Auteur

Maxime Hébert-Lévesque

N.D.L.R. : Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : « La main d'oeuvre, la clé de notre prospérité » publié dans notre édition du mois d'août.

SAGUENAY–LAC-SAINT-JEAN – La pandémie de COVID-19 et plus spécifiquement les mesures de confinement ont poussé de nombreuses entreprises à recourir au télétravail afin de poursuivre leurs activités. Une solution ingénieuse, mais qui constitue un flou juridique pour ce qui est, entre autres, du contrat de travail et des normes concernant la sécurité.

Au moment de l’annonce des mesures de confinement, au mois de mars, les entreprises disposants de moyens techniques ont été encouragées par le gouvernement à opter pour le télétravail. Une solution simple et efficace qui, dans la plupart des cas, n’a pas engendré de coûts supplémentaires. De nombreuses firmes ont vu par ce moyen une façon d’éviter l’arrêt complet de leurs activités.

Selon un sondage de la firme Léger, 50 % des Canadiens étaient en télétravail à la fin de mois d’avril. Le CPQ a donc été sollicité, ce printemps, par de nombreux membres qui se demandaient quelles approches avoir et qu’est-ce que le télétravail pouvait signifier en termes d’enjeux sur le plan juridique. Parce que s’il est vrai que ce fonctionnement peut présenter plusieurs avantages, il vient aussi avec de nombreuses zones grises entourant la réalisation du travail et la prévention et sécurité des travailleurs.

Repenser et redéfinir le travail

On dit souvent qu’une année dans l’univers de l’informatique équivaut à plusieurs années partout ailleurs et on peut le constater avec notre système de lois qui peine à suivre tous les changements causés par la transformation numérique. « Le télétravail est considéré comme atypique, pour le moment, puisque c’est une nouvelle forme qui n’est pas couverte par la loi sur les normes du travail, le Code du travail et le Code civil, explique Me Karolyne Gagnon, Vice-présidente au Travail et affaires juridiques et Secrétaire générale au CPQ ».

Le monde du travail est appelé à changer puisque le phénomène du télétravail n’est pas près de s’essouffler. Dans un sondage mené par la firme VMWare Canada en juin 2020, 62 % des Québécois affirment souhaiter dans l’avenir travailler plus souvent de la maison et seulement 8 % des répondants disent vouloir travailler uniquement à l’établissement de l’employeur. D’ailleurs Éric Lallier, avocat associé chez Norton Rose Fulbright, n’hésite pas à qualifier la tendance comme étant le « nouveau paradigme du télétravail ». La COVID-19 aura été un accélérateur certes, mais pas la cause de cet engouement. La conciliation travail-famille et le désir d’une plus grande autonomie au travail sont des considérations importantes pour la nouvelle génération de travailleur et le télétravail est probablement la solution à ces préoccupations.

La communication doit être au cœur de l’embauche

« Ce que nous venons de vivre est particulier et exceptionnel. Puisqu’il n’y a eu aucune réorganisation au niveau des contrats de travail. Plusieurs personnes sont parties en télétravail sans renégocier leurs conditions. Normalement, lorsque le lieu d’embauche change ou qu’il y a une modification sur la manière d’effectuer le travail, il faut revoir l’entente entre l’employé et l’employeur », explique Me Gagnon.

À l’avenir, la communication sera donc au cœur du processus d’embauche puisque le gestionnaire devra bien définir sa vision et ce qu’il entend par travail à distance. D’ailleurs, le CPQ travaille présentement à l’élaboration d’une feuille de route comportant tous les points et toutes les modalités qui devraient se retrouver dans un contrat de télétravail.

Les enjeux

Dans une relation de travail à distance, il y a deux grands éléments à prendre en compte : le lieu et la surveillance. L’emplacement où les tâches seront effectuées doit être spécifiquement identifié. Selon l’article 51 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail, l’employeur doit prendre les mesures nécessaires pour protéger la santé et l’intégrité du travailleur. Cela signifie qu’autant à la maison qu’au bureau, l’employé doit jouir, entre autres, d’un espace ergonomique pour sa posture. « Lors de la pandémie, quelques employeurs ont demandé à leurs travailleurs de venir chercher leur chaise de bureau pour les ramener à la maison. » La vision du salarié travaillant dans un café le matin et ensuite à sa maison de campagne l’après-midi ne colle donc pas avec la réalité. « Tout est une question de sécurité et d’indemnisation si quelqu’un se blesse lors des heures de travail. L’employeur doit s’assurer que le travailleur réalise ses tâches sans risque pour sa santé ».

Pour ce qui est de la surveillance, il doit être facile pour le gestionnaire de s’assurer que l’employé effectue ses heures, mais aussi qu’il travaille dans les périodes prescrites. Au-delà de la relation de confiance, il est essentiel pour un chargé de projet de connaitre l’horaire et le travail de chaque membre de son équipe. « Lors des heures de travail, l’employeur peut exiger l’installation de logiciel de surveillance sur les ordinateurs. Toutefois, cette disposition doit être mentionnée dans le contrat de travail au moment de l’embauche et elle ne doit pas être abusive. » En définissant bien les heures de travail, le lieu ainsi que les méthodes et les canaux de communications, l’employeur et l’employé s’assurent d’instaurer une bonne relation de travail tout en évitant d’empiéter sur des principes comme le Droit à la déconnexion et le Droit à la vie privée.

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