Auteur

Karine Boivin Forcier

SAGUENAY – Dans le contexte actuel de main-d’œuvre, il peut être intéressant pour les entreprises d’ici de se tourner vers le recrutement international. Il faut toutefois être bien préparé, puisque les démarches sont longues (6 à 10 mois) et complexes, estime Séreyrath Srin, de Zonéo Monde, une firme saguenéenne spécialisée en recrutement à l’international.

La première chose à savoir, selon M. Srin, c’est que l’employeur n’est pas autorisé à représenter le travailleur dans ses démarches d’immigration. « L’employeur ne peut pas remplir les papiers pour le travailleur. Ce n’est pas légal. Soit le travailleur fait sa demande de permis de travail lui-même, soit il fait affaire avec un consultant en immigration ou un avocat spécialisé en immigration, qui sont autorisés à le faire », explique-t-il.

Recruter localement d’abord

Pour plusieurs catégories d’emploi, l’employeur qui désire recruter à l’international devra faire la preuve qu’il a engagé des démarches de recrutement localement en premier lieu. La première étape est donc d’afficher une offre d’emploi détaillée à différents endroits, tels qu’Emploi-Québec, sur le Guichet emploi du gouvernement du Canada, Jobboom, les journaux, etc. « Il faut que les démarches de recrutement locales aient duré au moins 30 jours. […] L’employeur doit démontrer qu’il a fait les efforts nécessaires pour trouver de la main d’œuvre locale », précise Séreyrath Srin. Certains postes, sélectionnés par région, permettent d’accéder au processus de traitement simplifié, évitant à l’employeur de devoir prouver qu’il a affiché le poste localement.

C’est après avoir trouvé un travailleur potentiel à l’international que l’employeur doit demander l’Étude d’impact sur le marché du travail (EIMT) au gouvernement canadien. Services Canada vérifiera si l’employeur a bien fait tous les efforts pour recruter localement. Le gouvernement valide également le taux de chômage dans la région en lien avec le poste. Cette étape peut prendre environ quatre mois. Mentionnons que l’employeur et le travailleur doivent signer un contrat de travail avant le début des démarches.

De nombreux programmes accessibles

Mentionnons qu’il existe également des programmes pour lesquels l’employeur n’est pas tenu d’obtenir l’EIMT. Ainsi, si le travailleur fait partie d’un des programmes suivants, l’employeur peut éviter cette étape : les accords internationaux, notamment l’ALENA (qui sera remplacé par l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM), les candidats entrepreneurs ou travailleurs autonomes, les transferts à l’intérieur d’une société, les programmes d’échanges internationaux pour certains pays, le Programme vacances-travail, le Programme stage co-op, le Programme d’échange d’enseignants, le Programme des jeunes professionnels, ainsi que ceux concernant les travailleurs religieux, les universitaires et les exemptions d’EIMT provinciale , c’est à dire les travailleurs qui sont sélectionnés par une province pour devenir résidents permanents et qui ont déjà une offre d’emploi en mains.

Permis de travail

Une fois que l’employeur a obtenu l’EIMT, les démarches d’immigration proprement dite débutent. Le travailleur doit obtenir du ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion (MIDI) du Québec pour obtenir le Certificat d’acceptation du Québec (CAQ). Par la suite, les documents devront être transmis à Immigration et Citoyenneté Canada pour l’obtention du permis de travail de l’employé potentiel.

Le permis est délivré pour des périodes d’un à trois ans. En général, il s’agit d’un permis fermé, ce qui veut dire que l’employé ne peut travailler que pour l’entreprise qui l’a recruté. « S’il veut changer d’emploi, il devra refaire toutes les démarches pour obtenir un autre permis de travail. C’est donc avantageux pour l’entreprise qui le recrute », mentionne M. Srin.

Il existe aussi des permis ouverts, qui sont en général utilisés par les conjoints des travailleurs qui possèdent un permis fermé. « Par exemple, un travailleur qui vient ici avec sa femme et a un permis fermé, elle obtiendrait un permis ouvert et pourrait travailler pour n’importe quel employeur. Le permis ouvert aurait la même durée que le permis fermé du travailleur », précise le vice-président de Zonéo Monde. Mentionnons que les étudiants internationaux peuvent travailler un maximum de 20 h pour n’importe quel employeur et que leurs conjoints sont également admissibles à un permis de travail ouvert.

Par la suite, le travailleur pourra effectuer les démarches pour demander sa résidence permanente, s’il le désire.

Démarches complexes

Les démarches pour permettre à un travailleur d’immigrer au Québec sont donc complexe. Séreyrath Srin croit qu’un employeur ne peut pas tout gérer seul, à moins d’y consacrer énormément de temps et de ressources. « Il existe plusieurs programmes pour l’immigration au Canada et il peut être difficile de s’y retrouver. […] L’employeur qui veut faire venir un travailleur seul doit faire affaire avec un consultant en immigration, un notaire ou un avocat spécialisé en immigration pour remplir les documents. Il doit ensuite s’occuper des démarches pour préparer l’arrivée de la personne, l’accompagner dans son installation, parfois travailler avec différents organismes communautaires, les différents ministères, etc. », affirme-t-il. Par comparaison, un employeur qui travaille avec Zonéo Monde, par exemple, n’aura qu’un intervenant à gérer, l’équipe s’occupant de coordonner toutes les démarches, d’accompagner le travailleur dans le processus et à son arrivée.

Par ailleurs, lorsque le travailleur désire venir s’installer avec sa famille, le conjoint et les enfants doivent aussi obtenir des autorisations, que ce soit pour travailler, étudier ou suivre des cours de français. « Pour la famille de ces travailleurs aussi, il y a des besoins, comme la recherche d’emploi, d’une institution scolaire, etc. », ajoute M. Srin.

Des frais doivent également être acquittés auprès des deux paliers de gouvernement pour l’obtention des différents permis. Ils totalisent environ 1 550 $. Dans la majorité des cas, c’est l’employeur qui acquitte ces frais, même s’il n’y a aucune obligation. C’est aussi souvent l’employeur qui engagera le consultant en immigration ou l’avocat.

Obligations

Selon M. Srin, l’employeur a l’obligation de s’assurer que les démarches soient légales et qu’il y ait une équité dans l’entreprise, notamment pour les salaires selon les types de postes et l’expérience. S’il s’agit d’un travailleur saisonnier, comme en recrutent souvent des entreprises agricoles, par exemple, l’employeur doit alors prendre en charge le logement et la nourriture. Pour les autres postes, c’est à la discrétion de l’employeur.

L’employeur n’est pas responsable du comportement de son employé dans sa vie personnelle. Il n’a pas non plus l’obligation de s’impliquer dans l’intégration du travailleur à son milieu de vie. « Par contre, c’est un aspect hyper important. […] Recruter n’est pas un problème, mais l’accueil et l’intégration auront une influence majeure sur le choix de l’employé de s’établir ou non de façon permanente. […] L’employeur a intérêt à faire des efforts pour les garder et les intéresser à rester », rappelle le vice-président. Il explique, par exemple, que Zonéo Monde va éduquer les nouveaux arrivants avec qui elle travaille sur les lois, la culture québécoise, les coutumes, etc. pour faciliter l’intégration.

Le recrutement

Séreyrath Srin estime qu’un employeur peut choisir de faire son recrutement international seul, mais qu’il s’agira alors d’un véritable défi. « L’employeur ne connaît pas nécessairement les mentalités du pays, la culture. Il faut aussi connaître les lois locales à respecter, etc. C’est faisable, mais ça nécessite un investissement important en temps et en argent. […] De l’autre côté, un recruteur a accès à un réseau dans plusieurs pays à la fois, des gens qui connaissent bien la culture locale », souligne-t-il.

Il y a par ailleurs des frais liés au recrutement à l’international. On peut penser aux frais de consultants, si nécessaires, et à ceux d’un déplacement dans un autre pays. L’employeur pourrait devoir se déplacer, par exemple, dans le cas d’un métier spécialisé, afin de faire passer des tests théoriques et techniques à des candidats potentiels. « C’est important de prévoir ces frais dans la démarche », souligne M. Srin.

Mentionnons qu’il faut aussi accorder une importance aux antécédents des candidats. En effet, le gouvernement peut exiger que le travailleur (ainsi que chaque membre de sa famille) satisfasse aux exigences du gouvernement du Canada en matière de santé et de sécurité pour l'obtention du permis de travail. Il faut donc éviter les situations d’antécédents judiciaires et de problématiques de santé. Rappelons que le gouvernement peut demander un examen médical.

Programmes pour lesquels un employeur n’est pas tenu d’obtenir l’EIMT

  • Les accords internationaux, notamment l’ALENA (qui sera remplacé par l’Accord Canada-États-Unis-Mexique (ACEUM);
  • Les candidats entrepreneurs ou travailleurs autonomes;
  • Les transferts à l’intérieur d’une société;
  • Les programmes d’échanges internationaux pour certains pays;
  • Le Programme vacances-travail;
  • Le Programme stage co-op;
  • Le Programme d’échange d’enseignants;
  • Le Programme des jeunes professionnels
  • Les travailleurs religieux, les universitaires
  • Les exemptions d’EIMT provinciale , c’est à dire les travailleurs qui sont sélectionnés par une province pour devenir résidents permanents et qui ont déjà une offre d’emploi en mains.

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