SAGUENAY – « Les organisations qui ne réfléchissent pas à la reconnaissance se tirent dans le pied », estime le Dr Serge Marquis, médecin spécialiste en santé communautaire. On pourrait croire qu’il s’agit d’une évidence, mais c’est là tout le danger, selon le conférencier, qui a pris la parole lors de la 21e Journée Roland-Saucier, en mai.

« C’est un problème de croire que la reconnaissance est une évidence, parce qu’alors, on ne s’en occupe pas. On la tient pour acquise », affirme-t-il. 

Titulaire d’une maîtrise en médecine du travail, le Dr Marquis s’intéresse depuis près de 40 ans au stress, à l’épuisement professionnel et à la détresse psychologique dans l’espace de travail. Il a pu constater que, très souvent, quand les gens arrivent dans son bureau avec leur flamme presque éteinte, le mot reconnaissance revient sur leurs lèvres. 

« La reconnaissance, ça ne coûte rien. C’est gratuit. Et surtout, ça fait en sorte que les personnes n’ont pas le sentiment d’être un meuble. […] Il n’y a personne qui souhaite aller travailler juste pour faire une paye. Les gens veulent s’investir, contribuer, que leur emploi ait du sens. […] Comme être humain, on désire simplement que l’usage de notre tête et de nos efforts ne soit pas tenu pour acquis. […] La reconnaissance redonne sa place à l’humain dans l’espace de travail », souligne le conférencier.

Importance particulière

Cette reconnaissance revêt une importance particulière en milieu de travail, puisqu’elle contribue à protéger la santé mentale des salariés. Une étude de Brun, Biron, Martel et Ivers datant de 2003, citée dans un article de la Revue Gestion en décembre dernier, a d’ailleurs démontré que les employés obtenant un niveau élevé de reconnaissance de la part de leur gestionnaire vivent moins de détresse psychologique (33 %) que ceux qui en reçoivent peu (67 %). 

Cependant, pas besoin d’être gestionnaire pour offrir de la reconnaissance à ses collègues. « Elle n’appartient à personne. Elle peut aller de haut en bas, de bas en haut ou horizontalement », assure le Dr Serge Marquis. 

La reconnaissance permet aussi de sortir du piège de l’habitude, de l’usure et de la routine. Celui-ci fait perdre son sens au travail, pouvant mener à la démotivation et à la détresse psychologique. « La reconnaissance a un impact parce qu’elle agit sur l’estime de soi. […] Quand on est reconnu, on n’a pas l’impression d’être nul, dans un cul-de-sac, pas important, coincé ou sans but. On sent que le quotidien a du sens », fait valoir le médecin. 

Authenticité

Dans un milieu du travail au rythme effréné, témoigner de la reconnaissance demande seulement de prendre un temps d’arrêt, puisqu’elle nécessite de l’authenticité. « Ça peut être un bonjour habité le matin, un merci où il y a de la présence. Il faut habiter ce qu’on exprime », illustre le Dr Marquis.

Toutefois, « la reconnaissance parfaite n’existe pas », selon lui, et il faut cesser de la chercher. Il suffit parfois d’un geste, d’un mot ou d’un regard. « Elle doit toujours être gratuite. […] Quand elle est exprimée, elle doit être précédée d’un minimum d’attention. La qualité de l’attention, c’est le degré le plus élevé de reconnaissance », mentionne-t-il.

Quatre espaces

Dans une organisation, il y a quatre espaces où on peut explorer la reconnaissance. D’abord, les occasions formelles, comme les anniversaires, les années de service, les départs à la retraite ou les célébrations communes telles que Noël ou la Saint-Valentin, peuvent être de bons moments. Il faut cependant que ce soit crédible, que ça ait du sens au sein de l’entreprise et que ce soit accompagné de petits gestes au quotidien. 

Les gestes et les actes peuvent être soulignés. On parle ici d’efforts, de résultats, d’attitudes, de comportements, etc. « On peut les reconnaître sur leur beauté autant que sur leur utilité. La beauté, ça a un impact aussi », précise le Dr Serge Marquis. 

Une organisation peut également valoriser les compétences, les ressources et les capacités d’une personne. « Il faut encourager les aptitudes d’un salarié qu’il utilise dans son travail et pour lesquelles il n’est pas payé, parce que ça a une incidence sur le climat de travail », ajoute le conférencier. Il donne l’exemple d’un employé qui a une grande écoute et vers qui les autres se tournent pour se confier, ou encore d’un individu qui a un bon sens de l’humour et fait rire ses collègues.

En dernier lieu, il est possible d’apprécier la personne, l’être en lui-même. « C’est bien de reconnaître l’excellence et l’exception, mais ce sont les gestes ordinaires de qualité qui sont posés chaque jour qui font qu’une organisation continue de fonctionner », conclut le Dr Marquis.