Auteur

Karine Boivin Forcier

NDLR: Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique sur l’industrie forestière publié dans notre édition du mois d’avril.

ROBERVAL – Lorsqu’on parle de la gestion de la forêt québécoise, le calcul de la possibilité forestière est devenu un incontournable. Ce travail essentiel est sous la responsabilité directe du Forestier en chef, Louis Pelletier, et de son équipe d’une cinquantaine de professionnels. Ces analystes, d’un grand niveau de compétence, selon leur patron, prennent en compte plusieurs enjeux qui sont spécifiques à chaque région.

La possibilité forestière correspond au volume maximal qu’on peut récolter annuellement sans mettre en jeu la pérennité de la ressource. « Ça prend plusieurs notions pour faire ces calculs. Nos chiffres sont basés sur les connaissances. […] On se base l’inventaire écoforestier du Québec méridional, les modèles de croissance qui proviennent de la direction de la recherche forestière et la stratégie d’aménagement du ministère, et on entre ça dans notre grande banque de données », indique M. Pelletier.

Cet ingénieur forestier, qui dirige, depuis Roberval, quinze bureaux répartis dans différentes régions du Québec, précise que les changements climatiques, l’évolution de la structure des peuplements dans le temps, les essences qui les composent et les différentes utilités de la forêt (activités traditionnelles autochtones, sentiers de randonnées, chasse, pêche et villégiature, etc.) sont aussi pris en compte dans les calculs.

Prévisions quinquennales

La possibilité forestière est déterminée pour une période de cinq ans (la période en cours s’étale de 2018-2023) et le bureau du Forestier en chef doit dévoiler ses résultats deux ans avant le début d’une nouvelle période quinquennale. Les calculs pour le prochain intervalle sont donc en cours et les résultats seront publiés en 2021. Toutefois, si un évènement majeur avait lieu, par exemple un feu important qui détruit une grande superficie de forêt, il pourrait effectuer de nouveaux calculs et diminuer la possibilité forestière dans une région donnée. « L’objectif, c’est vraiment le maintien de la ressource », affirme-t-il.

Une fois la possibilité forestière déterminée, en mètres cubes bruts, le Forestier en chef remet les informations au ministère de la Forêt, de la Faune et des Parcs (MFFP), qui les transformera en mètres cubes nets. Le ministère déterminera alors le volume à octroyer à chaque producteur présent dans cette industrie.

Indépendance et transparence

L’indépendance du bureau du Forestier en chef est un pilier de son mandat. « Lorsque nous faisons nos calculs, aucune ingérence de tierces parties ne vient toucher à nos calculs. C’est primordial. Par ailleurs, nous nous devons de rendre publics nos motifs, afin d’avoir une transparence sur notre décision », souligne Louis Pelletier. C’est la raison pour laquelle le bureau du Forestier en chef gère et alimente son propre portail web, où sont diffusés des fiches thématiques sur les différents enjeux qui touchent la possibilité forestière, de même que les éléments qui motivent les décisions liées à ces calculs et d’autres informations pertinentes.

Au Saguenay–Lac-Saint-Jean

Pour 2018-2023, la possibilité forestière établie pour le Saguenay–Lac-Saint-Jean est de 7 216 700 mètres cubes, dont 5,75 millions en résineux. Parmi les enjeux régionaux qui ont été pris en compte dans les calculs, on retrouve l’épidémie de tordeuse des bourgeons de l’épinette (TBE) et le caribou forestier. « Une des recommandations que nous avons faites est de mettre en place une stratégie d’aménagement permettant de récolter les peuplements les plus vulnérables à la TBE. […] Pour 2021, on va voir comment la forêt se comporte, mais on va certainement en tenir compte également », explique M. Pelletier.

Caribous et climat

Du côté du caribou forestier, des éléments ont déjà été pris en compte pour la possibilité forestière actuelle. Le ministre ayant annoncé un nouveau plan d’action récemment, lorsque le gouvernement l’aura rédigé, il le soumettra au Forestier en chef afin qu’il en évalue les impacts sur la possibilité forestière. Autre élément que Louis Pelletier et son équipe considèrent dans leurs calculs : les changements climatiques. « On se doit d’en tenir compte. Ça nous touche tous. […] Les feux, les insectes, les épidémies… ça prend une marge de manœuvre pour affronter ces changements. On regarde comment gérer ces risques-là », croit-il.

C’est pourquoi le Forestier en chef a recommandé, fin 2017, que le Québec utilise la forêt et la production de bois pour lutter contre les changements climatiques. « En produisant plus de bois, on séquestre plus de carbone. En intensifiant l’aménagement forestier, on augmente la possibilité forestière et on séquestre plus de carbone. Utiliser le bois [en construction ou dans des meubles, par exemple NDLR] séquestre le carbone dans le temps », estime-t-il. Il croit qu’en investissant davantage dans ce secteur, dans le respect de l’aménagement durable des forêts, on se donne non seulement les moyens de contribuer à diminuer les gaz à effet de serre, mais aussi de se doter d’une marge de manœuvre devant les effets potentiels des changements climatiques.

Aménager la forêt

Louis Pelletier indique que, de plus, les strates de forêt aménagée présentent une meilleure productivité par rapport à celles naturelles. « Par exemple, 50 % du bois va provenir de 15 % de la superficie. Une forêt bien aménagée amène un rendement supérieur. Actuellement, on aménage, mais on pourrait aménager plus, surtout lorsqu’on voit l’apport de la forêt devant les changements climatiques », conclut-il, ajoutant que cette façon de faire crée aussi de l’emploi et des retombées en région.

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