SAGUENAY – L’inoccupation commerciale serait une problématique d’urbanisme plutôt qu’économique, selon Christian-Pierre Côté, président de la firme Côté Mercier Conseil immobilier. L’homme d’affaires s’exprime à la suite de l’analyse de son étude portant sur l’occupation commerciale au Saguenay–Lac-Saint-Jean (SLSJ).
« Si la moyenne d’inoccupation des espaces commerciaux est à 6 % pour l’ensemble de la province, le SLSJ se situe plutôt autour de 8 %. L’est du Québec a toujours été plus “vacant” que l’ouest, principalement pour des raisons démographiques, mais le cas du pays des bleuets est particulier. Si la pandémie peut expliquer en partie cette situation, ce n’est pas la seule cause », précise Christian-Pierre Côté qui a dirigé dernièrement l’Étude sur l’inoccupation et la vacance au niveau des commerces sur rue 2021.
Les rues Sacré-Cœur à Alma, Saint-Dominique à Jonquière et Racine à Chicoutimi sont toutes des artères commerciales symboliques de nos centres-villes. De nombreuses entreprises se sont succédé dans les locaux de ces rues, participant au dynamisme de nos centres urbains. Toutefois, au lendemain de la pandémie, force est de constater que de plus en plus d’espaces demeurent aujourd’hui vacants.
Innocenter la COVID
Les mesures de confinement de 2020 ont forcé des milliers de commerces jugés non essentiels à mettre sur pause leurs opérations. Une situation malheureusement qui a sonné le glas pour plusieurs PME.
« La pandémie est venue affecter l’ensemble des régions ajoutant ici et là deux à trois points de pourcentage sur le taux d’inoccupation. Toutefois, on observe que la situation a été temporaire puisqu’une majorité des municipalités québécoises sont revenues au même niveau qu’en 2019, sauf le Saguenay–Lac-Saint-Jean. Dans la région, il y a deux ans, le taux d’inoccupation était autour de 6 %, il a grimpé à plus de 7 % l’an passé et il est demeuré le même pour 2021. »
Selon les observations de M. Côté, la pandémie n’a donc pas aidé, mais elle n’est pas la seule coupable. Un autre phénomène provoque l’exode des commerçants hors des artères des centres-villes : l’accessibilité.
Un pôle en déplacement
Toujours selon l’étude, la rue Saint-Dominique à Jonquière est l’endroit dans la région qui affiche le plus haut taux d’inoccupation suivi par la rue Racine. On constate également que la situation au Lac-Saint-Jean est moins problématique, les Jeannois étant peut-être plus attachés à leurs centres-villes que les Saguenéens. « Si le centre de Chicoutimi se fait bouder par les consommateurs, le boulevard Talbot, quant à lui, se porte à merveille. Il affiche un taux de 5 % d’inoccupation, le plus faible de la région, et de nombreux projets de construction se dessinent autour. »
Ce déplacement du pôle économique serait causé par un manque d’accessibilité et une faible densité de population dans les centres. « Pour que les commerces de proximité survivent, ça prend justement de la proximité. Il y aurait un effort d’urbanisme à faire à Ville Saguenay pour augmenter l’offre d’habitation près des centres et prévoir des solutions pour y améliorer la mobilité. »
Des défis à venir
En effet, l’économie ne semble pas être un facteur expliquant les commerces vacants dans les centres-villes, la vivacité du boulevard Talbot réfute l’hypothèse. Les préférences des consommateurs pour la mobilité, l’accessibilité et la rapidité de circulation en seraient plutôt des causes possibles. Il est aussi à noter, bien que l’étude ne le présente pas, que le vieillissement de la population pourrait être une conséquence. Les personnes âgées étant moins actives et par conséquent, moins consommatrices. Rajoutez à cela le magasinage en ligne et la table est mise pour que le problème s’accentue au cours des années.
Des solutions drastiques ?
« Certes, ce n’est pas tous les commerces qui peuvent s’installer dans les centres-villes. Un Bureau en gros n’a pas intérêt à se trouver sur la rue Racine pour des raisons pratiques comme le stationnement. Toutefois, il va falloir tôt ou tard forcer la densification. Privilégier les logements collectifs plutôt que la maison unifamiliale en périphérie des villes. Rien ne prouve que l’étalement urbain soit un élément expliquant la vacation, toutefois la densification est un facteur de succès. »
Curieusement, l’inoccupation commerciale aurait pour effet de favoriser l’inoccupation commerciale. C’est-à-dire qu’un promoteur immobilier calcule le taux de risque en fonction de la rétention du locataire. Si un commerçant se trouve dans un endroit où de nombreux locaux sont à louer, il y a plus de chances qu’il quitte pour un espace moins cher. « Ça peut devenir un cercle sans fin. Les investisseurs peuvent décider de se retirer et un immeuble laissé à l’abandon n’est pas souhaitable », lance l’homme d’affaires qui termine en ajoutant que des zonages plus restrictifs devraient être mis en place pour éviter l’étalement urbain.