publiques. C’est en étant homme à tout faire que j’ai pu développer les aptitudes pour continuer à être entrepreneur dans le domaine artistique", dévoile-t-il.
S’établir au Saguenay
Ayant obtenu un baccalauréat en communications graphiques à l’UQAM en 1997, c’est toutefois seulement en 2014 que Pascal Picard décide de se concentrer spécifiquement sur l’art. Après un voyage de trois ans et demi à travers le monde, le Rimouskois d’origine choisit le Saguenay pour y faire sa maîtrise.
"Je ne voulais pas rester dans les grandes villes. En arrivant ici, je me suis rendu compte que c’était une ville gorgée d’art et de culture qui était vraiment intéressante. Ça laissait miroiter beaucoup de possibilités", souligne-t-il.
Pendant ses études, il a continué à réaliser différents contrats pour diverses organisations et entreprises. "Avoir obtenu ma maîtrise, ça m’a donné plus de cordes à mon arc. Ça m’a permis d’augmenter mes chances de réussite et mon potentiel d’entrepreneuriat en art. En étant professionnel, j’avais accès aux subventions. J’ai pu exposer dans des centres professionnels, dans des galeries, dans des musées. J’ai fait des résidences d’artiste, etc.", mentionne M. Picard.
Pas enseigné à l’école
L’artiste, qui utilise les arts numériques, le dessin, la sérigraphie et la peinture dans sa démarche, assure que l’aspect entrepreneurial d’une telle carrière n’est pas enseigné à l’école. "On ne nous montre pas comment vivre de l’art et se sortir des difficultés. […] J’ai compris comment gérer le prix de mes œuvres par essais-erreurs, mais maintenant, avec l’expérience, je le sais", estime-t-il.
Or, il n’était pas question pour Pascal Picard, une fois le choix des arts fait, d’attendre les subventions ou d’avoir d’autres emplois pour joindre les deux bouts. "Je me suis dit : organise-toi pour que ça marche, ce que tu fais. C’est pour ça que je vais chercher des contrats ailleurs. Je vais m’inventer des projets artistiques et contacter des entreprises pour leur proposer. Par exemple, je peux faire des portraits à remettre à leurs salariés qui prennent leur retraite, etc. Il y a beaucoup de bouche-à-oreille qui se fait. Des fois, les gens voient ce que je fais et l’appliquent à leurs besoins. D’autres, c’est moi qui ai l’idée", explique-t-il.
Vivre de son art
Selon lui, il est essentiel d’être proactif pour pouvoir vivre de son art. "Il faut être capable d’aller cogner aux portes. […] Je trouve des idées et je les applique dans le monde. Je ne lâche pas."
Également papa au foyer d’un petit garçon de quatre ans, Pascal Picard œuvre de 40 à 50 heures par semaine sur ses projets artistiques. Son secret : il se lève à cinq heures, travaille jusqu’au lever de son fils.
"Je m’occupe de lui, mais ensuite, jusqu’à 10 h 30-11 h, je travaille. Je fais de la recherche, de la sérigraphie, de la photo, etc. Il me suit partout et il adore ça. Il y a un côté très pédagogique à tout ça. L’après-midi est consacré à mon temps de papa, puis je recommence à travailler quand il est couché. Tout s’imbrique pour faire de ma vie une œuvre d’art", affirme-t-il, ajoutant vivre ses plus belles années actuellement.
Mélanger l’artiste et l’artisan
Autodidacte et bricoleur, M. Picard n’hésite pas à créer lui-même les équipements dont il a besoin pour ses projets. "Je suis très manuel, donc quand j’ai une idée, je suis capable de la réaliser. J’ai fabriqué ma table d’insolation moi-même. C’est un outil qui permet de cuire l’enduit que tu mets sur les soies pour faire le film pour sérigraphier. J’ai conçu mes meubles de travail. Je taille mes pinceaux. J’ai confectionné mon armoire de séchage avec une boîte de carton de frigo dans laquelle j’ai mis des 2X2 pour placer mes soies et une ancienne couverture d’entraînement de mon fils pour la couvrir. Ça marche tempête ! On n’est pas obligé d’avoir une Rolls Royce quand une Lada fait très bien l’affaire. Ça ne m’empêche pas non plus d’acheter un outil neuf et de le transformer selon mes besoins", évoque-t-il.
Pascal Picard considère que ce côté manuel, alliée avec sa créativité, est sa plus grande force. "C’est avec le temps, en démontant les choses, que j’ai appris à fabriquer des objets. Aujourd’hui, c’est encore plus facile avec Internet et YouTube", soutient-il.
Selon lui, cette façon de faire combine les deux aspects de l’art, soit celui de l’artisan (le travail technique) et celui de l’artiste conceptuel (où l’idée et le concept de l’œuvre priment sur sa réalisation). "C’est de l’art aussi, inventer des choses, de patenter un équipement. Tout le temps que je mets là-dedans, ça vaut autant pour moi que celui passé à faire une œuvre. Pour moi, la technique et la démarche sont indissociables", conclut-il.
Mentionnons qu’outre son exposition au CNE, M. Picard sera prochainement en résidence au Village historique acadien près de Caraquet, au Nouveau-Brunswick. Il a fait également partie des cinq artistes sélectionnés pour une exposition à l’Atelier Presse-Papier de Trois-Rivières en mai 2025.