Auteur

Karine Boivin Forcier

N.D.L.R. Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : Le secteur forestier en changement, publié dans notre édition du mois d'avril.

SAGUENAY – L’industrie forestière émet relativement peu de gaz à effet de serre (GES), alors que la majorité de l’énergie qu’elle consomme est renouvelable comme l’hydroélectricité et la biomasse. Selon Jean-François Boucher, professeur en éco-conseil à l’Université du Québec à Chicoutimi, les résidus de cette industrie lui servent de source d’énergie de façon assez importante, ce qui lui confère une position particulière dans l’échiquier québécois.

« L’État de l’énergie au Québec de la Chaire de gestion du secteur de l’énergie des HEC Montréal nous indique que la consommation d’énergie du domaine des pâtes et papiers et scieries est considérable, mais en grande partie fournie par l’hydroélectricité et la biomasse. Environ 10 % seulement proviennent du gaz naturel », explique-t-il.

La plus grande piste d’amélioration possible pour l’industrie serait de remplacer le gaz naturel par d’autres sources d’énergie, ou encore d’y substituer du gaz naturel renouvelable (GNR). Les entreprises forestières peuvent faire des efforts à l’interne, comme convertir leurs chaudières à la biomasse. Il existe toutefois des enjeux techniques, d’approvisionnement et d’efficacité.

GNR

« Il y a des freins à ça. Ça ne va pas très vite pour l’instant. Il y a une question de coûts et d’approvisionnement, mais ça va servir à toutes les industries », souligne M. Boucher.

Il précise qu’en théorie, il suffit de fabriquer le GNR à partir de biomasse (déchets, résidus agricoles et forestiers, etc.) par la biométhanisation, puis de l’injecter dans le tuyau le plus proche. Cependant, la réalité n’est pas si simple. « Si le gazoduc ne passe pas à côté du lieu de production, il faut transporter le gaz. Par camion, ce n’est pas cohérent. La solution évidente serait de construire les conduites depuis les sites jusqu’aux canalisations principales, mais Énergir ne prend pas à son compte cette connexion. Ce sont des investissements immenses pour les promoteurs et ça empêche les projets de se développer. On se rappelle que les sources de biomasse les plus importantes sont forestières et agricoles. Souvent, elles ne sont pas à proximité des gazoducs », estime le professeur.

Biocarburants

Selon Jean-François Boucher, la machinerie et le transport liés à l’industrie forestière représentent un très faible pourcentage des GES générés au Québec. Toutefois, une voie d’avenir dans ce domaine pourrait être la production, à proximité de la source de biomasse, soit les résidus forestiers, des bioraffineries qui pourraient la convertir en biohuiles.

« Celles-ci pourraient être raffinées à nouveau par la suite. La première transformation à proximité de la ressource vient condenser l’énergie et donc diminuer l’équation économique rattachée au transport. Cela génère en même temps moins de GES que de transporter la matière première, humide et peu dense en carbone, sur une longue distance », indique-t-il.

Si cette idée, qui demeure à développer, se concrétisait, il pourrait y avoir un approvisionnement en biodiesel des transporteurs en forêt. « On éviterait alors les émissions liées aux gros camions. Ça, c’est le rêve », affirme le professeur.

Biosolides

Un autre point d’amélioration pour l’industrie concerne les biosolides de papetières. Ces résidus sont généralement enfouis et génèrent ainsi des GES, précise M. Boucher. Selon l’Inventaire québécois des émissions de gaz à effet de serre en 2021 et leur évolution depuis 1990, le secteur des matières résiduelles a produit 5,2 % des émissions totales de GES au Québec en 2021, soit 4,0 millions de tonnes (Mt) d’équivalent CO2. L’enfouissement des matières résiduelles municipales en est le principal responsable, avec à lui seul de 81,0 % des émissions de ce secteur en 2021, soit 3,3 Mt éq. CO2. En comparaison, les émissions attribuables à l’enfouissement des résidus des usines de pâtes et papiers dans les lieux qui leur sont réservés causent 2,1 % (0,09 Mt éq. CO2) des émissions du domaine des matières résiduelles.

Jean-François Boucher rappelle que l’industrie continue à travailler sur différentes façons de valoriser les biosolides. « Je pense qu’ils seront de moins en moins une source d’émissions et de plus en plus un coproduit. Il y a un potentiel », assure-t-il.

La plus grande capacité de réduction de GES de l’industrie forestière, selon lui, demeure toutefois ce qui se passe en forêt. « Il faut se pencher sur la façon d’augmenter la séquestration de carbone de la forêt. Ça permettrait d’atténuer beaucoup plus que ce que produit cette industrie et même les émissions d’autres secteurs », conclut-il.

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