Auteur

Karine Boivin Forcier

SAGUENAY – La commission du Bureau d’audience publique sur l’environnement (BAPE) sur le projet de construction d’un complexe de liquéfaction de gaz naturel à Saguenay par GNL Québec « n’a pas été en mesure de se prononcer sur l’acceptabilité sociale à l’égard du projet, même si globalement, selon l’analyse qu’elle en a faite, la somme des risques afférents au projet dépasse celle de ses avantages », en raison du débat très polarisé, après des consultations ayant suscité la plus forte participation citoyenne de l’histoire du BAPE. Les conclusions apparaissent donc très mitigées.

Le BAPE constate l’absence de points de convergence entre les positions exprimées et la difficulté d’établir une zone de compromis acceptable de part et d’autre. Le débat se trouve ainsi fortement polarisé et la commission est d’avis que ce clivage sociétal observé risque de perdurer, peu importe la décision du gouvernement à l’égard du projet. Elle suggère qu’un suivi devrait être envisagé par les autorités publiques.

Le BAPE a aussi pu constater les efforts de diversification économique déployés par les autorités du milieu, alors que de nombreux résidents et représentants locaux voient dans le projet d’usine de liquéfaction du gaz naturel une occasion de diversification et de développement économique. La commission considère que des retombées économiques importantes seront générées pour la région d’accueil et le Québec au cours de la phase de construction, mais que les retombées les plus importantes de celle d’exploitation se manifesteraient dans l’industrie de production du gaz de l’Ouest canadien.

En matière d’environnement, la commission considère que la mise en place de nouvelles infrastructures d’échange de GNL pourrait constituer un frein à la transition énergétique sur les marchés visés par le projet. La commission constate que l’utilisation de l’électricité réduirait l’empreinte des activités de liquéfaction de GNLQ, mais ne se dit pas en mesure de confirmer le bilan positif prévu par le promoteur, puisqu’elle ne peut évaluer les émissions de GES associées à l’approvisionnement en gaz naturel en amont et la substitution incertaine à des énergies plus polluantes en aval. Selon les commissaires, le projet générerait plutôt un ajout net d’émissions de GES, bien qu'ils ne puissent l’établir de manière précise. La commission est d’avis que le gouvernement devrait considérer les risques associés au trafic maritime sur les mammifères marins qui fréquentent le Saguenay et l’estuaire du Saint-Laurent, notamment le béluga.

Analyse toujours en cours au ministère de l’Environnement

Le ministre de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, ministre responsable de la Lutte contre le racisme et ministre responsable de la région de Laval, Benoit Charette, a pour sa part indiqué qu'il prenait acte de ce rapport et que ce dernier contribuera à l'analyse environnementale qui est toujours en cours au sein de son ministère. Selon les dispositions prévues dans la Loi sur la qualité de l'environnement, le ministre doit attendre que le dossier d'analyse environnementale soit achevé avant de formuler une recommandation au gouvernement. Ce dernier rendra ensuite sa décision d'autoriser ou non le projet par décret. M. Charette devrait faire part de sa recommandation au gouvernement au plus tard d’ici la fin de l’été.

« Nous avons clairement indiqué qu’il revenait aux promoteurs du projet Énergie Saguenay de faire la démonstration que leur projet apporterait une contribution positive à la réduction des émissions mondiales de GES. Nous invitons donc les promoteurs à répondre aux questions soulevées dans le rapport du BAPE et à collaborer à la suite de l’évaluation environnementale », a déclaré le ministre.

Les spécialistes du ministère de l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MELCC), en collaboration avec ceux des autres ministères et organismes concernés, sont toujours en train d'analyser le projet afin de conseiller le ministre sur son acceptabilité environnementale, sur la pertinence de le réaliser ou non et, le cas échéant, sur ses conditions d'autorisation. Le rapport du BAPE, rendu public aujourd'hui, sera pris en compte dans l'analyse environnementale. Celle-ci tiendra compte, notamment, de la raison d'être du projet, de ses enjeux, de ses impacts appréhendés sur le milieu récepteur, de ses émissions de GES et, s'il y a lieu, des mesures d'atténuation et de compensation envisagées.

GNL réagit

De son côté, GNL Québec a exprimé une première remarque suite au rapport du BAPE. « À la première lecture, les avis émis par le BAPE soulèvent des questions légitimes. Nous ne sommes toutefois pas surpris. Il s’agit d’un rapport prudent qui reconnait à la fois les avantages du projet et met en lumière les aspects qui devront faire l’objet de précisions additionnelles. »

Selon les dirigeants de l'entreprise, le BAPE souligne que du travail reste à faire pour confirmer la validité de certains arguments présentés, en particulier au niveau des réductions de GES anticipées. Le rapport dévoilé aujourd’hui est un portrait du projet qui remonte à la deuxième moitié de 2020. Le contexte et le monde continuent d’évoluer et GNL Québec travaillera à répondre aux questionnements contenus dans le rapport. « Nous savons que nous avons des devoirs à faire, mais nous sommes toujours convaincus que notre projet peut faire une différence à l’échelle mondiale et qu’il fait partie d’un ensemble de solutions qui vont permettre au Québec, au Canada et au monde de réussir cette nécessaire lutte contre les changements climatiques. Il s’agit d’une opportunité unique pour le Québec et le Saguenay-Saint-Jean pour diversifier son économie et se positionner sur la scène internationale comme acteur majeur de cette lutte contre les changements climatiques », a ajouté Tony Le Verger, vice-président finances et développement et président par intérim de GNL Québec.

Les représentants de GNL Québec sont encouragés de constater que plusieurs de ses engagements pris au fil des consultations aient été accueillis favorablement par le BAPE, notamment en lien avec :
• L’importance des retombées et opportunités de diversification économique locale
• La sécurité du transport maritime et la protection des mammifères marins
• La carboneutralité et le contrôle des émissions de gaz à effet de serre
• La formation et la qualification de la main-d’oeuvre
• L’approvisionnement local
Le Groupe GNL Sag-Lac a également émis un communiqué afin de réitérer son appui au projet et souligner la reconnaissance des retombées économiques du projet par le BAPE.

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