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Jonathan Thibeault

SAGUENAY — Bien qu’il n’aime pas trop s’avancer sur des dates, le vice-président, Recherche et économiste en chef à la BDC, Pierre Cléroux, croit que la Banque du Canada devrait réduire son taux directeur à un seuil plus normal d’ici le mois de juin. La diminution des taux d’intérêt pourrait contribuer à un essor économique dans les projets industriels, mais également dans la construction.

Alors que les spéculations vont bon train quant à la date exacte de cette opération par la banque centrale, M. Cléroux reste prudent, mais optimiste quant à un scénario favorable d'ici le mois de juin. Selon lui, une diminution des taux d'intérêt pourrait dynamiser l'activité économique, notamment dans les projets industriels et la construction résidentielle.

Au Saguenay, deux secteurs clés, le bois et l'aluminium, ont connu un ralentissement en 2023, principalement en raison de la hausse des taux d'intérêt. En effet, la hausse des taux a eu un impact direct sur le secteur immobilier, entraînant une diminution des mises en chantier et une contraction de l'emploi. Toutefois, avec l'anticipation d'une baisse, une reprise est attendue, notamment dans le secteur de la construction résidentielle.

L'industrie de l'aluminium devrait particulièrement profiter du contexte économique. Avec la transition vers une économie plus verte, marquée par des investissements dans l'hydroélectricité et la hausse de la production de véhicules en aluminium et la recherche constante de la légèreté dans une ère d'électrification des transports, les perspectives de croissance sont encourageantes pour les prochaines années. Cette tendance s'inscrit dans un contexte plus large de demande croissante pour des produits durables et respectueux de l'environnement.

Situation régionale différente du reste du Canada en 2023

Bien que le territoire régional ait pu vivre quelques ralentissements du côté de ses principaux acteurs manufacturiers et industriels, le Canada en entier n'aurait pas vécu de ralentissement, précise l'économiste. " Au Canada, le secteur manufacturier est resté stable puisque l'aéronautique, l'automobile et l'alimentaire, pour ne nommer que ceux-là, ont été stables. On constate une reprise depuis l'automne 2023, on voit une augmentation de l'exportation de l'aluminium et du bois ; deux ressources qui génèrent de grandes retombées pour le Saguenay–Lac-Saint-Jean ", indique-t-il.

Approvisionnement : une situation qui est rentrée dans l'ordre

La pandémie aura exacerbé les problèmes d'approvisionnement, notamment dans l'accès de certaines composantes, attribuable aux ralentissements de production. Selon Pierre Cléroux, nous sommes de retour à une situation comparable à avant 2020. Cependant, des défis persistent, notamment en matière de pénurie de main-d'œuvre, qui entrave la croissance de nombreux secteurs. Pour estomper cet enjeu, M. Cléroux souligne la nécessité d'investir davantage dans la technologie et l'innovation, notamment en automatisant certaines tâches pour pallier le manque de travailleurs qualifiés. En parallèle, la question des infrastructures reste cruciale pour soutenir la reprise économique. Des investissements dans les infrastructures de transport et de logement sont nécessaires pour favoriser la croissance et stimuler l'activité économique dans toutes les régions du Québec.

" Il y a toutefois un enjeu de taille qui demeure : les employés. J'étais présent à un événement de la Chambre de commerce et d'industrie Saguenay-Le Fjord il y a quelques semaines et des entreprises me racontaient qu'elles devaient se rendre jusqu'en Afrique pour leur recrutement. À ce chapitre, les entreprises doivent analyser l'ensemble de leurs structures afin d'innover ", explique celui qui donne en exemple la mise sur pied d'entrepôts automatisés. " L'enjeu n'est plus celui de l'approvisionnement, mais bien de l'accès à la main-d'œuvre. Il y a plus d'offres que de personnes disponibles. C'est pourquoi il faut investir plus en technologie. Si on peut automatiser certaines tâches comme la gestion d'inventaire grâce à la robotisation et l'automatisation, une entreprise industrielle pourrait augmenter un peu sa productivité ", croit-il.

Des perspectives de récession écartées

Bien que certains acteurs économiques laissaient entrevoir une possibilité de récession au cours de la dernière année, le chef économiste de la BDC affirme que cette situation est bel et bien derrière nous. " Je suis convaincu que nous sommes à la fin du cycle de la hausse des taux. Il y a une tendance observable qu'un tel cycle dure environ deux ans pour ensuite se régulariser. Aujourd'hui, il y a beaucoup d'économistes qui ont un consensus que nous sommes dans la bonne direction : celle d'un retour vers une croissance économique ", de conclure M. Cléroux.

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