Auteur

Maxime Hébert-Lévesque

N.D.L.R. : Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : « Mashteuiatsh, une force à découvrir ! » publié dans notre édition du mois de janvier.

MASHTEUIASTSH – Deux ans après son implantation, Écofaune Boréale, le Centre collégial de transfert de technologie (CCTT) installé à Mashteuiatsh, amorce maintenant ses premiers projets. Sa mission : pousser l’innovation dans le secteur de la fourrure nordique et du cuir afin de créer de la valeur. Une tâche complexe qui demande beaucoup de travail et nécessite une importante collaboration entre les communautés autochtones et allochtones.

Aujourd’hui, l’équipe composée de huit chercheurs comprenant des biologistes et des chimistes dédiés à accompagner les communautés issues des Premières Nations (PN) et les entreprises privées du secteur de la fourrure, Écofaune Boréale débute doucement, mais sûrement ses activités.

« La première année a été consacrée à l’implantation du Centre. Nous avons également travaillé à créer des liens avec les différents acteurs et nous avons monté un plan pour aller chercher du financement. La deuxième année a été de s’entendre avec cinq entreprises privées réparties dans plusieurs régions du Québec afin de démarrer des projets de recherche. Cela nous a permis d’obtenir 700 000 $ sous forme d’équipements », confie Louis Gagné, gestionnaire administratif d’Écofaune Boréale.

L’objectif pour 2021 sera de livrer les premiers projets. Tenu au silence par des accords de confidentialité, l’homme mentionne toutefois que les travaux sont orientés sur du développement de procédés. « Nous analysons tous les processus de tannage. Par exemple, il y a une méthode traditionnelle et autochtone qui consiste à boucaner les peaux pour en faire du cuir. C’est un procédé qui a fait ses preuves, mais qui exige beaucoup d’effort physique. Nous travaillons à réduire l’énergie dépensée pour obtenir le même résultat », souligne M. Gagné, qui ajoute que la demande pour dispenser de la formation se multiplie et qu’il serait envisagé de donner des cours en lien avec la traite de la peau et de la fourrure.

Reprendre du poil de la bête

« L’industrie de la fourrure au Canada a été délaissée. Bien sûr, les mouvements végans et anti-fourrures ont contribué à ternir l’image de ce secteur, mais ils ne sont pas les seuls à blâmer. Avant l’ouverture du CCTT, il n’y avait aucune institution de recherche ou d’enseignement dédié au travail des peaux et des cuirs. Les gens se transmettent le savoir de génération en génération ou ils développent des techniques maison », souligne Louis Gagné qui précise que la faiblesse de l’encadrement a contribué, entre autres, à donner mauvaise presse à tout un secteur d’activité.

Le manque d’ententes commerciales entre les trappeurs et les fabricants de vêtements dans l’industrie de la fourrure sauvage ont ouvert la porte du marché aux grandes fermes européennes d’élevage d’animaux à fourrures. Celles-ci produisent en masse et il est difficile pour les joueurs indépendants de rivaliser avec ces entreprises. Ce sont d’ailleurs ces établissements de production d’animaux qui font mal paraître l’industrie puisqu’ils sont souvent pointés du doigt et critiqués par les groupes de protections de la faune, notamment pour le traitement qu’ils réservent à leurs bêtes.

« Notre CCTT se donne pour mission de jouer un rôle d’éducation au sein de la population. Nous travaillons à donner des arguments pour démontrer que l’industrie de la fourrure sauvage a toujours sa place en 2021. Il est important de préciser que le créneau que nous exploitons ne ressemble en rien aux fermes d’élevage. C’est une industrie qui prône l’économie locale, la durabilité et le partenariat avec les PN. C’est un secteur d’activité qui s’appuie sur l’un des meilleurs systèmes de gestion de la faune au monde et qui prône une éthique de trappe sans souffrance pour les bêtes. »

Une industrie plus verte

L’industrie du textile est réputée très polluante. Certaines sources avancent même qu’elle serait la deuxième plus grande source d’émanation de CO2 au monde. Les recherches effectuées par Écofaune boréale visent à réduire l’empreinte écologique lors du tannage et de la préparation des peaux. « Réduire l’utilisation de produits chimiques est une façon de rendre le processus plus écoresponsable, mais aussi de redorer l’image de notre secteur. Les communautés issues des PN sont enthousiastes à relancer cette industrie, mais la réussite passe, entre autres, par l’acceptabilité sociale. » En plus d’atténuer l’impact environnemental, la mise en place d’une économie circulaire est souhaitable. Un principe qui est toutefois assez naturel dans l’univers de la traite de la fourrure. « Avant d’être une profession, la trappe, c’est un mode de vie. L’action initiale, c’est la chasse, la peau est ensuite tannée. Chaque partie de l’animal est donc utilisée. Nous sommes sur un projet de valorisation de la peau d’orignal. Développer un cuir avec cette matière pourrait contribuer à rendre cette chasse encore plus profitable et acceptable », conclut Louis Gagné.

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