Auteur

Karine Boivin Forcier

N.D.L.R. Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : « La forêt, ADN du Saguenay-Lac-Saint-Jean » publié dans notre édition du mois d’avril.

Monsieur Villeneuve explique ces différences de perspective à l’aide d’un exemple. Il rappelle d’abord que, selon l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture, il n’existe pas de déforestation au Canada (moins d’un centième d’un pour cent), puisque les coupes forestières avec régénération de la forêt n’entrent pas dans cette catégorie.

« Cependant, pour un homme qui a un chalet autour duquel il y a une coupe forestière, c’est de la déforestation. Il y avait une forêt et là, il n’y en a plus ! Les 10 prochaines années, il va être devant un territoire qui a perdu sa fonction esthétique. Trente ans plus tard, il sera devant une forêt jeune, qui va peut-être avoir plus de faune ou avoir retrouvé ses fonctions écologiques. Cependant, la période qui l’intéresse, s’il a 50 ans par exemple, ce sont les 10 prochaines années », illustre-t-il.

Débats de valeurs

On se retrouve donc avec deux visions complètement différentes d’une même situation. « Ces éléments-là font que les débats autour de l’exploitation forestière sont très souvent des débats où on ne s’obstine pas sur les vraies affaires en termes écologiques. On se bat plutôt sur des choses au niveau des valeurs et des préférences, et il faut les respecter, mais aussi au niveau des commodités. »

Pour qu’un vrai débat puisse prendre place, il faut donc, selon le professeur, adopter une vision plus systémique de la forêt et avoir l’humilité de distinguer une préférence d’un besoin. « C’est pour ça qu’un dialogue est absolument nécessaire. Quand on fait des tables de gestion intégrée des ressources, par exemple, ce sont des outils de dialogue entre les utilisateurs de la forêt, les entreprises qui ont des droits sur la coupe forestière, le ministère, etc. »

Les bonnes perspectives

Le directeur de la Chaire en écoconseil estime qu’en matière d’exploitation forestière, la façon dont les médias traitent les différentes opinions à un impact sur la perception qu’ont les gens de l’industrie. Actuellement, Claude Villeneuve croit que cette couverture laisse une grande place aux opinions et aux images. « La culture scientifique générale de la population est très faible, donc on accepte mieux les images que les faits. Pour revenir à L’Erreur boréale, on a montré des territoires complètement dévastés et aujourd’hui, ce sont des forêts. »

Il importe, selon M. Villeneuve, d’obtenir les bonnes perspectives et échelles de temps pour comprendre les impacts. « Couper un arbre, c’est une catastrophe pour l’arbre. Mais pour la forêt, ce n’est pas nécessairement une catastrophe. Selon le type de forêt, ça peut créer des trouées qui vont permettre de le remplacer par des pousses plus jeunes », assure-t-il.

Les différents types de forêts réagissent différemment aux perturbations et il faut éviter de les confondre. « Quand on parle de forêt primaire, par exemple, c’est une forêt qui n’a pas été exploitée. Elle peut toutefois être jeune, après une perturbation naturelle comme un feu […] Dans la forêt boréale, il n’y a rien qui ressemble plus à une forêt primaire qu’une forêt qui a été exploitée il y a 80 ans. La seule différence, c’est que dans la forêt exploitée, il y a des souches qui n’ont pas encore fini de se décomposer. En revanche, ce n’est pas vrai dans la forêt tropicale ou dans une érablière du sud du Québec. Il y a des choses qui ne sont pas appropriées en forêt tropicale, mais qui le sont en forêt boréale. Mais souvent, on ne la fait pas, cette distinction, quand on communique. »

Les éléments scientifiques à prendre en compte sont complexes. « Les films ou les émissions de télévision vont souvent poser le débat dans une forme qui ne tient pas compte de la complexité, et c’est là qu’on va se battre sur des valeurs, ce qui n’est pas constructif », conclut le professeur.

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