Dominique Savard
Auteur

Dominique Savard

N.D.L.R. : Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : « Développement minier : les projets miniers et leurs enjeux au Saguenay-Lac-Saint-Jean et au nord du Québec », publié dans notre édition du mois d’octobre.

SAGUENAY – Selon la carte routière minérale, la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean compte 37 projets actifs de projets miniers et de métaux. Pour Christian Tremblay, les variations cycliques des besoins et des coûts du produit sur le marché mondial ont un impact direct sur les délais de développement des projets.

« C’est une industrie cyclique qui va avec la Bourse et le développement économique. Par exemple, si la Chine se met à construire des tours, ça va prendre plus de fer. Ça a une influence directe sur l’exploration », souligne-t-il. Ce dernier ajoute que le prix du métal a aussi beaucoup d’influence. « Le ferro-vanadium était à 30 $ le kilo l’an dernier, alors que cette année, il a chuté à 7 ou 8 $. Le coût a deux effets, soit celui d’accélération quand le prix monte, et de ralentissement dans le cas contraire lorsque le projet est rendu à l’étape d’exploration ou de développement », explique M. Tremblay, accompagné du directeur du CERM, Paul Bédard, de la professionnelle de recherche Brigitte Poirier et du stagiaire en écoconseil, Félix Lecompte-Boinet.

Les marchés, c’est fondamental

Les titres miniers actifs au Saguenay-Lac-Saint-Jean représentaient, au mois de mars 2019, 1,9 % de la superficie totale du SLSJ (1910 km2). « Nous avons encore beaucoup de chemin à faire pour connaître notre sous-sol. On n’est pas une région historiquement minière, même si nous avons une mine active très importante comme Niobec. C’est la seule en opération. En contrepartie, une région comme Chibougamau, mise au monde grâce aux mines, n’a plus de mine active. Comme nous, ils ont beaucoup de projets et de « claims » (titre minier, un droit d’exploration d’évaluer le sous-sol), mais aucune n’est en exploitation. Et pourtant, ils en ont déjà eu une quinzaine. Tout cela pourrait repartir si le prix des métaux remonte », affirme Christian Tremblay.

Ce dernier ajoute que les producteurs d’or n’ont pas à se poser de question sur le prix de vente du précieux métal. « Il est déterminé par la Bourse. Dans le cas des métaux de base comme l’aluminium, le cuivre, le nickel, le cobalt, etc., c’est le London Métal Exchange (LME) qui détermine les prix. Pour les minéraux industriels (non métalliques) comme l’apatite, par exemple, c’est la négociation de gré à gré avec un acheteur éventuel qui déterminera le prix de vente, comme doit le faire Arianne Phosphate. »

Les métaux pour l’environnement

Christian Tremblay, Paul Bédard, Brigitte Poirier et Félix Lecompte-Boinet avouent que le sujet des mines n’a pas bonne bouche auprès des environnementalistes. Ils rappellent, toutefois, que la plupart des substances qu’on y extrait servent à améliorer l’environnement.

« En électrifiant les automobiles et avec plus d’éoliennes, ça crée une demande en ressources qu’on ne pensait pas. Les voitures électriques ont besoin de beaucoup plus de cuivre que la voiture à essence, ce qui a un effet sur la demande et le prix du métal. On ne réalise qu’on a besoin d’engrais pour nourrir la planète, et ça nécessite du phosphate. Tout changement économique demande une nouvelle ressource. Notre société moderne est basée essentiellement sur l’utilisation et la transformation massive des ressources et dans le futur, ça ne risque pas de changer.

« Prenez l’exemple du téléphone cellulaire, on a une quarantaine des éléments du tableau périodique pour le construire sur les 110 éléments qui composent la terre. En fait, ce qu’il faut savoir, c’est que toutes les technologies vertes pour de l’énergie renouvelable se basent sur des minéraux qu’on exploite dans les mines. La logique de « je ne veux pas cela chez moi, mais je veux quand même des technologies vertes » est un peu incohérente. Mieux vaut contrôler la façon de faire aux bons endroits avec des normes environnementales que de le faire ailleurs où il n’y a pas de réglementation », de conclure les quatre intervenants.

Cheminement d’un projet

Avant de voir se concrétiser un projet minier, les
promoteurs doivent suivre un processus très long qui peut s’étaler sur plusieurs décennies. Ils doivent aussi, le plus en amont possible et tout au long des différentes étapes de cheminement du projet, impliquer les Premières Nations concernées, selon l’Association minière du Québec (AMQ).

Le processus débute par une phase de prospection et d’exploration. À cette étape, il y a beaucoup d’appelés et peu d’élus, c’est-à-dire qu’on estime qu’il faut plus de 1 000 projets d’exploration pour trouver un site et parvenir à exploiter une mine au Canada. Lors de la période d’exploration, qui dure généralement d’une à cinq années, des études préliminaires de faisabilité sont effectuées. Par la suite, il se poursuit par la mise en valeur d’un site et la production d’un gisement. Il se conclut avec les étapes de fermeture, la restauration et le suivi environnemental du site.

Production et financement

Lorsqu’une décision positive de mise en valeur du minerai est prise, plusieurs travaux de terrain sont effectués (par exemple, des essais métallurgiques sur de gros échantillons, des puits d’exploration, etc.) ainsi que l’étude exhaustive du gisement menant à la décision de passer à l’étape suivante, celle de mise en production et de financement. Cette mise en valeur du minerai peut s’étaler sur une durée de trois à huit ans et peut entraîner des coûts de 15 à 20 M$, tandis que l’étape de la prise de décision de mise en production entraîne des coûts de l’ordre de 400 M$ et plus et concerne une période de 10 à 20 ans.

Les étapes suivantes, celles de la construction de la mine et de sa mise en production, se caractérisent également par des investissements élevés, mais qui entraînent toutefois des retombées économiques de long terme. La période de construction des installations (Concentration traitement et chargement) dure généralement de deux à trois ans pour une production de 10 ans et plus.

Fermeture, restauration et suivi environnemental

Les étapes de fermeture, de restauration et de suivi environnemental consistent essentiellement à fermer la mine et ses installations de façon à ce que l’environnement du site concerné soit sécuritaire (santé) et restauré de façon acceptable pour les communautés environnantes. Dans certains cas, le site est remis le plus près possible de son état naturel, tandis que dans d’autres cas, une seconde vie est donnée aux infrastructures par des usages alternatifs.

Soulignons qu’en moyenne, une société doit posséder quelque 150 types de permis et autorisations, délivrés par différents organismes et ministères des deux paliers de gouvernement, pour pouvoir démarrer l’exploitation d’un site minier. Les nombreux délais ainsi induits, qui occasionnent des retards et accroissent les coûts et les risques, ont également comme conséquences une réduction de la valeur d’un projet minier, sans compter la possibilité qu’il ne soit plus financièrement viable ou qu’il soit en porte-à-faux entre le cycle minier et le cycle économique.

Phases d’un projet minier

-Prospection (4 à 10 ans) 1 à 2 M$/an

-Exploration (2 à 5 ans) 4 à 10 M$/an

-Étude et permis (2 à 5 ans) 2 à 3 M$/an

-Construction (2-3 ans) 100 M$ à 1 G $

-Exploitation (7-30 ans) 30 à 50 M$/an

-Fermeture et réhabilitation (2-7 ans) 5 à 100 M$

-Suivi environnemental (Jusqu’à 100 ans) Coûts variables

Commentaires