N.D.L.R. Le texte qui suit fait partie d’un dossier rédigé dans le cadre du cahier thématique dont le thème est : Formation et main-d'oeuvre, un milieu en évolution, publié dans notre édition du mois d'août.

SAGUENAY – Les mots à la mode (buzzwords) font souvent écho à des tendances qu’on retrouve dans la société. En matière de ressources humaines, plusieurs sont apparus au cours des dernières années et viennent qualifier les transformations du monde du travail. Tour d’horizon de quelques-unes de ces expressions nées en 2023 avec la conseillère en ressources humaines agréée (CRHA) et présidente du Réseau Annie RH, Annie Boilard. 

« Quand un nouveau mot à la mode apparaît, ça exprime quelque chose qui est présent. S’il devient populaire, c’est qu’il représente quelque chose pour les employés. On pourrait les classer en trois catégories, soit ceux qui sont liés à l’arrivée de technologies émergentes, ceux issus de courants générationnels ou initiés sur TikTok, et finalement, ceux qui touchent aux relations patron-employé », indique Mme Boilard. 

Elle explique que se tenir au courant de ces différentes expressions à la mode est intéressant, tant pour les employés que les employeurs, mais également pour les professionnels des ressources humaines. "Ces mots-là émanent de quelque chose de vrai.  Ça permet aux employés de savoir ce qui se passe dans le monde du travail. Pour les gestionnaires ou les professionnels, c'est plaisant de voir quelles sont les tendances", souligne-t-elle. 

Emplois fantômes

Les emplois fantômes sont des postes que les entreprises affichent, mais qu’elles n’ont pas l’intention de pourvoir. « Parfois, ça crée de gros points d’interrogation pour les candidats, parce qu’ils postulent, mais personne ne les appelle. Les sociétés font ça généralement pour constituer une banque de candidats. On peut penser à une organisation qui a un salarié qui occupe un poste critique et qui a des raisons de croire qu’il se cherche un autre emploi. Une autre pourrait implanter une nouvelle technologie et se questionne à savoir s’il y a des travailleurs qui la connaissent », explique Mme Boilard. 

Il ne s’agit pas d’une pratique, puisque si elle est utilisée trop souvent, les candidats vont cesser de postuler. « Ce sont vraiment des exceptions. »

Quiet Hiring

Le Quiet Hiring, ou recrutement silencieux, réfère au recrutement de personnes, mais seulement dans le réseau de proximité. "On ne l'annonce pas et on va seulement vers des gens qu'on connaît", illustre la conseillère en ressources humaines. 

Elle ajoute qu'il s'agit souvent d'entreprises qui ne sont pas certaines, qui ne savent pas si elles vont conserver le poste à temps plein ou qui ont des besoins très ponctuels. 

Quiet Vacationing 

Concept popularisé surtout en 2024, le Quiet Vacationing, les vacances silencieuses, ressemble au Quiet Quitting. Alors que ce dernier représentait le fait de quitter son emploi ou de faire le strict minimum pour conserver son poste sans le dire au patron, le premier réfère à l’acte de prendre des vacances sans l’officialiser auprès de son employeur. « Je ne prends pas mes heures de vacances, mais je ne travaille pas et je reçois ma paie », clarifie Annie Boilard. 

Ce mot à la mode fait partie de ceux qui émanent de TikTok. « Typiquement, c’est générationnel. On pense à notre génération Z, qui est globalement insatisfaite au travail. Si on regarde les sondages, souvent, ils sont moins heureux et ont des déceptions. Ces comportements sont des réactions à ces déceptions. Il faut dire que les tendances TikTok sont fréquemment influencées par les États-Unis et que la relation des Américains aux vacances n’est pas la même que la nôtre. »

Quittok

Les Quittok, ou départs brillants, sont des gens qui démissionnent ou qui se font congédier et qui en font la promotion sur TikTok ou les réseaux sociaux. « Parfois, ils vont se filmer en train de démissionner. Ou, lors d’un congédiement, ils vont expliquer très vocalement leur expérience et leur perception de l’histoire. Ils en parlent ouvertement et ça met souvent l’entreprise dans l’embarras, parce que pour elle, le dossier de l’employé est confidentiel. Elle ne peut donc pas aller sur la place publique pour commenter », résume Mme Boilard.

Celle-ci estime que cette tendance vient d’un courant de fond dans lequel le salarié veut démontrer son indépendance. « C’est un peu d’imposer le respect de l’employeur envers le travailleur. On peut le mettre en parallèle avec le Quiet Quitting, le Quiet Vacationing, etc. Au Royaume-Uni, il y a eu une étude il y a quelque mois à propos des gens qui ne se présentent pas en entrevue. Plus de 80 % de la génération Z l’avait déjà fait. Quand on demandait pourquoi, c’était la même chose : montrer leur indépendance et, en quelque sorte, passer au suivant. Ils croient que, si plusieurs le font, la personne qui aura le poste à la fin aura une meilleure offre », développe-t-elle. 

FOBO et gêne technologique

Le FOBO (Fear of being obsolete) est la peur de devenir obsolète. Elle est liée à la crainte que la technologie, comme l’intelligence artificielle, remplace le poste d’une personne. La gêne technologique est l’émotion ressentie lorsqu’on est incapable de faire des manipulations technologiques de base. 

« Ces deux mots sont à prendre au sérieux. Ils touchent des sentiments que vivent les employés. Et elles sont évitables. Quand on vient mettre un nom, ça légitime un peu ce qu’on éprouve. Pour les gestionnaires, on peut reconnaître que l’émotion est là, ouvrir des discussions. En parler en équipe, parce que ça arrive à tout le monde, ça permet aux gens de se dire que c’est correct. Ça vient dédramatiser quand une situation survient », mentionne la CRHA. 

Lazy girl job

Contrairement à ce qu’on pourrait penser, les Lazy girl jobs, qu’on peut traduire par emplois pour filles paresseuses, ne seraient pas un terme péjoratif. « C’est un courant qui a commencé aux États-Unis également. Ça désigne en fait des emplois flexibles sans heures supplémentaires. Ce n’est pas paresseux du tout. Ce sont des conditions de travail que les gens qui cherchent ce genre de poste veulent », analyse Annie Boilard.

Cette dernière ajoute qu’il existe même des formations pour savoir comment trouver, identifier et te faire engager pour des emplois de ce type.

Bare minimum Monday

Le Bare minimum Monday, qu’on pourrait traduire par strict minimum du lundi, veut pour sa part contrer le sentiment de dégoût ou d’anxiété qui s’empare d’une personne le dimanche soir à la perspective du retour au travail le lundi. Il s’agit en quelque sorte d’un pied de nez à la culture de l’hyperproductivité. Ses adeptes vont effectuer la prestation minimale de travail requise le premier jour de la semaine ou en choisissant deux ou trois objectifs ciblés au lieu d’une longue liste de tâches. 

« Se mettre moins de pression le lundi, oui ça peut être sain. Par contre, voler des heures à l’employeur, c’est non. Ça dépend où on place la limite, mais il faut que la prestation de travail respecte le contrat d’emploi », affirme Mme Boilard.

Boreout

Le Boreout, c’est l’ennui au travail. Il est souvent mis en parallèle avec le burnout (épuisement professionnel). Cette fois, ce sont les Français qui ont popularisé le concept. « En France, ce sont près de 80 % des gens qui s’ennuient au travail. Ce sont des personnes qui ont l’impression de ne pas utiliser leur potentiel. Ça crée du désengagement, de la déception. Parfois, ça peut générer des symptômes qui ressemblent à ceux du burnout », expose la conseillère en ressources humaines, précisant que le Boreout n’est pas encore reconnu par les psychologues, alors que l’épuisement professionnel est un diagnostic reconnu.

Biais de proximité

Il s’agit d’un biais inconscient du côté des gestionnaires. C’est la tendance à accorder un traitement préférentiel aux personnes qui se trouvent à proximité immédiate. C’est donc dire que des employés qui sont plus souvent au bureau pourraient être évalués de façon plus positive que ceux qui sont généralement en télétravail. 

« L’idée, comme avec tous les biais inconscients, c’est d’en prendre conscience et de trouver des solutions pour le contrer », rappelle Annie Boilard.

Momager

Ce terme combine les mots Mom (maman) et Manager (gestionnaire). "C'est souvent un gestionnaire qui va être particulièrement sensible à la santé mentale de ses employés. Il va, par exemple, dire à son salarié : “tu as l'air fatigué aujourd'hui. Couche-toi plus tôt ce soir”. Ou encore : “tu pars bientôt en vacances, n'oublie pas ton maillot de bain!” C'est ancré dans la bienveillance, mais ça empiète dans la vie personnelle du travailleur", conclut la présidente du Réseau Annie RH.