N.D.L.R. : Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : « Domaine-du-Roy : Fierté, ouverture et audace » publié dans notre édition du mois de janvier.
ROBERVAL – Pour Jean Simard, conseiller senior, secteur industriel et forestier auprès du CLD Domaine-du-Roy, il n’est pas loin le jour où la MRC sera considérée à l’échelle du Québec comme une référence en bioéconomie forestière.
L’homme confirme que son coin de pays possède tous les atouts pour devenir une Vallée de la bioéconomie forestière, soit un pôle provincial en innovation et en production de produits biosourcés, issus de la transformation de la biomasse forestière.
« On a une place et on veut la prendre. Nous voulons devenir le plus important pôle en bioéconomie forestière du Québec », lance le professionnel. L’exploitation de la forêt pour les produits conventionnels, comme le bois d’œuvre ou le papier, continuera d’être un vecteur de richesse au cours des prochaines années pour la MRC, toutefois, les embûches rencontrées par ces secteurs industriels au cours des dernières années incitent les communautés forestières à diversifier leur économie à l’aide de projets innovants et porteurs. Et c’est clairement un objectif que Jean Simard partage avec tous ses collègues du CLD Domaine-du-Roy, qui ont raison d’y croire. Voici pourquoi :
Primeur : Mettre en place un Centre de valorisation de la biomasse forestière
En plus d’être un des plus grands jardins forestiers du Québec, la MRC du Domaine-du-Roy possède en son sein un atout unique. Située dans le parc industriel de Saint-Félicien, où de nombreux terrains sont disponibles, la centrale de cogénération propriété de l’Américaine Greenleaf Power, fonctionnant à la biomasse forestière, recèle un potentiel, qui n’attend que d’être exploité dans sa pleine mesure. Bien sûr il s’agit tout d’abord d’une centrale électrique qui produit quelque 21 mégawatts d’électricité, vendus à Hydro-Québec. Mais c’est aussi une formidable source de chaleur et de vapeur, qui servira à alimenter un incubateur d’entreprise, mis en place au cours des prochains mois, par l’équipe du CLD du Domaine-du-Roy.
Conditionner la biomasse
Au départ, la stratégie des professionnels du CLD était de créer un incubateur pour les entreprises intéressées à développer des projets liés aux produits verts ou biosourcés (huiles essentielles, biocides, produits biologiques de nettoyage industriel, produits médicaux, etc.) principalement à partir de matière ligneuse cellulosique. Mais les consultations menées, notamment auprès d’entrepreneurs potentiels, ont rapidement démontré que la matière ligneuse avait un fort potentiel, mais devait être traitée avant de la rendre disponible pour son intégration dans un processus industriel, notamment pour en faciliter la transformation. (Ex. : broyage et/ou séchage) C’est surtout ce à quoi sera destiné le Centre de valorisation de la biomasse forestière, « Nous voulons donner une valeur ajoutée à notre matière première. (…) Du moment qu’on a commencé à en parler, les promoteurs ont frappé à la porte », confie Jean Simard concernant la création du CVBF.
Potentiel mondial de 70 G$
Selon le conseiller, le potentiel mondial actuel des produits biosourcés, ou dits de chimie verte, est de quelque 70 G$ et profiterait d’une croissance annuelle de 12 %. Jean Simard précise que plusieurs projets de fabrication de produits biosourcés sont à l’étude ou en phase de l’être, par des promoteurs locaux ou hors de la région et que ceux-ci pourront vraisemblablement profiter de cet engouement, avec l’arrivée du CVBF dans la MRC du Domaine-du-Roy. Il explique que ces projets ont été développés avec la participation d’entreprises, mais également de partenaires stratégiques tels que le Centre d’innovation des produits cellulosique Innofibre (Cégep de Trois-Rivières) et l’UQAC.
À titre d’exemple il cite les projets au fort potentiel tel que celui de BoréA, qui fabrique des huiles essentielles à partir d’épinette noire dans ses installations de Chapais, celui d’Axcelon Biopolymers, qui a développé un brevet pour la fabrication des pansements, constitués de nanocellulose bactérienne, ainsi que celui de la création d’un biocide pour le traitement des maladies de la pomme
de terre.
Et le biocharbon?
Jean Simard confirme aussi que la Vitrine technologique en biochar et bioproduits d’Agrinova (VTBB) souvent appelé projet Biochar Boréalis est dorénavant complètement en mode opération. Depuis la fine de 2019, ce centre de valorisation de la biomasse forestière, installée dans le parc industriel de Mashteuiatsh, et dont la configuration est unique en Amérique du Nord, assure déjà le développement d’une quinzaine de projets de recherche sur le biocharbon et ses dérivés.
Un débouché pour les copeaux
Rappelons que la VTBB est issue de la volonté de partenaires régionaux (Agrinova, Alliance bois, Biochar Boréalis MRC du Domaine-du-Roy Mashteuiatsh) qui désiraient trouver des débouchés pour les surplus de copeaux par les scieries de la région. L’objectif était surtout de créer les meilleures conditions possibles en R&D pour développer des produits de biochar, susceptibles d’intéresser des investisseurs à lancer de nouvelles entreprises.
Amalgame technologique unique
Ce qui distingue la Vitrine technologique en biochar et bioproduits d’Agrinova, c’est principalement la combinaison des équipements installés et leur complémentarité. En fait deux plateaux de pyrolyse sont disponibles pour les projets de recherche. Une unité à petit volume, qui peut recevoir environ 60 kg à l’heure (Le BGR-130) dont l’utilité est de tester les recettes, concoctées à partir de quelque huit variétés de copeaux issus d’essences de matière ligneuse de la forêt boréale. L’autre plateau (Le BGR-600) qui pourra traiter 800 kg de matière à l’heure permettra de soumettre à des conditions dites pré commerciales, les formules les plus prometteuses développées à échelle réduite. Autour de ces deux unités, de nombreux équipements serviront au conditionnement de la matière végétale, avant son traitement en pyrolyseur.
Le biochar et ses utilisations
Il s’agit en fait d’un charbon naturel de source végétale, produit par un procédé connu sous le nom de pyrolyse ou thermolyse. En résumé, la matière première, à titre d’exemple des copeaux de bois provenant d’une scierie, est chauffée à une température élevée (400 °C à 800 °C) sous pression contrôlée, dans un cylindre fermé et exempt d’oxygène, durant une période déterminée. Il en résulte trois produits : le biocharbon, sous forme solide (Il présente l’aspect à du charbon de bois en poudre), de l’huile pyrolytique et du syngas.
Depuis 2017 les chercheurs d’Agrinova, qui est le Centre collégial de transfert de technologie (CCTT) en agriculture du Cégep d’Alma, ont travaillé en collaboration avec le partenaire et fournisseur de la technologie de pyrolyse Etia en France, pour « qualifier » huit essences de matière ligneuse de la forêt boréale et connaître leur potentiel pour la production de biochar. Parallèlement les spécialistes d’Agrinova ont aussi commencé une période intensive de recherche sur le biocharbon qui, mélangé à des terreaux, offre des caractéristiques exceptionnelles pour la culture. Certaines recettes permettent une économie substantielle des volumes d’eau nécessaires à la production.
Par ailleurs, il faut savoir que la transformation de 30 tonnes de copeaux de bois donne 10 tonnes de biochar, 10 tonnes d’huile et 10 tonnes de syngaz. Chaque composante a son utilité. Pour sa part, le biocharbon peut être utilisé à de multiples fins, notamment comme composante d’un amendement du sol en horticulture, production en serre, arboriculture et revégétalisation. Autre application d’intérêt, le biocharbon végétal peut être substitué au charbon fossile utilisé dans la production de divers types de filtres actuellement sur le marché.
Dans le cas de l’huile pyrolytique, qui contient de nombreux composés chimiques, celle-ci peut servir notamment dans la production de vinaigre de bois de produits antiseptiques, d’antifongique, de pesticides et aussi de « fumées liquides », utilisés pour parfumer les aliments destinés à la consommation humaine. Le syngaz possède un certain potentiel de valorisation énergétique, mais le volume généré par les installations de Mashteuiatsh ne sera pas suffisamment constant pour alimenter un projet de recherche, selon Carl Bouchard.
Vivre dans le plus grand territoire forestier du Québec
La région du Saguenay–Lac-Saint-Jean et, principalement la MRC du Domaine-du-Roy, est une région ressource où l’industrie forestière est au cœur du développement depuis de nombreuses années. Les retombées économiques de la culture et de l’exploitation de cette ressource, qui est renouvelable et qui contribue à réduire les gaz à effet de serre, sont importantes pour l’économie de notre territoire.
C’est plus de 150 entreprises qui évoluent autour de la première, deuxième et troisième transformation de cette industrie, qui procure plus de 2 000 emplois. L’utilisation de la biomasse forestière pour la production énergétique, la production de granules, de bois d’apparence et d’ingénierie ainsi que la production de produits forestiers non ligneux occupent également une partie importante de notre économie.
Bénéficiant de l’un des plus grands territoires forestiers du Québec et forte de l’expertise et du savoir-faire développés par les entreprises du secteur forestier, la MRC du Domaine-du-Roy a tous les atouts nécessaires pour accueillir des projets novateurs dans les nouvelles filières en développement tel que la bioéconomie. D’ailleurs, notre territoire se positionne avantageusement pour devenir un pôle majeur de développement de cette filière.
Conscients de l’urgence de développer des modèles d’affaires alternatifs qui valorisent l’ensemble des ressources du milieu forestier, nous misons sur le remplacement graduel des produits fossiles par les bioproduits. À titre d’exemple, mentionnons le développement de la filière du biocharbon en partenariat avec la communauté de Mashteuiatsh qui prend assise dans Biochar Boréalis, une vitrine technologique de développement de biochar et des bioproduits à partir de biomasse forestière.