Auteur

Karine Boivin Forcier

SAGUENAY – Le Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE) a rendu public aujourd’hui son rapport d’enquête et d’audience publique sur le projet de ligne à 735 kV entre les postes Micoua et du Saguenay d’Hydro-Québec. Le rapport est accessible sur le site Web du BAPE.

Les commissaires du BAPE soulignent d’abord que le projet doit faire l’objet d’une décision de la Régie de l’énergie avant sa réalisation et que celle-ci n’était pas encore connue au moment de la rédaction du rapport. Ils affirment qu’idéalement, cette décision devrait être connue avant que le ministre l'Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques donne un mandat d'audience publique au BAPE, permettant ainsi au public et à la commission de bénéficier de l'éclairage offert par la Régie sur les aspects techniques et économiques du projet. Ils rappellent que si la Régie n’autorise pas le projet tel que soumis, cela rendrait inutile le processus entrepris dans le cadre de la Loi sur la qualité de l’environnement.

Quatre enjeux

Le BAPE s’est penché de façon particulière sur quatre enjeux soulevés lors des audiences : les retombées économiques régionales, les démarches de consultation et collaboration avec la communauté Innue, l’impact sur le caribou forestier et les superficies de milieux hydriques ou humides touchés par le projet.

En ce qui a trait aux retombées économiques régionales, Hydro-Québec ne peut faire de l'achat local une condition d'admissibilité aux appels d'offre ni fractionner les contrats, puisque la société d’État est assujettie aux ententes commerciales signées par le Québec et le Canada. Par contre, elle est en train d’évaluer le projet-pilote de sous-traitance régionale réalisé lors du projet de ligne Chamouchouane–Bout-de-l’Île. Cette analyse servirait de base à l’établissement d’une stratégie qui serait mise en place dans le cadre de la réalisation de la ligne Micoua-Saguenay, en collaboration avec les instances économiques des régions concernées.

Le rapport du BAPE établit également que la construction et l’exploitation de la ligne sur des territoires fauniques structurés ne seraient pas incompatibles avec les activités d’exploitation de la faune, mais pourrait avoir des impacts visuels ou sonores. Il recommande qu’Hydro-Québec compense les propriétaires d’entreprises exerçant leurs activités en territoire faunique structuré, dans la mesure où il y a la preuve d’un impact économique lié à la présence de la ligne sur leurs activités.

Les commissaires soulignent la démarche entreprise par l’initiateur du projet auprès des communautés autochtones dont la ligne traverserait le Nitassinan. La commission note qu’Hydro-Québec a mis à contribution l’expertise des trois communautés innues pour la réalisation d’études portant sur l’utilisation du territoire et sur le profil socioéconomique de chacune des communautés et a conclu avec elles des ententes sur les répercussions et avantages (ERA). Si le projet se réalisait, la commission recommande que ces échanges se poursuivent tant pendant la construction que pendant l’exploitation.

Caribou forestier

Le tracé proposé pour la ligne à 735 kV entre les postes Micoua et du Saguenay s’implanterait dans l’aire de répartition de la population de caribou forestier de Pipmuacan qui présente déjà un taux de perturbation élevé. Selon la commission, le principal impact identifié porterait sur l’aspect comportemental, le caribou ayant tendance à éviter la traversée des emprises ainsi que les habitats à proximité. Pour limiter ces impacts, Hydro-Québec propose l’aménagement d’un corridor de connectivité. Si cette mesure est retenue, la commission est d’avis que le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs devrait exclure le corridor de la planification forestière et envisager l’octroi d’un statut de protection afin d’en assurer son intégrité et sa pérennité. Un suivi à long terme, associant l’initiateur et les ministères concernés, devrait également être réalisé afin de documenter son efficacité et de mesurer la réponse comportementale du caribou forestier.

Bien que les superficies de milieux humides et hydriques touchés par la stratégie d’accès ne soient pas encore connues, Hydro-Québec s’est engagée à compenser financièrement celles qui seraient compromises de façon permanente. Pour la commission, les impacts temporaires et permanents sur ces milieux devraient être connus avant l’autorisation du projet.

Rappelons qu'au cours de la première partie de l'audience publique, la commission a tenu 3 séances publiques, dont deux à Saguenay et une à Baie-Comeau. En deuxième partie, une séance publique a permis à la commission d'assister à la présentation de 11 mémoires. Au total, 24 mémoires lui ont été déposés par des personnes, des groupes, des organismes et des municipalités intéressés par ce projet.

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