SAGUENAY – Fortement touché par la pandémie de COVID-19, le secteur du tourisme doit composer avec une carte redessinée et encore beaucoup d’incertitudes, notamment en matière de ressources humaines. Alors que le recrutement pour la période estivale est en cours, c’est encore la situation de la rareté de la main-d’œuvre qui est le principal enjeu de l’industrie.
En avril, des centaines de postes étaient toujours à pourvoir dans ce secteur, principalement dans les milieux de la restauration et de l’hôtellerie. La directrice générale de Tourisme Saguenay–Lac-Saint-Jean, Julie Dubord, explique que le contexte lié à la COVID-19 crée actuellement une sorte de période de flottement. Pour certaines entreprises, notamment en aventure et écotourisme, la pandémie a contribué à solutionner les problématiques de main-d’œuvre en attirant des candidats potentiels vers leurs domaines. Pour d’autres, comme celles œuvrant en hôtellerie et en restauration, le problème s’est aggravé.
« Pour plusieurs secteurs, les employeurs ne pouvaient pas garantir des heures ou des emplois et les gens ont dû aller ailleurs. Est-ce que ces gens vont revenir ? Est-ce qu’on va avoir accès à un nouveau bassin de main-d’œuvre ? La pandémie a déplacé les cartes et c’est plus difficile pour les entreprises de savoir qui elles recrutent, à qui et comment elles doivent adresser le message pour le recrutement », précise Mme Dubord.
Une fausse impression de précarité
Selon la directrice de Tourisme SLSJ, l’industrie touristique doit se positionner pour se rendre attractive. « Il y a des aspects qui attirent, dans notre industrie. Par exemple, travailler à l’extérieur, le contact avec des clients en vacances […] le fait que ce soit tous les jours différents. C’est vraiment stimulant de travailler dans ce contexte », estime-t-elle. Or, c’est plutôt la perception d’une certaine précarité d’emploi qui représenterait un frein pour les candidats potentiels. « Il y a une perception que ce sont uniquement des emplois saisonniers. Oui, il demeure certains emplois qui sont saisonniers, mais il y a aussi beaucoup d’entreprises qui emploient des gens à l’année », indique-t-elle.
Offrir une expérience
Julie Dubord croit que pour se rendre attrayante, l’industrie doit travailler sur ces perceptions négatives, mais surtout miser sur ses avantages, dans un contexte où les futurs employés recherchent de plus en plus une ambiance de travail globale plutôt que des conditions spécifiques.
« C’est un peu comme une stratégie marketing. Maintenant, ce n’est pas avec une liste de tâches et de compétences qu’on recrute, mais plutôt en montrant quel environnement, quelle ambiance de travail on offre. C’est une approche dynamique. Il faut penser comment on peut se rendre attrayant et séduisant. On peut parler du paysage, de notre type de clientèle, de ce que l’employé peut venir chercher en travaillant pour nous […] Aujourd’hui, il faut aller vers les candidats potentiels. Leurs préoccupations et leurs attentes ont changé. L’emphase est mise plus sur le cadre dans lequel ils travaillent, sur comment on contribue à permettre à l’employé de se développer », affirme-t-elle.
Mme Dubord souligne que l’aspect développement de talents et de compétences n’est pas à négliger dans le recrutement, puisque certains employés feront leur carrière en tourisme, alors que d’autres, comme les étudiants par exemple, ne seront que de passage. « On peut leur montrer comment leur travail dans l’industrie touristique sera un élément de bonification dans leur parcours. »
Une formation pour les entreprises
Dans le but de favoriser la compréhension et la mise en œuvre de cette expérience employé, le Comité sectoriel de main-d’œuvre en tourisme (CQRHT) a d’ailleurs mis sur pied une formation en partenariat avec les créneaux touristiques de la démarche ACCORD, dont celui de Tourisme d’aventure et écotourisme dans la région. La formation en ligne permet aux entreprises de ces créneaux de définir leur positionnement employeur, de communiquer ce positionnement avec le marketing RH et d’améliorer l’expérience employé qu’elles offrent.
Faites briller l’été partout au Québec
Les créneaux d’excellence ne sont toutefois pas les seuls à travailler sur l’enjeu du recrutement et de la rétention des ressources humaines. Tous les secteurs touristiques y font face à différents niveaux. « C’est une préoccupation qui n’est pas unique à la région. Ça se traduit de façon différente selon les endroits, mais ça nous touche tous », croit la directrice générale de Tourisme SLSJ. D’ailleurs, une campagne de recrutement provinciale a été lancée à la mi-avril afin de pourvoir 40 000 postes, dont des centaines au Saguenay–Lac-Saint-Jean, en vue de la saison touristique. Intitulée Faites briller l’été partout au Québec, elle met de l’avant le site Web MonEmploiEnTourisme.com, qui regroupe de l’information et des offres d’emploi.
Deux entreprises touristiques qui se distinguent en RH
L’expérience employé est une façon de se distinguer pour le recrutement et la rétention de la main-d’œuvre. Les gestionnaires du Parc aventure Cap Jaseux et de la Chocolaterie des Pères Trappistes l’ont bien compris et l’appliquent au quotidien. Regard sur leurs façons de se démarquer.
Au Parc aventure Cap Jaseux, cela fait quelques années que les gestionnaires ont entamé un virage dans leur manière de faire du recrutement, de retenir et de fidéliser leurs employés. L’aventure a débuté par la participation au Programme RARƎ offert par la firme Trigone, qui vise à identifier rapidement les enjeux de l’entreprise en matière de recrutement, d’attraction et de rétention, tout en proposant des solutions concrètes.
« Il y a plusieurs choses pour lesquelles on s’en tirait bien, par exemple le type d’emplois en plein air qu’on offre, ça se démarque. Au niveau du recrutement et de la rétention, on devait revoir notre façon de faire et opter pour une approche plus marketing », indique la directrice générale, Rébecca Tremblay.
Le Parc aventure a, depuis, révisé ses échelles salariales et son programme de gratuités pour les employés. Il a participé au programme ORIANCE de Tourisme Saguenay–Lac-Saint-Jean pour définir le profil individuel des employés de la direction et déterminer leurs besoins professionnels afin d’établir leur plan de développement individuel. L’équipe mise aussi sur la conciliation travail-vie personnelle, le bien-être au travail et la reconnaissance des employés, notamment avec son Wall of Fame des employés. « En retenant nos employés, ça se transpose aussi sur les services que nous offrons aux clients. […] On évalue toujours l’expérience client… L’expérience employé, selon moi, ça va de soi aussi », affirme la directrice générale.
Campagne marketing
Cette année, le Parc aventure a mis sur pied une campagne de marketing, sur les réseaux sociaux, avec des capsules où des employés racontent comment ils vivent leur expérience de travail au Cap Jaseux. « Les gens voient vraiment le milieu de travail, les employés en action », souligne Mme Tremblay. L’organisme recrute aussi directement dans les établissements d’enseignement qui offrent des formations en tourisme d’aventure. La coopérative a également revu ses façons de faire pour les entrevues. « Dès qu’on reçoit un CV d’un candidat qui se démarque, on le passe en entrevue et si ça fonctionne, on l’embauche immédiatement. De faire les entrevues au fur et à mesure, au lieu d’attendre pour les faire toutes en même temps, c’est une bonne stratégie, ça nous aide grandement », précise la directrice générale, ajoutant que cela évite qu’un candidat intéressant soit recruté ailleurs avant. Et les efforts fonctionnent. « Au terme de tout ça, il a fallu qu’on fasse des choix déchirants entre des candidats très intéressants. Il nous reste encore quelques postes à combler, mais c’est rare », note Rébecca Tremblay.
Ambiance familiale à la Chocolaterie
Du côté de la Chocolaterie des Pères Trappistes, les employés sont au cœur de l’entreprise qui, même si elle en compte une cinquantaine lors des périodes plus intenses, continue d’offrir une ambiance familiale et de mettre l’humain de l’avant. « La base, c’est le dialogue. On n’est pas très procéduraux. Si quelqu’un a besoin d’un congé, si quelqu’un veut travailler moins de jours, si quelqu’un vit une problématique, on va essayer de l’accommoder. […] On vise vraiment la conciliation travail-vie personnelle. Ça donne plus de travail aux personnes responsables des horaires et du personnel, mais ça apporte vraiment un plus pour les employés. […] Ça demeure familial, même si l’entreprise grandit », explique le co-directeur général Développement des affaires et co-propriétaire, Dominique Genest.
Avant la pandémie, qui a ralenti ce type d’activités, le Choco-club, le club social de la chocolaterie, s’impliquait également dans de nombreuses causes et événements, en plus de faire des dons et commandites à différents organismes. Le Choco-club a pour mission de faire du bien et, au cours des dernières années, son engagement s’est tourné beaucoup vers les causes touchant les jeunes et les familles. Il fait également vivre les valeurs sociales de l’entreprise. Ce faisant, il attire également une certaine visibilité dans la communauté. « L’image projetée, c’est que ça a l’air vraiment agréable de travailler chez nous », estime l’homme d’affaires.
Fierté d’équipe
Selon M. Genest, le fait que la Chocolaterie des Pères Trappistes soit aussi un lieu touristique suscite une grande fierté chez les employés. « Les visiteurs voient leur travail, les produits qu’ils fabriquent. Ça a un effet positif. Et le tourisme amène des gens sur place, parfois une visite peut susciter l’intérêt d’un futur employé », note-t-il. Les gestionnaires de l’entreprise ont aussi misé sur des campagnes imaginatives pour faire parler d’elle et pour le recrutement au cours des dernières années. « La croissance, l’implication dans le milieu, le club social… C’est un ensemble qui suscitait l’intérêt. On surfe encore sur cette vague d’actions qu’on a mises en place dans les dernières années, et avec la pénurie de main-d’œuvre qui augmente, on veut s’y remettre », conclut Dominique Genest.